Il y a quelques années déjà, je plaidais pour une implication plus importante des scientifiques dans l’arène publique. Tout en affirmant haut et fort cette nécessité de prendre part au discours public, je reconnaissais que la formation des chercheur·euses ne les prédisposait pas à se sentir à l’aise avec un tel exercice. C’était en 2019, bien avant qu’un certain virus ne déclenche un tsunami mondial, assorti d’une tempête médiatique qui refroidirait les plus téméraires des scientifiques sans expérience en prise de parole.
L’appel à candidatures de Prendre part : l’école d’été en communication scientifique – édition 2024 est ouvert du mardi 2 avril au 20 mai, 12 h 00 HNE. Cliquez ici pour prendre part à cette activité de formation!
L’idée
C’est alors qu’est née l’idée de monter une école d’été abordant la communication scientifique sous un angle original : plutôt que de se concentrer sur l’aspect vulgarisation, nous souhaitions utiliser la science comme levier de changement. Dans cette optique, la communication scientifique viserait à changer une perception, un comportement, ou à documenter une décision. Elle intégrerait les citoyen·nes dans des plans de recherche répondant à des questions qui les touchent. De plus, cette école comblerait un grand besoin dans la communauté scientifique. En effet, le nombre de subventions dédiées à la mobilisation des connaissances a augmenté drastiquement au cours des dernières années. Les organismes subventionnaires imposent désormais qu’une partie des budgets de recherche y soit dédiée. Or, si cet aspect de la recherche est nécessaire, il ne s’improvise pas! Avec Prendre part : l’école d’été en communication scientifique, nous voulons former les chercheur·euses, étudiant·es, professionnel·les de recherche et futurs communicateur·trices scientifiques à la création de projets de mobilisation des connaissances. En fait, l’idée est de les aider à répondre à la question « Comment puis-je rendre cette connaissance utile pour la personne susceptible d’en bénéficier le plus? ».
[...] plutôt que de se concentrer sur l’aspect vulgarisation, nous souhaitions utiliser la science comme levier de changement. [...] Avec Prendre part : l’école d’été en communication scientifique, nous voulons former les chercheur·euses, étudiant·es, professionnel·les de recherche et futurs communicateur·trices scientifiques à la création de projets de mobilisation des connaissances.
C’est une collaboration entre l’Acfas et Neurosciences Sherbrooke qui a permis de concrétiser l’idée. Forts de réflexions inspirées par l’essai Prendre part : considérations sur la démocratie et ses fins des philosophes David Robichaud et Patrick Turmel, nous n’avons pas eu de difficulté à trouver un nom. Avec l’accord des deux auteurs, nous avons nommé l’école « Prendre part ». À l’aube de sa troisième saison, voici un retour sur l’évolution et les retombées de cette formation dont le concept se différencie par son orientation vers la mobilisation des connaissances et la participation citoyenne.
Sur les lieux de l’école
C’est dans une atmosphère un peu fébrile que la première cohorte d’élèves dépose ses valises sur le site enchanteur de Jouvence, en Estrie, au mois de juin 2022. Le soleil, le lac miroitant : tout est au rendez-vous pour une belle rencontre. Affrontant des défis un peu loufoques faisant appel à l’esprit d’équipe, à la pensée critique et à la communication, les élèves discutent de leur parcours de scientifiques à la recherche d’engagement et d’impact dans la société.
Les ateliers s’enchaînent : accompagnés par des mentor·es experts en mobilisation des connaissances, les participant·es apprennent à mettre la théorie en pratique. Embryonnaires ou déjà bien définis, les projets prennent forme et se précisent au cours de la fin de semaine. Le soir, autour du feu, élèves, mentor·es et intervenant·es extérieurs réfléchissent ensemble, se positionnent sur l’implication des scientifiques en tant que citoyen·nes et sur l’inclusion des citoyen·nes dans les discussions scientifiques. Trois jours intenses, riches en savoirs, en émotions et en échanges se concluent avec une présentation des objectifs, des défis et de l’évolution des projets. La fin de semaine est finie mais l’école, elle, se poursuit.
Au cours de l’année qui suit, participant·es, mentor·es et équipe pédagogique se retrouvent en ligne tous les deux mois. L’accompagnement vise à soutenir et à équiper les porteur·euses de projets en vue de la concrétisation de leur idée. C’est également l’occasion de se revoir et de se nourrir de la dynamique et de l’enthousiasme du groupe, intéressé à ce que chacun des projets voie le jour.
Les deux cohortes (se) réalisent
Durant les deux années de Prendre part qui viennent de s’écouler, une cinquantaine de projets de différente envergure ont bénéficié du soutien de l’école. En cours de route, les projets évoluent et s’adaptent aux réalités de leur milieu d’étude et d’action. Ils se transforment afin de correspondre toujours davantage aux objectifs de la mobilisation des connaissances : passer à l’action, orienter une décision ou opérer un changement de perception ou de comportement chez des publics choisis.
- De la première cohorte, citons Dominic Chartrand, étudiant au doctorat en kinésiologie à l’Université Laval et membre du Comité des initiatives étudiantes du Réseau de recherche en santé cardiométabolique, diabète et obésité (CMDO), dont les différents ateliers interactifs sur la recherche sur l’obésité présentés lors d’événements à Montréal, à Québec et à Sherbrooke ont conduit des centaines de personnes de tous âges à acquérir des connaissances sur le métabolisme, l’activité physique et la nutrition, tout en s’amusant! Bien au-delà d’une simple action de transfert de connaissances, le projet a poussé ces personnes à discuter de leurs expériences, réussites, défis, questionnements, et à s’impliquer dans la création de la Communauté citoyenne CMDO, une initiative visant à établir un dialogue entre le grand public et les chercheur·euses du réseau. Ces ateliers ont ainsi été modifiés au fil du temps, à la suite des rétroactions des membres de la communauté, dans le but de mieux répondre à leurs besoins. Voilà un exemple porteur de ce que l’on entend par principe de « mobilisation des connaissances » : la coconstruction avec le public renseigne sur le développement de projets de communication scientifique.
