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De plus en plus de romanciers se servent des codes de la mise en intrigue afin de susciter une interactivité avec leurs lecteurs. Ceux-ci sont amenés à sonder, à travers la narration, les traces leur permettant d’anticiper le dénouement d’une énigme dont la résolution motive la poursuite de la lecture. Or, plusieurs romans francophones contemporains paraissent singer le roman d’enquête afin d’instrumentaliser l’interactivité qu'il engendre, sans toutefois se conclure par le dénouement de l’intrigue. Nous illustrerons cette tendance à partir d’une analyse de La traversée de la Mangrove de Maryse Condé. Ce roman s’ouvre sur la mort de Francis Sancher, étranger d’un petit village guadeloupéen retrouvé mort. Condé prend prétexte de cette mort pour activer chez le lecteur une série de jugements qui serviront à déterminer qui aurait pu tuer l’homme, mettant en jeu les valeurs que chaque lecteur aura investies dans le texte. Par des techniques de polyphonie et de plurivocalité, la structure narrative mène le lecteur à se mettre tour à tour dans la peau des différents personnages, choisissant les positions qu'il préfère pour évaluer la situation. S’il cherche à travers l’énonciation des traces pour trouver un coupable, il comprendra à la fin du récit qu’aucune réponse définitive ne lui sera donnée. La structure énigmatique du roman instrumentalise plutôt l’intrigue pour faire de l’acte interprétatif le vecteur même de la narration. Nous évaluerons ainsi, à partir de cet exemple, comment le roman d’enquête, à travers l’acte de lecture, peut servir de propédeutique au jugement moral.

Les centres d’art au Québec ont joué, durant les années cinquante, un rôle important dans la diffusion des esthétiques d’avant-garde dans les régions éloignées des centres artistiques Montréal et Québec. Mais cet apport au développement de l’histoire de l’art du Québec a, jusqu’à aujourd’hui, été minorisé, voire oublié, par la discipline.

Cette communication présentera, dans un premier temps, le fonctionnement de ces institutions, comment elles ont permis la diffusion et la sensibilisation des publics aux pratiques artistiques contemporaines à travers la province et le statut dont elles bénéficiaient à l’époque dans le milieu artistique. Pour cette étape, nous nous appuierons notamment sur des documents d’archives et des sources historiques telles les déclarations légales de raison sociale des centres d’art, les feuillets promotionnels qu’ils ont produits ainsi que des articles et critiques publiés dans des périodiques culturels ou journaux généralistes.

Dans un deuxième temps, nous adopterons une posture davantage sociologique ainsi qu’une perspective féministe pour déterminer les raisons qui pourraient expliquer l’effacement du rôle des centres d’art dans l’histoire de l’art au Québec. Nous nous intéresserons principalement aux organismes suivants : les centres d’art de Sainte-Adèle (fondé en 1949 par Pauline Rochon), de Percé (fondé en 1956 par Suzanne Guité et Alberto Tommi) et de Cowansville (fondé en 1956 et dirigé par Eugénie Sharp-Lee).

Les poètes francophones du Nord sont plus souvent qu’autrement confinés au statut de poète régional, d’où leur difficulté à percer le marché parisien et à atteindre son vaste bassin de lecteurs. Pour Lise Gauvin et Jean-Marie Klinkenberg, la circulation du livre est justement liée à des phénomènes de représentation et, de ce fait, la communauté de langue n’est pas garante d’une compréhension réciproque entre l’écrivain et le lecteur, condition nécessaire à la fortune d’une œuvre littéraire. Face à cette réalité, l’écrivain doit faire un choix : soit il s’intègre à la littérature française, soit il s’attache à son périphérisme, allant même parfois jusqu’à se réclamer d’une littérature nationale. Entre l’assimilation et la marginalisation, il y a toutefois une quantité de postures intermédiaires. L’exemple de Jean-Pierre Verheggen, qui représente dans ses textes la culture wallone tout en recevant les prix littéraires français, donne l’espoir d’en finir avec l’impasse institutionnelle. Je m’attacherai  donc à relever, dans L’Idiot du Vieil-Âge de Verheggen, les stratégies textuelles favorisant l’ouverture des poésies francophones, notamment l’ironie, l’humour noir, l’oralité et le poème-récit.



