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L’œuvre poétique de Marie Uguay est structurée par le désir d’aller à la rencontre de l’«autre visage» du monde. Dans cette quête, le désir amoureux est omniprésent, et l’objet de ce désir spécifique apparaît comme modulant le rapport au monde du Je lyrique. Parfois, ce sont «les lèvres qui offrent tous les paysages»; ailleurs, c’est l’absence de l’autre qui laisse l’énonciatrice «dans l’immobilité effroyable de toutes choses retirées». L’influence de la présence ou de l’absence de l’être aimé sur la capacité du Je lyrique à mettre en acte son désir du monde est manifeste. Afin de l’étudier, nous nous penchons sur la façon par laquelle l’objet du désir amoureux se manifeste dans l’espace énonciatif des poèmes. Il apparaît parfois intégré dans la première personne, sous forme de nous; parfois le Je s’adresse à lui à la deuxième personne; parfois, l’autre est évoqué à la troisième personne; parfois enfin il est absent de l’espace énonciatif. Nous nous attachons donc à comprendre la manière par laquelle ces différents degrés de présence modulent l’ouverture du Je au monde. Si le nous et le Je qui s’adresse au tu semblent constituer les entités dont le rapport au monde est le plus prodigue, les poèmes dans lesquels l’autre apparaît à la troisième personne sont pour leur part marqués d’une difficulté à se tendre vers le monde. Uguay est une pionnière dans l’histoire de la poésie au Québec et, si son œuvre à donné lieu à certains travaux, elle reste largement à explorer.

Gilles Deleuze a écrit Proust et les signes tout juste après la parution de son livre sur Kant. Sans doute n’est-ce pas un hasard : dans La philosophie critique de Kant, il explique que la subjectivité kantienne est dotée de facultés actives – pensons à l’entendement et à la raison – dont l’exercice transcendantal s’effectuerait de façon autonome vis-à-vis de l’expérience; tandis que, dans son étude sur Proust, Deleuze substitue au sujet actif kantien l’idée d’un sujet passif chez qui les facultés ne s’exerceraient qu’involontairement, c’est-à-dire sous la violence de signes matériels qui s’imposeraient à lui depuis la réalité extérieure. C’est dire que, contrairement à Kant, l’activité de la pensée en général requiert pour Deleuze une expérience concrète de laquelle dépendraient toutes les facultés relevant de l’ordre du transcendantal. Ainsi la pensée devient-elle l’affaire non plus d’un exercice autonome, comme c’est le cas dans la philosophie kantienne, mais de rencontres intrusives. Et pourtant, selon Deleuze, Kant avait lui-même déjà préparé une telle perspective de la subjectivité humaine comme sujet passif, notamment avec sa conception du sublime, tirée de sa critique du jugement. Ce qui nous occupera, c’est donc la distorsion que Deleuze a opéré sur le kantisme pour en faire émerger une pensée de la rencontre et de l’intrusion – pensée qu’il a développée dans son livre sur Proust, chez qui il voit un successeur de Kant en tant que penseur du transcendantal.



Dans cette communication, nous examinons les représentations de l'oral dans la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, cette oeuvre met en récit des personnages issus d’époques, de lieux et de milieux différents offrant ainsi une vaste palette à la représentation du français. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous verrons l’apport de la cohabitation textuelle de plusieurs variétés de français (hétérolinguisme, Grutman, 1997) dans la composition du cadre diégétique. Compte tenu des difficultés de représentation d’une oralité datant du 18e siècle, nous interrogerons la relation de l’oral à l’écrit ainsi que la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, prononciation, grammaire) nous exposerons les stratégies de différenciation entre divers groupes de personnages. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : quel est l’impact de la représentation des diversités langagières dans la composition d’un récit ? En quoi l’oral est un indicateur du  cadre diégétique ? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? Enfin, en gardant à l’esprit le souci de réalisme historique de la série, nous examinerons la manifestation des divers « effets de langue » (Gauvin, 2000) à l'oeuvre.

