Porter la mission de l’Acfas : conversation avec Jean-Pierre Perreault, président de l’Acfas

Ce fut un privilège d’exercer cette fonction, d’avoir ainsi contribué à la cause de la recherche. Une opportunité, oui, de donner mon impulsion à la mission de l’Acfas, une responsabilité aussi de faire avancer l’Association. Maintenant, je passe le témoin, avec fierté, à la prochaine personne à la présidence.

Johanne Lebel : Jean-Pierre, vous terminez votre mandat de trois ans à la présidence de l’Acfas, mandat qui a débuté en mars 2021. Quel bilan général en faites-vous personnellement?

Jean-Pierre Perreault : Ce fut un privilège d’exercer cette fonction, d’avoir ainsi contribué à la cause de la recherche. Une opportunité, oui, de donner mon impulsion à la mission de l’Acfas, une responsabilité aussi de faire avancer l’Association. Maintenant, je passe le témoin, avec fierté, à la prochaine personne à la présidence.

Il m’est arrivé, à d’autres moments de ma carrière, de m’engager dans le même esprit pour des causes qui me tenaient à cœur. Je pense à la création de Juripop, une organisation qui donne accès à des services juridiques abordables, ou encore, à ma collaboration avec Laurent Beaudoin de Bombardier pour le développement d’un accélérateur de création d'entreprises technologiques (ACET).

Chaque fois, j’ai apporté mon expertise et chaque fois, j’ai beaucoup appris. Mon mandat à l’Acfas m’a enrichi de mille choses. Heureux de l'avoir fait, content du travail accompli. Ces années ont passé comme une éclipse, et cela, malgré tout le temps investi, car j'ai toujours voulu me rendre, autant que possible, sur les lieux des événements et rencontrer en personne nos nombreux partenaires.

Johanne Lebel : J’imagine d’autant la route parcourue que le cœur de votre mandat a coïncidé avec la programmation soulignant les 100 ans de l’Acfas, de mai 2022 à juin 2023. Que retenez-vous de ce centenaire?

Jean-Pierre Perreault : Il y a eu d’abord, à titre personnel, la prise de conscience d’une inscription dans une longue histoire, et donc une responsabilité d’être à la hauteur, à ma manière, des Marie-Victorin, Livia Thür et Camille Limoges. On m'a régulièrement partagé, par exemple, les propos de Marie-Victorin, et je me suis, pour ainsi dire, toujours senti interpelé. Je pense, entre autres, à son invitation aux intellectuels, chercheurs inclus, à s’engager envers leur société, lancée en 1936 : « J'en appelle à tous les vrais intellectuels de ce pays qui voulurent garder la décence de l'esprit, l'indépendance minimale de leur pensée et la liberté de son expression. Certains pourront dire ce qu'il leur en a coûté parfois de ne pas prostituer leur plume, leur toge ou leur chaire; de parler quand la puérile consigne était de se taire; de vouloir créer des institutions sérieuses quand tout invitait à la vénalité. »

Les initiatives qui allaient se déployer tout au long de la célébration du centenaire devaient à mon avis servir l'Acfas et la communauté de la recherche, tout comme les valeurs portées par l’approche scientifique. Bref, une formidable occasion de mettre de l’avant la mission toujours aussi pertinente de l’Association.

Pour illustrer la richesse de cette année de festivités, j’aimerais en souligner quelques points forts : la publication du magnifique ouvrage présentant les portraits de 50 chercheuses et chercheurs de tous horizons, Faire connaissance : 100 ans de sciences en français; la série réalisée avec Savoir média, La fabuleuse histoire des sciences, et la Saison des francophonies canadiennes, organisée par les Acfas régionales. Et aussi, bien sûr, les deux grands congrès qui ont ouvert et clos les activités du 100^e, en mai 2022 à l’Université Laval pour le 89^e Congrès, et en mai 2023 à l’Université de Montréal – HEC Montréal – Polytechnique Montréal pour le 90^e. Deux congrès où l’équipe de l’Acfas a réussi à mettre en place un véritable événement hybride, sur place et en ligne.

Les initiatives qui allaient se déployer tout au long de la célébration du centenaire devaient à mon avis servir l'Acfas et la communauté de la recherche, tout comme les valeurs portées par l’approche scientifique. Bref, une formidable occasion de mettre de l’avant la mission toujours aussi pertinente de l’Association.

En plus de servir la mission de l’Acfas, le centenaire a été l’occasion de consolider son rôle singulier au cœur des milieux québécois et canadien de la recherche. Par exemple, désormais, quand il est question des enjeux de la recherche en français, l’Acfas se révèle un partenaire incontournable. Aussi, je suis particulièrement fier d’avoir contribué à faire de l’Association une véritable organisation pancanadienne, un axe que j’ai soutenu tout au long de mon mandat.

Johanne Lebel : Sur ce plan, votre mandat a commencé avec un jalon très important, soit la publication en juin 2021 de l’étude produite par l’Acfas et réalisée par des chercheurs et chercheuses :  Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada. Un rapport de recherche qui a rendu publiques des données inédites et diverses informations sur les réalités des personnes d’expression française travaillant en recherche en contexte minoritaire au Canada.