Dans un texte portant la prolifération  de festivals de cinéma dédiés aux cinématographies du tiers-monde en Europe et en l'Amérique, l'historien du cinéma Mantha Diawara, avance deux hypothèses qui seraient à la base de cet engouement:  l'usage des festivals à des fins d'intégration dans les sociétés multiculturelles occidentales, et  la quasi-absence de sources de financement et de  structures de productions, de diffusion dans la plupart des pays dits du tiers-monde.

Bien que les éléments évoqués par Manthia Diawara dans cet article publié en 1992 soient pertinents à certains égards, il nous semble opportun d'explorer une autre voie d'explication  dans l'analyse du contexte d'émergence de ces festivals.

La présente communication ambitionne de répondre  à cette exigence. Nous nous intéresserons aux Rencontres internationales pour un troisième cinéma qui se sont tenues  à Montréal du 02 au 8 juin 1974 sous l'initiative du comité d'action cinématographique. Le leitimotiv de ces rencontres était le partage d'expériences, la mise en place de réseaux parallèles de diffusion de films issus des pays dits du tiers-monde idéologiquement opposés au néocolonialisme et l'impérialisme sous toutes ces formes. ,  

Pour répondre à la question de l'incidence de ces RIN nous procéderons à un repérage et une analyse cartographique des festivals nés à partir de 1975 et la mission qui sous-tend leur création et dans quelle mesure celle-ci s'inscrit dans les orientations des Rencontres de Montréal.

 

En partant du phénomène contemporain de l’affluence d’archives privées qui s'intègrent à une mémoire de type public,  auquel se réfère Pierre Nora dans Lieux de mémoire (1992), j’envisage de définir le statut d’archive de deux œuvres hybrides de Christian Boltanski, composées des mots et des images sur des supports variés, Les Suisses morts et La vie impossible de Christian Boltanski, et de les repenser en tant que « lieux » de mémoire artificielle, en fonction des différentes formes d’enregistrement matériel et en tant que littérature.

La transformation de l’archive en œuvre est un phénomène fréquent dans le monde littéraire et artistique contemporain, qui peut être étudié dans une perspective intermédiale.Tout en problématisant le geste d’archiver de Boltanski, je questionnerai d’un côté, son pouvoir de stabilisation de l’archive et d’un autre côté, son pouvoir de la modifier, par la création de l’amnésie.

La grande archive inachevée qu'est l'œuvre entière de Boltanski fonctionne selon les règles de la caducité, qui considèrent l’espace en tant que dispositif réutilisable et le temps, en tant qu'artefact malléable, le livre ouvert, aux pages noires, de La vie impossible, en étant le principe organisateur.

Cette recherche se propose d'intégrer Boltanski dans une perspective littéraire, dont l'auteur se revendique à travers ses textes, qui représentent les noyaux de sens de ses œuvres, et en même temps dans une continuité de pensée qui devance l'apparition du web.

 

 



Les Frères Gagné cinéastes, temoins et acteurs de l'expérience culturelle contre-culturelle québécoise, continuent d'intervenir en réalisant des films "indépendants" souvent hors-normes. Les Pales du mal - un parcours citoyen, film de quête et de combat, témoigne de l'engagement citoyen des artistes eux-mêmes et présente une myriade de manifestations de citoyens mécontents. Les Frères Gagné y mettent en question les approches politiques balisant et justifiant les infrastructures de production d'éolectricité dans les Appalaches. Le travail-passion des cinéastes s'y affirme tel un exercice de pouvoirs. Brut et expressionniste, ce film rend un regard de l'intérieur d'une lutte sociale qui bouscule de nombreuses certitudes quant à la pertinence de ces infrastructures et à la moralité des instances et processus institutionnels orientant, autorisant et conditionnant leur implantation. La compréhension de l'expérimentation singulière du politique par les artistes durant le parcours de réalisation et de production des Pales du mal permet d'apprécier les ancrages, limites et l'horizon de leurs actions en regard de leur propre perspective critique.  Partant d'un effort de description des liens sociaux qu'ils vivent et tissent durant leur pratique, l'étude exploratoire de cette expérience productive éclaircie les frontières et le sens de l'indépendance d'une pratique cinématographique et dénote l'évolution des penchants culturels contre-culturels des cinéastes.