L’acte de manger est mis en scène avec insistance dans l’univers télésériel américain, qu’on pense aux nombreux personnages de chef, de Monica Geller (Friends) à Sookie St. James et Luke Danes (Gilmore Girls). Si des ouvrages d’Anne Martinetti (2007, 2008) ou de Christopher Styler (2007) recensent les recettes évoquées dans certaines séries populaires, peu de chercheurs ont encore choisi l’aliment comme fil d’Ariane pour explorer ce corpus contemporain. Lors de cette communication, qui s’inscrit à la croisée des études télévisuelles et des études sur l’alimentation, je m’intéresserai à la représentation de la nourriture (et de la mort) dans la série Pushing Daisies de Bryan Fuller (2007-2009, ABC), où le pâtissier Ned possède la singulière aptitude de ramener à la vie les êtres, bêtes et végétaux qu’il touche, ce qui lui permet de cuisiner des tartes aux fruits toujours frais et d’élucider des meurtres avec ses compagnons Emerson Cod et Charlotte Charles. Je montrerai que, dans ce « conte de fées médico-légal » à l’esthétique visuelle singulière, où les protagonistes oscillent entre l’hésitation et la prise de risque (Butcher, 2012), la nourriture est associée à un passé heureux perdu, est au cœur du quotidien des personnages excentriques qui gravitent autour du Pie Hole, devient offrande, monnaie d’échange ou source de réconfort, et constitue une interface entre le monde, Ned et Chuck, qui ont du mal à tisser des liens avec autrui à cause du don secret du pâtissier.

Le couple de Chimène et de Rodrigue, chevalier espagnol connu comme le « Cid Campeador », est associé à jamais dans l’imaginaire culturel occidental. Notre thèse doctorale (en rédaction) compare le personnage de Chimène dans deux pièces-phare de la littérature espagnole, d’abord « Las mocedades del Cid » de Guillén de Castro (1618) puis « Anillos para una dama » d’Antonio Gala (1973), créées dans deux périodes d’intense activité intellectuelle, le Siècle d’Or et la fin du franquisme.

L’objectif de la communication est de brosser un bref panorama de la représentation de Chimène en partant de l’œuvre-charnière qu’est la pièce de Castro. Les œuvres du Moyen-Age (comme la chanson de geste du « Poema de Mio Cid » ou les poésies populaires du « Romancero ») nous présentent une Chimène qui, si elle fait preuve de tendresse envers son mari, ne l’aimait pas forcément avant de l’épouser. Pour enrichir la portée dramatique de sa pièce, articulée entre les thèmes de l’honneur et de l’amour, Castro imagine, en 1618, une inclination mutuelle entre les deux jeunes gens. Cette innovation immédiatement reprise par Corneille dans « Le Cid » (1637) pose un jalon capital pour la postérité du personnage. La thématique romantique reprise, entre autres, par Massenet pour son opéra « Le Cid » (1884) et Anthony Mann pour son film « El Cid » (1961), sera plus tard démystifiée par Antonio Gala qui remettra en question le portrait d’une Chimène amoureuse.

Humecter le mur du musée avec un drap ensanglanté, tremper des billets de bolivars dévalués – la monnaie vénézuélienne – dans un mélange d'eau et de sang, fixer les billets sur le mur. Cinq femmes migrantes originaires du Venezuela et vivant à Palma, en Espagne, ont collaboré à la performance de «Sobre la sangre» (2020) au musée Es Baluard. Pendant leur prestation, les visiteurs pouvaient leur parler. En travaillant avec cette mixture sanglante provenant d'une scène de crime vénézuélienne, l'artiste mexicaine Teresa Margolles tente de mettre en lumière la crise migratoire humanitaire au Pont International Simón Bolívar dans la zone frontalière entre le Venezuela et la Colombie. Ces questions sociopolitiques d'injustices systématiques et de violence représentent le point de départ de ses pièces performatives destinées à alerter le public. Mon étude de cas explore l'implication de l'audience, elle considère le participant comme un «witness» (responsable) oscillant entre «storyteller» et spectateur passif (Lepecki). En s'appuyant sur des théories à la relationnalité et aux spectateurs de l'histoire de l'art et des études de performance, cette recherche offre un aperçu préliminaire de la conceptualisation des modes «participatifs» de réception de la performance, ainsi qu'une réflexion critique sur le potentiel de transformation inhérent, confrontant le public («occidental») à sa propre complicité dans de tels scénarios: dans quelle mesure auriez-vous du sang sur les mains?

Parmi l’œuvre abondante et diverse de Marguerite Duras, ce sont sans doute les écrits journalistiques de l’auteure qui ont le moins été étudiés. Si la critique a quelque peu délaissé cette part de l’œuvre durassienne, l’écrivaine elle-même affichait un désintérêt non dissimulé à l’égard de ses écrits journalistiques (rassemblés principalement dans Outside et Le Monde extérieur), leur préférant son entreprise littéraire. Et pourtant, la lecture des articles de Duras permet de mesurer le degré d’implication de l’écrivaine dans l’actualité de son époque, d’autant que cette dernière jouissait, à titre de chroniqueuse, d’une liberté considérable quant au choix de ses sujets et au traitement de l’information. À cet égard, il apparaît tout à fait intéressant de se pencher sur les procédés déployés par l’écrivaine (recours à l’ironie, fictionnalisation, etc.), qui semblent autoriser à replacer Duras dans une tradition de l’écriture journalistique «au féminin», dans le sillage de femmes journalistes du 19e siècle telles que Marguerite Durand ou Séverine. En privilégiant une approche centrée à la fois sur le texte et son contexte, nous étudierons donc cette question complexe de l’écriture journalistique dite «féminine» et nous nous interrogerons sur sa résonnance avec la question de l’engagement de l’écrivaine dans une situation sociopolitique donnée. Sous cet angle, l’œuvre journalistique durassienne, encore peu étudiée, se présente de toute évidence comme un riche terrain d’analyse.