- De la deuxième cohorte, Kelly Godbout, étudiante au doctorat en médecine moléculaire à l’Université Laval, a créé une activité de démonstration visuelle ludique et interactive pour un public intergénérationnel. Des enfants, parents et grands-parents de la municipalité de St-Vallier ont été invités à enquêter ensemble sur la disparition d’une œuvre d’art fictive en utilisant une trousse d’outils adaptés. Ils ont ainsi pu développer leurs connaissances sur les microscopes, les empreintes digitales, l’ADN, les groupes sanguins et la projection de sang, et ce, tout en s’amusant. En cours de route, les objectifs de cette activité changent, afin de rejoindre un public plus large : « L’école d’été m’a permis de modeler mon projet et le faire évoluer vers une forme encore plus intéressante! Les ateliers scientifiques pour les aînés sont devenus des ateliers scientifiques intergénérationnels pour les grands-parents et leurs petits-enfants! », indique Kelly Godbout. À l’instar des travaux de recherche, les projets de communication scientifique sont soumis à ce principe : la science évolue au fil des expériences, et les scientifiques doivent prendre en compte les besoins et les intérêts de leurs objets d’étude. Ce projet a également eu un effet « boule de neige »: de prochaines éditions de cette activité, sur de nouvelles thématiques scientifiques, sont au programme!
- Marlybell Ochoa Miranda, chargée de projets au Réseau de recherche en économie circulaire du Québec (RRECQ), a souhaité contribuer au projet « Feuille de route pour la transition vers une économie circulaire de la société québécoise à l'horizon 2050 » de ce réseau par la cocréation et la tenue d’ateliers de co-design prospectif d’un futur circulaire. Ces consultations visant à « imaginer ensemble les transformations de notre économie en 2050 et à discuter des changements requis et souhaitables à mettre en œuvre pour atteindre une plus grande circularité dans la société québécoise à cette échéance » prennent forme et mobilisent plus de 250 citoyen·nes du Québec au moyen de 25 ateliers, à la fois en ligne et en présentiel. Cette étape du projet a nécessité le développement de différentes aptitudes et attitudes, notamment la capacité de vulgariser des concepts, de bien définir d’emblée ses objectifs, de trouver des stratégies pour faciliter l’engagement de son public, de solliciter des rétroactions et de savoir mesurer les résultats, de rechercher des financements, etc. Un gros mandat, qui nécessite une posture d’humilité et de résilience à la fois pour assurer l’évolution de l’activité et favoriser l’apprentissage et l’enrichissement des porteur·euses de projets.
Pourquoi participer à Prendre part : l’école d’été en communication scientifique? Il existe autant de bonnes raisons de s’y inscrire qu’il existe de projets visant à passer de la recherche à l’action! Développer un projet de mobilisation des connaissances en étant bien accompagné·e peut avoir des retombées vraiment intéressantes : la reconnaissance et le rayonnement de vos travaux, la satisfaction de sentir la portée et l’utilité de vos recherches… Si vos projets requièrent la collecte de données auprès de citoyen·nes, l’engagement de partenaires professionnels ou entrepreneuriaux, le recrutement de bénévoles ou de personnes diplômées, une action de mobilisation bien menée vous conduira à la réussite! L’école d’été vous permet d’entamer ou de nourrir votre projet avec le soutien de professionnel·les du milieu et d’un groupe bienveillant.
En conclusion
Quelle que soit l’idée de projet en arrivant à l’école d’été, ce dernier en ressortira certainement approfondi grâce aux questionnements, stratégies et enjeux soulevés pendant la formation. Au cours de l’année, sa réalisation sera ensuite soutenue grâce à l’accompagnement continu de mentor·es ayant à cœur le succès des personnes participantes.
Créer et coordonner une activité visant l’engagement d’un public cible n’est pas simple. Mener cette activité sans accompagnement et sans planification, c’est courir le risque de ne pas rejoindre son auditoire, ou pire encore, de l’amener à se désintéresser de votre projet. S’il est possible d’y arriver seul·e, rejoindre l’une des cohortes de Prendre part aidera les porteur·euses de projets à éviter de nombreux écueils.
Créer et coordonner une activité visant l’engagement d’un public cible n’est pas simple. Mener cette activité sans accompagnement et sans planification, c’est courir le risque de ne pas rejoindre son auditoire, ou pire encore, de l’amener à se désintéresser de votre projet.
L’appel à candidatures pour la cohorte 2024 aura lieu début avril, et vous pouvez d’ores et déjà inscrire votre adresse pour recevoir un courriel dès que l’appel sera lancé!
- Estelle Chamoux
Université Bishop's
Estelle Chamoux est professeure de biologie cellulaire à l’Université Bishop’s depuis 2012. En 2019, elle y a cocréé avec deux collègues un certificat de second cycle en mobilisation des connaissances, dans le cadre duquel elle enseigne la communication scientifique. Elle donne aussi des formations dans ce domaine. Enfin, elle est la responsable pédagogique de Prendre part : l'école d'été en communication scientifique, coorganisée par l’Acfas et Neurosciences Sherbrooke depuis 2022.
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