L'Exposition universelle de Montréal de 1967, Expo 67, est un événement montréalais à dimension internationale. La correspondance du ministère des Affaires étrangères de France est d’une réelle importance et d’une très grande richesse. Contenant notamment des rapports relevant de l'Ambassade et du Consulat de France, des rapports politiques - commerciaux - économiques et monétaires, des documents officiels du Canada et du Québec, la correspondance avec la France, l'organisation du voyage de Charles de Gaulle, l'organisation et les invitations aux banquets et fêtes ainsi le choix de ce qui est montré au pavillon français à l’Expo 67 etc. Son étude minutieuse apporte tant à l’historiographie qu'à la littérature: sur Expo 67, sur les rapports et les enjeux diplomatiques, politiques, culturels et économiques entre la France, le Canada et le Québec dans les années 1960... le pavillon français, devenant, ainsi, un prolongement de l’Ambassade de France. En accentuant son identité culturelle, qu’elle veut afficher et fortifier, la France s’appuie sur un certain rayonnement culturel historique et scientifique, mais aussi sur une conscience francophone (cf. Esprit, 1962). Cet intérêt est bien réel pour la ville de Montréal et pour le Québec, se trouvant tous deux promus « acteurs internationaux » avec l’Expo 67. Ces archives permettent de comprendre ces relations France - Canada - Québec sous un angle nouveau significatif, dans une approche en histoire culturelle et politique. 

À Montréal, ville réceptacle de migration de masse, la communauté marocaine est en croissance et contribue significativement à la formation de la mosaïque culturelle de la ville. Cette recherche examine les formes d'appropriation de l'espace résidentiel par la communauté marocaine de Montréal et l'identité culturelle qui en résulte. Son originalité réside dans son approche croisant l'expérience utilisateur en architecture et les dynamiques d'habitation d'une communauté immigrante. Elle soulève ainsi la question suivante : comment les formes d'appropriation de l'espace résidentiel par la communauté marocaine de Montréal mettent-elles en lumière les limites du logement standardisé, et dans quelle mesure ces pratiques peuvent-elles orienter une conception d'un espace résidentiel adapté au contexte multiculturel? La méthodologie comprend l'étude de la morphologie de l'espace résidentiel montréalais et des politiques publiques de logement, la réalisation d'une étude ethnographique de l'espace domestique des Marocains, et des entretiens semi-dirigés auprès de la communauté pour documenter leurs choix d'aménagement. Cette recherche contribuera à l'avancement des connaissances sur la standardisation du logement dans les villes multiculturelles. Sur le plan pratique, elle offrira des perspectives de développement de politiques de logement plus inclusives aux minorités culturelles à Montréal avec des résultats potentiellement transférables à d'autres communautés immigrantes.

Les partipristes voulaient contribuer à une révolution en cours en démystifiant par la parole les mécanismes de l’aliénation collective d’un peuple « colonisé » qui commençait à se dire « québécois ». Dire le mal-être d’un peuple afin de transformer sa réalité, cela se faisait entre autres par la littérature. Bien des choses ont été dites au sujet des nouvelles parues dans Parti pris et des romans aux éditions éponymes, écrits en joual, dépeignant avec réalisme les conditions de vie misérabilistes des Québécois. Or, l’écriture comme « acte révolutionnaire » ne se limitait pas à l’idée sartrienne de l’engagement au sein de la revue. Hubert Aquin (qui s’opposait au joual), annonçait dans « Profession écrivain » une écriture performative qu’il ferait sienne, où la construction formelle d’une œuvre ne pourrait que faire entendre la folie de la collectivité dans laquelle elle serait bien enracinée. André Brochu se proposait d’analyser les œuvres en tant qu’objets autonomes, en s’inspirant de nouvelles formes de critiques littéraires. Pour certains collaborateurs, le politique d’une œuvre ne passait donc pas par le militantisme de son auteur ni par le signifié du texte, mais par sa poétique. C’est en se penchant sur des contributions situées en marge de la politique éditoriale dominante de la revue que nous suivrons le parcours d’une tension entre des pistes de réflexion plus complexes et variées qu’il n’y paraît quant à la question du lien entre littérature et politique.

Dans le cadre de cette communication, je présenterai les résultats de mon analyse critique de la correspondance entre l’autrice franco-québécoise Marie Cardinal et son époux, le dramaturge Jean-Pierre Ronfard. Mon étude abordera les 80 lettres écrites entre 1969 et 1984, qui composent le volet personnel de sa correspondance, dans le but de rendre compte de la porosité entre la correspondance et les œuvres de l’autrice; et de présenter les procédés de mise à distance nécessaire à la mise en récit d’un sujet central de l’écriture cardinalienne : le quotidien des femmes.