Depuis les fondations historiques des disciplines sociologiques/anthropologiques, la problématisation des rapports d'échange symbolique entre les chercheur-e-s et leurs informateurs  en terrain ethnographique s'est constitué comme un lieu commun de la réflexion épistémologique et méthodologique. En effet, dans l'épreuve de la collecte des données, ce rapport s'institue comme une dialectique essentielle à l'intérieur de laquelle se cristalise une économie  de la confiance pour que soient donné les clefs de compréhension de l'objet qu'il/elle se donne à saisir. Mais qu'en est-il de cette relation  entre chercheur-e/informateur  quand on pratique une sociologie idéative, c'est-`a-dire une sociologie qui travaille le discours non pas à partir d'une prise de parole directe des enquêté-e-s, mais d'un discours qui se donne à l'analyse à l'intérieur d'une forme esthétique  spécifique qu'est le texte? L'enjeu de ma communication est alors d'interoger: 1/ le rapport au texte comme forme de terrain; 2/ se demander comment l'objectalité esthétique du texte participe d'un enjeu de méthode dans l'activité d'interprétation et de modélisation du social. C'est donc partant de mon expérience comme chercheure sur le texte que j'entends mettre en exergue la singularité de l'expérience idéative face au texte, singularité qui n'est autre que la conquête d'un étonnement scientifique dans la rencontre empathique entre le chercheur lui-même comme monde d'idées et une proposition esthétique signifiante.

Dans le cadre de cette contribution, nousproposons de rendre compte de notre étude sur le roman de Jacques Poulin Volkswagen Blues en nous penchant sur le conflit des mémoires — coloniales et indiennes — et sur la déconstruction de l’Histoire qu’opèrent les protagonistes dans le récit. C’est avec Le Coeur de la baleine bleue, mais surtout Les Grandes marées, que s’éveille l’intérêt de la critique universitaire pour l’œuvre de Jacques Poulin, ce « Nobel québécois » reconnu de nos jours comme l’un des principaux écrivains québécois contemporains vivant. Auteur clé de l’américanité dont l’œuvre tout entière appartient à la veine du roman minimaliste, Poulin débute sa carrière littéraire en délimitant un espace plutôt restreint à l’intérieur de ces romans. Et si le rêve de l’Amérique commence tranquillement à se faire sentir, c’est surtout avec Volkswagen Blues que Poulin saute le pas et fait traverser la frontière à ses personnages.

Partant, on cherchera à démontrer comment le rêve Américain, toujours vivant, doit être expérimenté afin d’être démystifié, déconstruit et permettre alors à l’écrivain de s’émanciper de son passé historique et personnel et de quitter l’enfance. C’est une fois les héros du passé et de l’enfance destitués qu’il est possible, à partir des différentes rencontres opérées au fil du voyage, de se reconstruire soi-même et de reconstruire l’Histoire de l’Amérique.

On pense souvent que la chosification des femmes dans les médias et l’incitation à donner son opinion est quelque chose qui a commencé avec l’apparition des réseaux sociaux. Mais la recherche menée montre que ce n’est pas le cas. Au contraire, la chosification existe depuis des décennies et les publics, en répondant aux sollicitations des médias, y ont largement contribué.

Au début des années 1930, alors qu’une a débuté une carrière américaine depuis quelques années et que l’autre l’amorce, la presse française et la presse américaine ont exposé les actrices européennes Greta Garbo et Marlène Dietrich comme des rivales, laissant de côté leur qualité de jeu et ignorant leur humanité. Une grande quantité d’articles, publiés en français et en anglais, montrent cette construction, relayée par les journalistes, mais également, par les lecteurs et les lectrices.

En utilisant prenant comme point de départ des articles publiés en 1930 et 1931 dans les revues Photoplay, Pour Vous et Screenland, la chosification de ces deux actrices sera examiné, en appliquer une grille d’analyse influencée par les idéologies et la langue d’aujourd’hui. La manière dont cette construction se développe sera examinée, au niveau du propos, du dispositif et des prises de paroles, notant au passage que ces dernières trouvent souvent leur source sous la plume de femmes journalistes et en interrogeant les traces, dans la presse, de cette rivalité imaginaire.

