La « mobilisation des connaissances », qu’est-ce que c’est? À quoi ça sert? L’expression semble vague pour beaucoup d’entre nous. Est-ce la nouvelle locution à la mode pour parler de communication scientifique ou de vulgarisation? Si la mobilisation implique effectivement une portion de communication, elle consiste surtout à utiliser la recherche pour passer à l’action, pour orienter une décision, pour opérer un changement de perception ou de comportement. Bref, le but est que la recherche prenne part aux grands enjeux de société de manière plus active.
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Dans le milieu de la recherche, on s’accorde sur le fait que les résultats des travaux payés par des fonds publics devraient logiquement revenir vers les citoyen·nes. Institutions et organismes subventionnaires insistent d’ailleurs sur ce point : plan de dissémination des résultats inclus dans les subventions de recherche et subventions dédiées à la mobilisation sont aujourd’hui monnaie courante. Mais de quelle manière les résultats peuvent-ils servir aux contribuables? Expliquer des résultats, même bien vulgarisés, est-il utile et porteur de sens pour le grand public?
Pourquoi s'engager dans un dialogue public?
Lorsqu’on dirige un laboratoire de recherche, on a appris à établir des stratégies expérimentales, à gérer des fonds et à écrire des articles scientifiques… Mais personne n’a jamais vraiment appris à s’engager auprès du public pour faire connaître ses résultats, et mieux encore, pour les rendre utiles. Pour plusieurs chercheur·euses rédigeant une demande de subvention, la partie dédiée à la mobilisation des connaissances est sans doute l’enjeu le plus difficile à envisager, quand elle n’est pas tout simplement reléguée aux oubliettes une fois la subvention obtenue! Or, une mobilisation bien conçue peut rapporter beaucoup, en termes de reconnaissance et de rayonnement, bien sûr, mais pas seulement! Mentionnons la satisfaction de sentir la portée et l’utilité de nos recherches, mais aussi de nombreux gains du côté opérationnel : implication des citoyen·nes dans la collecte de données, engagement de partenaires de milieux professionnels et entrepeneuriaux, recrutement de bénévoles ou de personnes diplômées, etc. Plutôt que de la considérer comme une épine dans le pied, pourquoi ne pas voir la mobilisation des connaissances comme un excellent moyen de propulser son projet à un autre niveau?
[...] une mobilisation bien conçue peut rapporter beaucoup, en termes de reconnaissance et de rayonnement, bien sûr, mais pas seulement! Mentionnons la satisfaction de sentir la portée et l’utilité de nos recherches, mais aussi de nombreux gains du côté opérationnel : implication des citoyen·nes dans la collecte de données, engagement de partenaires de milieux professionnels et entrepeneuriaux, recrutement de bénévoles ou de personnes diplômées, etc.
Vous qui lisez cet article, je vous entends répliquer… « C’est bien joli tout ça, mais comment faire? Où vais-je trouver le temps, les ressources et les compétences pour m’engager de manière productive? » Si plusieurs se sont cassé les dents à tenter de présenter une conférence publique où les trois personnes de l’auditoire étaient d’autres scientifiques, vous trouverez dans les paragraphes suivants quelques conseils pour vous aider à prendre part au dialogue citoyen d’une manière plus satisfaisante.
Mobiliser est un art que l'on peut apprendre à maîtriser
Pour mobiliser des connaissances, il s’agit d’abord d’avoir la volonté de partager ses résultats de recherche. Non, non, je ne vous refais pas le coup du « quand on veut, on peut », mais rien de pire que de se sentir forcé à faire quelque chose qui nous rend mal à l’aise. Il existe aujourd’hui, heureusement, des professionnel·le·s de la mobilisation des connaissances qui vous accompagneront quand vous déciderez de bâtir un plan orienté vers des objectifs bénéficiant à votre laboratoire, tout en permettant de redonner à la société. Ces personnes vous aideront également à identifier des membres de votre équipe qui puissent prendre en charge certains aspects de la mobilisation, en fonction des talents et des champs d’intérêt de chacun. Bien plus que de vulgariser vos résultats, un bon plan les rendra pertinents pour les personnes que vous ciblez. Au-delà du « grand public », vous impliquerez des partenaires et des interlocuteur·trices de différents milieux dans un échange gagnant-gagnant. Cela peut même ouvrir la porte à d’autres financements!
Bien plus que de vulgariser vos résultats, un bon plan [de mobilisation des connaissances] les rendra pertinents pour les personnes que vous ciblez. Au-delà du « grand public », vous impliquerez des partenaires et des interlocuteur·trices de différents milieux dans un échange gagnant-gagnant.
Ensuite, une bonne mobilisation a un effet « boule de neige ». Prévue avant même de conduire les recherches, elle bonifiera votre projet et ses retombées. Par exemple, inclure des partenaires industriels ou des professionnel·les du milieu ciblé dans votre plan de mobilisation vous aidera à concevoir votre recherche en tenant compte de leur réalité, ce qui la rendra plus tangible et facilitera sa mise en pratique. Si votre plan implique de consulter des citoyen·nes pour la collecte de données, ces personnes voudront connaître les conclusions de la recherche et, avec un sentiment de fierté, participeront à la diffusion des résultats… et inciteront d’autres à vivre l’expérience à leur tour.
Enfin, quels obstacles pourraient empêcher l’utilisation de vos résultats? On a trop souvent pointé le manque de connaissances ou une littératie scientifique déficiente pour justifier l’inaction ou la prise de décision mal informée. Or, ce n’est là qu’une toute petite partie de l’iceberg… Pourquoi les gens perpétuent-ils un comportement en sachant pertinemment qu’il est nocif? Parce qu’il leur est plus facile de continuer dans cette voie que de changer… Identifiez les véritables barrières à l’avance et offrez des solutions facilitantes!
La création de savoir, un effort collectif
Il est loin le temps où l’on se représentait les scientifiques seul‧es dans leur tour d’ivoire, menant des expériences dénuées de sens pour le commun des mortels. Mais nous pouvons encore faire beaucoup mieux. Informer ne suffit pas, il faut faciliter la mise en action! La recherche, en plus d’informer, contribue de manière active à l’évolution de la société, puisqu’en produisant des connaissances, elle oriente mieux les décisions ou change des comportements. Elle ne peut le faire seule, cependant : elle doit impliquer les personnes qui incluront les nouveaux acquis dans un réel échange faisant état de leur réalité, de leurs enjeux, et surtout, de la découverte de solutions basées sur le fait scientifique.
Informer ne suffit pas, il faut faciliter la mise en action! La recherche, en plus d’informer, contribue de manière active à l’évolution de la société, puisqu’en produisant des connaissances, elle oriente mieux les décisions ou change des comportements.
- Estelle Chamoux
Université Bishop's
Estelle Chamoux est professeure de biologie cellulaire à l’Université Bishop’s depuis 2012. En 2019, elle y a cocréé avec deux collègues un certificat de second cycle en mobilisation des connaissances, dans le cadre duquel elle enseigne la communication scientifique. Elle donne aussi des formations dans ce domaine. Enfin, elle est la responsable pédagogique de Prendre part : l'école d'été en communication scientifique, coorganisée par l’Acfas et Neurosciences Sherbrooke depuis 2022.
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