Mon hypothèse sera la suivante : la correspondance familiale, en tant que pratique ritualisée, relève à la fois de l’acte communicationnel (un compte rendu précis du quotidien) et de la fiction, en ce sens que l’expérience « banale » du quotidien est ressaisie par l’autrice dans un procédé de mise en scène de soi. D’un point de vue génétique, les lettres seront donc mobilisées, non pas comme des documents biographiques, mais plutôt comme des éléments d’un discours réflexif de l’autrice sur le lien entre sa situation en tant que mère et épouse et son besoin d’écrire en tant que créatrice.

Inédit, l'apport de l'épistolaire, en tant que matériau génétique, conduit à une meilleure compréhension de la poétique de Marie Cardinal. À distance de l’hypothèse biographique, cette étude permettra de renouveler le discours critique sur l’autrice et de la replacer, en tant que créatrice, dans une histoire littéraire commune.

La dissolution de l’Empire Ottoman et l’abolition du Califat, système politique ayant régi et rassemblé les pays à majorité musulmane pendant plus d’un millénaire, ont été vécus dans cette région du monde comme une défaite et une humiliation. Cet événement retentissant fut à l’origine de l’apparition d’une idéologie politique qui est à l’aube du XXIème siècle au centre de l’actualité mondiale. En 1928 en Egypte et dans un contexte colonial est créé le mouvement des Frères Musulmans, une organisation politique dont les objectifs sont entre autres la restauration du Califat et la protection des sociétés musulmanes de « l’occidentalisation » en prônant une application stricte des textes religieux. L’idéologie de cette organisation a parcouru depuis sa création un long chemin pour évoluer et passer d’un phénomène sociopolitique égyptien à un phénomène de société international et multiculturel.

Nous proposons ainsi dans notre communication d’étudier les premières apparitions dans la littérature francophone contemporaine du thème de « l’islamisme ». Nous étudierons pour cela l’inscription de cette idéologie dans le roman posthume de l’écrivain francophone algérien Tahar Djaout Le Dernier été de la raison. Nous tâcherons de montrer comment s’articule dans le texte littéraire francophone cette idéologie politique en nous aidant des recherches de théoriciens comme Marc Angenot ou encore Hannah Arendt sur les grandes idéologies politiques du XXème siècle.

Le meurtre irrésolu de la jeune Blanche Garneau, survenu à Québec en 1920, donne lieu à une affaire judiciaire et politique pleine de rebondissements, du genre dont raffolent tant les journaux de l’époque. L’un de ceux-ci va plus loin que les autres dans ses critiques de l’administration de la justice, valant à son éditeur d’être poursuivi deux fois plutôt qu’une : par la justice pénale et, exceptionnellement, par l’Assemblée législative pour « violation des privilèges de la Chambre ». 

Cette affaire est alors le lieu d’un débat, bref, mais important, sur la liberté de la presse au Québec. Ce sujet étant peu exploré dans l’historiographie de la presse, notre travail propose de mieux comprendre les limites rencontrées par les journaux dans leur couverture médiatique, particulièrement en ce qui a trait aux critiques envers l’État. À cette fin, les sources d’archives judiciaires et les périodiques nous offrent une fenêtre sur les pratiques journalistiques, surtout celles, plus provocatrices, des journaux à sensation, ainsi que sur les réactions des autorités.  

Nos recherches permettent de mieux cerner ces limites à travers l’étude de cas de l’affaire Blanche Garneau, par une analyse de ses dimensions médiatiques et politiques. Nous concluons que cet épisode fut l’occasion d’une renégociation des limites de la liberté de la presse au Québec, à laquelle prirent part les journaux, la justice, la législature et la société civile.

