En 1783, entre Kulturkampf et Réforme, Louis Kremp, prêtre alsacien contemporain du pasteur Oberlin installé à quelques kilomètres de Molsheim, répond à la nécessité d’instruire les jeunes filles pauvres des campagnes : il fonde ce qui allait devenir la Congrégation des Sœurs de Ribeauvillé, qui, jusqu’en 2009, exercèrent dans le primaire public alsacien.
La consultation des archives de la congrégation permet de décrypter une utopie fondatrice de cet ordre enseignant constituée autour de quatre vertus entendues comme des attitudes constantes et des prédispositions à l’action. La formation initiale a pour but de travailler ce « carré des vertus » afin de pouvoir les éprouver dans un réel difficile. La remise de soi à la Providence, première vertu, travaille un nouveau rapport au temps en dépassant trois tentations : l’empressement, l’inquiétude, la nostalgie. La seconde, la pauvreté, est une obligation radicale qui conteste l’opulence ambiante et ouvre à un changement radical d’économie quotidienne et relationnelle. La simplicité, quant à elle, est le contraire de l’esprit du monde, elle est intérieure, extérieure, sobriété de paroles et gestion de relations. Enfin, la charité est un mouvement de dépossession de soi pour une disponibilité inventive et continue au service de l’instruction des plus pauvres.
Ce carré axiologique a constamment orienté l’histoire de cette congrégation ; il questionne aujourd’hui encore la formation initiale et continue des enseignants.