Jean-Pierre Perreault : En effet, cette étude a été très mobilisatrice, tant pour notre organisation que pour nos partenaires de la francophonie canadienne. À l’automne 2022, on allait en voir les premières retombées à travers deux nouvelles actions. D’abord, la réalisation d’une des recommandations du rapport, soit la mise sur pied du Service d’aide à la recherche en français (SARF), au sein de l’Acfas, avec l’embauche de son premier directeur et de son premier conseiller à la recherche. Ensuite, la création du Prix Acfas Gilles-Paquet, lancé au gala du 100^e anniversaire de l’Acfas. Ce prix souligne une contribution exceptionnelle à la vitalité de la recherche en français d’un chercheur ou d’un chercheuse de la francophonie minoritaire canadienne, menant ses travaux dans une institution canadienne à l’extérieur du Québec. En novembre 2023, Annette Boudreau, de l’Université de Moncton, en devenait la première lauréate.

Je voudrais aussi mentionner nos contributions à différents enjeux par l’entremise de nos avis publics, comme, en juillet 2022, le Mémoire de l'Acfas dans le cadre des consultations pancanadiennes sur les langues officielles.

On peut penser que cette mobilisation de l’Acfas a pu avoir des retombées au sein de l’appareil fédéral. Je pense ici au Plan d'action sur les langues officielles 2023-2028 (PALO), paru en avril 2023, qui contient une enveloppe inédite de 8,5 M $ pour les sciences en français, suivi deux mois plus tard de la nouvelle Loi sur les langues officielles, qui fait état, pour la première fois en 50 ans, de mesures positives en faveur de l’information scientifique en français.

Cela souligne l’importance d’agir de concert avec toutes les parties prenantes qui ont à cœur le développement des savoirs, et cela, dans les deux langues officielles. Toutes ces initiatives de l’Acfas réalisées à l'échelle canadienne seront porteuses pour plusieurs années à venir.

Johanne Lebel : Lors d’un entretien en 2022, nous avions évoqué les liens entre la recherche et l’enseignement, et vous aviez dit que ces liens sont « indissociables, particulièrement quand il est question d’enseignement supérieur ». Vous aviez aussi mentionné que les plus grands changements de réorientation observés dans votre laboratoire venaient de vos meilleurs élèves. Devons-nous y voir une des sources de votre motivation à défendre le dossier bien concret de l’indexation des bourses de recherche dédiées à la relève?

Jean-Pierre Perreault : Tout à fait. Il y a peu ou il n’y a pas d’avenir pour la recherche quand on ne soutient pas la formation d’une relève. Si on se veut une société prête à tout faire pour former les jeunes, il faut y mettre les efforts. Dans de nombreuses rencontres, j’ai défendu la nécessité de l’indexation des bourses dans l’ensemble des disciplines auprès des gouvernements québécois et canadien. C’est un dossier toujours en cours, et il y a de belles avancées. Je pense aux 50 millions d'investissements du gouvernement québécois en 2023. Les étudiants et étudiantes ont aussi été très proactifs sur cet enjeu.

Ces actions spécifiques font écho plus largement au souci qu’a l’Acfas de défendre un financement adéquat de la recherche dans son ensemble, et ce, au niveau tant universitaire que collégial.

L’Acfas a ainsi déposé un mémoire à l’automne dernier dans le cadre du Chantier sur la recherche au collégial de 2023. On y recommande, entre autres, le développement d’une vision d’ensemble, transdisciplinaire et intersectorielle, tant pour développer des programmes subventionnaires cohérents que pour favoriser les collaborations interordres. Afin de soutenir ces relations nécessaires entre recherches collégiales et universitaires, nous avons  créé un nouveau Prix Acfas, lancé en novembre 2023, qui mettra en valeur ces travaux collaboratifs.

Johanne Lebel : Votre mandat de président de l’Acfas se termine, mais ce n’est pas la fin de votre contribution au conseil d’administration de l’Acfas, car vous y agirez désormais comme président sortant et président du Comité de gouvernance et nomination.

Jean-Pierre Perreault : Et j’appuierai la nouvelle personne à la présidence avec grand plaisir! Une association comme l’Acfas tire ses forces de toute une communauté. Il lui faut maintenir un véritable réseau pour mener à bien sa mission, tant dans les exigences du quotidien que dans l’appui aux visées à  long terme. Conseil d’administration, direction générale, équipe de la permanence, chercheurs et chercheuses, partenaires organisationnels : toutes et tous sont essentiels à la mission de l’Acfas.

Une association comme l’Acfas tire ses forces de toute une communauté. Il lui faut maintenir un véritable réseau pour mener à bien sa mission, tant dans les exigences du quotidien que dans l’appui aux visées à  long terme. Conseil d’administration, direction générale, équipe de la permanence, chercheurs et chercheuses, partenaires organisationnels : toutes et tous sont essentiels à la mission de l’Acfas.