À l’occasion d’une rétrospective Robert Frank organisée à Paris en 2009, des journalistes ont parlé de «  road-movie photographique ». Cette expression d’apparence absurde, puisqu’elle pose une relation d’égalité entre cinéma et photographie, a le mérite de révéler l’existence d’une forme artistique qui serait en photographie l’équivalent du road movie. Ce genre spécifique et encore peu étudié, que Danièle Méaux nomme “Voyage de photographe”,  pose la question du rapport entre mobilité et fixité de l’image. Si Wenders s’est illustré dans la réalisation de road movies, il mène en parallèle une activité de photographe qui a donné lieu à la publication d'un recueil de photos de la route intitulé Bilder von der Oberfläche der Erde. Cet ouvrage retient notre attention en raison du rapport qu’il instaure entre photographie, errance et cinéma. C’est cette relation intermédiale que nous souhaitons examiner ici. Nous posons que les photos de Wenders sont marquées par un refus de l’illusion du mouvement et qu’elles se distancient de la majorité des œuvres représentatives du genre. Nous établirons ensuite que les photos de Wenders s’inscrivent dans le champ plus vaste de ses productions filmiques, et qu’elles constituent un parcours à la fois rétrospectif et contrapunctique de son œuvre. Enfin, nous verrons que la photographie devient la matière même de ses films, notamment dans Alice in den Städten qui se présente comme une œuvre double, à la fois road movie et Voyage de photographe.

Dans ses incarnations les plus formalistes, la littérature dite expérimentale se présente comme coupée du monde, du référent, du Réel: méta-réflexive et autotélique, la poétique textualiste implique ainsi un radical détachement face à tout ce qui pourrait relever du social, du politique, voire de l’éthique. Est-ce pour autant dire que l’expérimentation ne va pas de pair avec certaines formes… d’engagement ? L’écrivain expérimental peut-il, tout en explorant les possibles de son art, proposer des œuvres critiques, notamment à l’égard de ses contemporains en général et de la « vie littéraire » en particulier ? En nous penchant sur les deux ouvrages publiés au Quartanier – La vie littéraire (2014) et Le guide des bars et pubs de Saguenay (2016) – de l’écrivain québécois Mathieu Arsenault et en nous référant aux concepts de « paratopie » et d’« ethos discursif » que l’analyse du discours littéraire met à notre disposition, nous tâcherons d’identifier quelle(s) forme(s) un tel engagement prend chez cet auteur pour qui l’illustration de l’expérimentation littéraire ne demeure jamais bien loin de sa défense (comme en témoignent ses diverses prises de position théoriques). De la sorte, nous postulons que la « posture engagée » d’Arsenault est ce qui permet à ce dernier de singulariser sa pratique dans le champ de l’expérimentation littéraire contemporaine au Québec.

La seconde moitié du XXe siècle a vu les revendications des mouvements des femmes et les théories du genre se tailler une place dans le domaine de la traduction littéraire et de la traductologie, répondant notamment au besoin de traduire les œuvres expérimentales ouvertement féministes de certaines autrices des années 70 et 80. Dans les dernières décennies, les pratiques littéraires des femmes se sont montrées plus ambivalentes dans leur identification aux féminismes, que l’on pense aux courants « métaféministe » (Saint-Martin 1992) ou « bad feminist » (Gay 2014). Comment les approches et stratégies existantes dans le domaine de la traduction féministe et axée sur le genre peuvent-elles être mises à profit pour rendre ce type d’œuvres de l’anglais au français? Diverses perspectives seront étudiées en vue de proposer des pistes tant sur le plan du processus traductif (lecture de départ; élaboration du projet; autoréflexivité; collaboration) que sur celui des stratégies textuelles (genre grammatical; syntaxe; transitivité; lexique) et métadiscursives (contextualisation; visibilité du sujet traduisant). Cette démonstration théorique s’appuiera sur les aspects formels et thématiques des œuvres et sur leur représentation de l’agentivité des personnages féminins. La communication proposée contribuera ainsi à problématiser et à adapter les approches traductologiques féministes et axées sur le genre de façon à ce qu’elles soient plus représentatives des féminismes contemporains.

Dans leur étude publiée en 1983, None is Too Many : Canada and the Jews of Europe, 1933-1948, les historiens canadiens Irving Abella et Harold Troper ont analysé la politique d'accueil canadienne tout en insistant sur le refus clair du gouvernement d'accueillir des réfugiés juifs. Notre recherche se place dans la continuité de leur ouvrage et se focalise sur les 2 000 personnes (environ) qui, malgré les réticences et l’antisémitisme, ont pu trouver refuge au Canada. 

Grâce aux archives du Congrès Juif canadien (Montréal) et à une analyse prosopographique de ces sources, notre communication interrogera les différents circuits migratoires de ces individus ainsi que la/les mémoire(s) liée(s) à ces migrations. 

À partir de la correspondance entre les organisations d’aide (juives et non juives) et le gouvernement canadien, nous analyserons la mise en place de procédures permettant l’émigration de familles réfugiées en Espagne et au Portugal, le sauvetage d’étudiants bloqués à Shanghai mais aussi la libération de civils internés au Canada. Ce panel permettra de mettre en perspective leurs différents parcours migratoires, en centrant le propos sur ce qui les unit et ce qui les oppose. 

Enfin, nous montrerons que la mémoire des réfugiés internés a supplanté celle(s) des autres groupes et nous tenterons d’expliquer ce phénomène, contribuant ainsi à l’histoire des migrations transnationales et à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale au Canada.

Dès leur première publication dans le recueil Refus global (1948), les textes de fiction de Claude Gauvreau (1925-1971) provoquent un grand malaise en raison de leur statut générique. « Non seulement [les journalistes] ne savent pas quoi en dire, mais ils ne savent pas non plus comment nommer ces objets abstraits, à la frontière de la poésie et du théâtre » (DUBOIS 2014 : 99). Cette difficulté à circonscrire l’œuvre de Gauvreau dans un espace littéraire défini pousse la critique à la qualifier, faute de mieux, de baroque c’est-à-dire « l’art du multiple, du difforme, du hors norme, du […] laid, voire [du] monstrueux » (DESGENT 2010 : 27). Interné à plusieurs reprises, l’auteur incarne bien cette figure dont la monstruosité se révèle par une écriture perçue comme symptomatique. Une étude comparative de son œuvre et de celle de ses contemporains tend pourtant à montrer que son écriture rend compte d’une esthétique de la fragmentation préfigurant certains éléments de l’esthétique du théâtre postdramatique. Cette communication aura ainsi pour but de proposer une lecture au-delà du symptôme afin de mieux cerner les enjeux et la particularité des textes dramatiques de l’auteur. En effet, si l’esthétique de la fragmentation se donne en premier lieu à lire comme un élément caractérisant formellement son écriture, elle appelle également à un changement de perspective herméneutique permettant de redéfinir les contours de la sémiotique théâtrale.

À ses origines, l’image-mouvement (Deleuze, 1983) au cinéma serait définie comme étant une succession mécanique d’instantanés caractérisée essentiellement par l’équidistance. La succession mécanique du mouvement par un codage serait intrinsèque à l'agencement dans l’image-mouvement. La problématique de l’image-mouvement réside dans l’idée selon laquelle la perception du mouvement à l'aide d'une succession de poses et la perception du mouvement par l’intermédiaire de dispositifs, réduisent l’interprétation du mouvement à un temps uniforme. À quel point cela va contraindre à saisir l’essentiel du mouvement, à savoir les micromouvements qui entrent dans ce régime de l’image-mouvement intensif et qui échappent à la mesurabilité de même qu'à l’agencement. Dans ce cas précis, la question serait de savoir non pas comment un mouvement succède à un autre mouvement, mais plutôt comment un mouvement donné se continue dans le mouvement suivant? Nos objectifs seront de comprendre le processus de l’analyse du mouvement en commençant par les travaux chronophotographiques à la capture du mouvement numérique. Nous entamerons une catégorisation de l’image-mouvement par le biais de la capture du mouvement numérique transférée sur les personnages en images de synthèse du film Avatar. Si plusieurs études portent sur l’analyse du mouvement au cinéma, aucune n'a encore considéré une classification qui éclaire le rapport d’individuation avec certaines catégories de l’image-mouvement.

« Après s’être dit à la lueur des feux de foyer campagnards et avoir inspiré les auteurs de la toute jeune littérature canadienne-française de lafin du XIXesiècle, après avoir absorbé les folkloristes et s’être constitué en véritable objet d’étude pour des chercheurs issus de domaines variés dès la fin des années 70, le conte a resurgi en pleine ville vers 1990. (…)  Cette nouvelle vitalité et surtout cette grande visibilité, que la critique a convenu d’appeler le“renouveau” ou la“résurgence” du conte, a de quoi surprendre. » (É. Cormier, 2008)

Depuis Marius Barbeau, on sait que conter n’est pas simplement présenter une succession de récits, c’est un art verbal à part entière qui s’est transformé au fil des époques. Certaines de ces pratiques ont changé, d’autres sont demeurées. La relation entre un conteur et son public s’est ainsi transformée depuis le XIXe siècle, oscillant entre tradition et innovation. Une nouvelle génération de conteurs est apparue : les néoconteurs (A. Lazaridès, 2000).

Peut-on dire que Fred Pellerin fait partie de ces néoconteurs? Comment se définit l’art du conteux par rapport à celui du conteur? Quel est le « style » de Fred Pellerin?

C’est donc par l’analyse de la performance de Fred Pellerin et des rapports entre les éléments constitutifs (texte ou verbe, conteur, public, mise en scène, conditions scéniques de production, contexte, etc.) dans le spectacle l’Arracheuse de Temps que nous tenterons de répondre à ces questions.

Depuis les années 2000, les musées multiplient les initiatives visant à faciliter l’accès aux publics dits « empêchés », qu’ils peinent à rejoindre par l’entremise des activités davantage prévues pour le grand public. Le cas des publics malvoyants ou non-voyants est représentatif de cette situation puisque ces derniers ne peuvent avoir accès aux œuvres au même titre que les autres visiteurs au sein du musée. La peinture, en raison de sa bidimensionnalité et de la place prépondérante accordée à la couleur, représente un défi particulier auquel les musées commencent à s’intéresser. Contrairement aux sculptures, il s’avère tout simplement impossible de lire une œuvre peinte par le toucher puisqu’aucun volume ne permet d’en saisir le contenu. Or, depuis 2015, plusieurs initiatives ont vu le jour afin de proposer différentes lectures tactiles d’œuvres peintes grâce, entre autres, à une interprétation numérique et à l’impression 3D. Toutefois, aucune solution n’est proposée en regard de la problématique de la couleur.

Ici, la réalisation d’un prototype permet de remettre en question notre façon d’envisager la couleur en histoire de l’art. Les résultats préliminaires de cette étude nous ont permis d’identifier une piste intéressante qui mériterait qu’on s’y attarde davantage, à savoir que les participants tendent à associer chaque couleur à la charge émotive qui y est traditionnellement liée dans notre culture nord-américaine. 

 

 

 

Les musées souhaitent susciter chez leurs visiteurs des expériences riches, intenses et bénéfiques. Vu l'engouement dont profitent les grands spectacles, ils sont tentés d'utiliser les nouvelles technologies pour créer des univers dans lesquels plonger physiquement leurs visiteurs.

Ici, nous comparons le nombre de traitements offerts par un groupe de visiteurs adultes à des objets d'art présentés dans une salle plongée dans un contexte immersif au nombre de traitements offerts par les mêmes visiteurs dans deux autres salles équivalentes, mais sans contexte.

Échantillon

Trente-cinq adultes des deux sexes, de 20 à 64 ans, et possédant au moins un baccalauréat.

Contexte de la recherche

Trois salles d'un musée de beaux-arts présentant chacune une trentaine d'œuvres  -  peintures et sculptures -  de périodes semblables. L'une les expose dans un environnement immersif d'une nuit d'été réalisé au moyen d'une installation, alors que les deux autres les présente sans contexte particulier.

Résultats

Dans la salle immersive, le nombre de traitements réalisés par les visiteurs n'est pas plus élevé que dans les deux autres salles.  C'est le cas aussi bien des peintures que des sculptures, mais aussi des peintures dont le sujet est un paysage et même un paysage de nuit. 

Reste à voir si un dispositif qui plonge physiquement des visiteurs dans un contexte précis peut favoriser l'apparition d'une immersion psychologique, i.e. d'un moment prolongé de fascination face à une ouvre d'art?

 

 

Cette communication porterait sur les formes particulières de résistance, les détournements et subversions propres à certains spectacles de danse contemporaine, une discipline riche en nouvelles propositions esthétiques et critiques. La proposition traitera spécifiquement du spectacle Husk (2012) du chorégraphe montréalais George Stamos avec la compagnie Montréal Danse et la rockeuse Jackie Gallant. Cette pièce aborde métaphoriquement, mais sans détour, la performativité des genres, en passant par un éclatement de la figure du corps sexué. S’inscrivant dans un prolongement du travail théorique de Foucault sur le concept de pouvoir intrinsèquement lié à celui de résistance et de subversion, chorégraphes et interprètes proposent à leur manière des formes artistiques poursuivant cet effet. Ici, le travestissement, l’humour et l’informe sont employés comme procédés esthétiques ancrés dans l’imaginaire, permettant une forme de critique des normativités sociales. Ces procédés s’incarnent dans les représentations du corps dansant, dans les relations qui se créent entre les interprètes et dans le concept chorégraphique. En s’appuyant sur les études de genre, sur les théories du post-humain et les "performance studies", la recherche visera à comprendre de quelles manières ceux-ci réussissent à faire émerger un questionnement des normes sociales, politiques, culturelles voire économiques chez les spectateurs.

Les travaux et le rapport Bouchard-Taylor (2007, 2008) conviaient la population à proposer des projets favorisant le dialogue et l’intégration des immigrants, une invitation à laquelle cette recherche doctorale interdisciplinaire en art a voulu répondre. Les études font ressortir la pertinence de s’intéresser à la situation des femmes tout autant que la découverte de leurs capacités créatives d’adaptation au nouveau contexte, que ce soit par la narration des histoires (Rachédi, 2010) ou la création artistique (Gordon, 2011). La créativité offre la possibilité de réinventer cette « image de soi, paradigme de l’identité migratoire en transformation et en quête d’équilibre personnel et social » (Fronteau, 2002). La recherche action sous forme d’ateliers de création artistique en contexte interculturel a permis d’aller à la rencontre de femmes immigrantes qui se sont « racontées » à travers la création de robes de papier autobiographiques. L’étude multi-cas rend compte des histoires de migration et de création. Une étape finale d’analyse transversale dégage le sens de ces histoires afin de répondre à la question de recherche visant à comprendre comment la création en art, dans le cadre d’une rencontre interculturelle, témoigne de la construction identitaire de femmes immigrantes. Les résultats montrent que la création en art d’une robe de papier établit un cadre dynamique faisant appel à une reconfiguration identitaire proposant une relecture des faits de l’histoire migratoire.

Depuis l’édition 2014 de SXSW (South by Southwest, à Austin, Texas) et la présentation de "Strangers with Patrick Watson", réalisé par les studios montréalais Felix & Paul, les enregistrements cinématographiques en 3D et à 360° sont sur le point de devenir une réalité majeure pour l’industrie de la musique et des jeux vidéos. Avec la commercialisation programmée de visiocasques de réalité virtuelle (Oculus Rift, Samsung Gear VR, Sony Morpheus...), la demande pour du contenu créatif destiné à ce nouveau moyen de consommer des performances musicales ouvre la boite de Pandore aussi bien pour les créateurs de musique que pour les ethnographes.


En nous plongeant au centre d’une expérience totalement immersive, cette technologie offre de nouvelles avenues pour conserver le patrimoine musical et culturel de l’humanité. Du côté de la recherche, comment ce changement paradigmatique peut-il influencer notre façon de faire de l’ethnographie musicale?


Cette conférence présentera nos premières données ethnomusicologiques collectées à l’aide d’un dispositif de captation audiovisuel 3D à 360° – ce qui nous permettra d’estimer le rôle de l’enregistrement omnibinaural dans la « restitution » en réalité virtuelle. Cette présentation abordera également quelques unes des problématiques méthodologiques, technologiques et épistémologiques soulevées par l’utilisation d’un tel dispositif, au demeurant expérimental.

Publié en 2006 sous le thème «La résistance culturelle», le numéro 273 de la revue Liberté marque l'arrivée d'un nouveau groupe d'intellectuels au sein du comité de rédaction. Je me propose d'analyser la mise en place, par le manifeste «Assoiffés de sens», d'un discours de la résistance. Celui-ci se fonde sur une double stratégie discursive: le comité de rédaction construit d'abord un ethos de la lutte; il s'inscrit parallèlement dans la filiation des intellectuels engagés d'ici et d'ailleurs. En m'appuyant sur les travaux de Ruth Amossy, je retracerai les subjectivèmes et les désignations collectives afin de définir le «nous» de Liberté. La rhétorique du manifeste étant en lien étroit avec l'ethos de la lutte, je plongerai au cœur du discours afin d'en dégager la structure ainsi que les couples axiologiques (Marc Angenot, La parole pamphlétaire). Avec «Assoiffés de sens», les membres de Liberté dépassent le projet des fondateurs de la revue pour effectuer une prise de position politique et esthétique. À l'instar des écrivains existentialistes des Temps modernes, des signataires du Refus global et des intellectuels des années soixante, ils arriment l'art au politique. Je conclurai en démontrant que la valorisation de ces filiations participe d'un refus de l'ère du désenchantement; combinée à l'ethos de la lutte, elle permet l'écriture au présent d'un nouveau Grand Récit, celui d'une communauté d'«assoiffés de sens».