Principale industrie culturelle québécoise, l'industrie du livre vit des transformations structurantes et fait face à de nombreux enjeux, notamment au regard de la croissance incessante de la production littéraire nationale et étrangère.

Le livre est un bien expérientiel nécessitant qu'une médiation s'opère entre le créateur et son lecteur. Or,  peu d'études ont été menées sur la place que réservent les médias québécois aux oeuvres littéraires, et ce malgré toute l'importance pour une production littéraire d'être recensée par les médias. 

Dans le cadre de ce projet de recherche, je me suis intéressé au recensement des titres de livres qu’ont fait les cinq principaux quotidiens du Québec pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. 

Le projet avait pour objectif d’étudier, quantitativement et qualitativement, le traitement rédactionnel, et donc non publicitaire, des titres de livres, notamment ceux publiés par des éditeurs québécois, dans les principaux quotidiens du Québec.

La cueillette des données a été réalisée par la lecture de chacune des pages publiées par les quotidiens à l’étude pendant la période visée.

Enfin, dix indicateurs ont été développés afin d’analyser la place réservée au livre dans les quotidiens à l’étude. Les résultats présentés le seront à l’aide de ces dix indicateurs, notamment celui de la part des titres recensés qui sont des titres publiés par les éditeurs québécois ainsi que celui de la part des titres recensés selon le genre de livre.

Au Québec, la place du livre numérique (LN) était assez marginale si on la compare à celle dans d’autres pays et à d’autres pratiques culturelles (Labrousse et Lapointe, 2021). Est-ce que la pandémie a changé les pratiques d’emprunt à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)?

Nous avons analysé les données sociodémographiques des abonnés, les données d’emprunt ainsi que celles liées aux livres provenant de trois sources : BAnQ pour les livres physiques (texte et audio sur CD) et les deux principales plateformes d’emprunt numériques de BAnQ, soit Pretnumerique.ca et OverDrive pour les LN.

Nous présentons les grandes tendances (résultats finaux), notamment la montée de l’emprunt des LN et la diminution des emprunts de livres physiques, l’intérêt croissant pour le livre audio et l’augmentation de l’emprunt dans la plupart des régions du Québec à l’exception de Montréal. Nous comparons ensuite trois profils d’emprunteurs : ceux qui font exclusivement des emprunts papier, exclusivement des emprunts numériques et ceux qui font les deux, que nous appelons les emprunteurs hybrides. Un des constats indique que plusieurs abonnés empruntent des livres papier ou numériques uniquement : environ 10 % seulement font les deux types d’emprunts. Ce sont majoritairement des femmes, elles empruntent plus de livres que les autres types d’emprunteurs et sont de grandes lectrices. Nos résultats montrent aussi des différences entre les trois types d’emprunteurs selon l’âge, le sexe et les pratiques d’emprunt.

Cet exposé nous ramène en 1967, au Festival Sigma de Bordeaux, où la compositrice Éliane Radigue assiste Pierre Henry pour un concert où les auditeurs sont invités à se coucher pour écouter la Messe de Liverpool. De son poste d’assistante et sans que rien n’y paraisse, Radigue, profitant de la précarité offerte par le contexte d’une performance, décide de changer complètement l’œuvre de Henry : ce qui était censé être une pièce bien définie par des sections de silences devient tout à coup une pièce en continu, sans coupure. Ce geste, qui « brise les silences » et avec lequel Radigue devient « audible », est rendu « inaudible » par l’absence totale de commentaire de la part de Henry : pour les années à venir, le public qui assiste à l’événement et la presse qui en fait la couverture ne peuvent se douter que Henry ait perdu le contrôle de son œuvre, et que cette musique surprenante ait quelque chose à voir avec la petite assistante. M’appuyant sur mes propres rencontres avec la compositrice, je m’intéresse à la double présence – audible/inaudible, visible/cachée – de Radigue au sein du festival Stigma, et à ce que cette dualité indique sur le pouls d’un festival qui se veut provocateur et d’avant garde. Portant ainsi une attention particulière au contexte historique et social du festival, je propose de comprendre l’intervention de Radigue comme étant motivée par un désir esthétique profond plutôt que par une envie de contester la position secondaire à laquelle est reléguée.

 

Banat Al-Riyyad (2005) de Rajaa Al-Sanea a connu un grand succèss international. Traduit en plusieurs langues, il a suscité une importante couverture dans les médias internationaux, comme The New York Observer, The Observer, et Paris Match. Les critiques éditoriales du roman racontent une autre histoire. Elles lamentent presque unanimement la médiocrité littéraire du roman, mais applaudissent l’écrivaine pour avoir ouvert une fenêtre sur la société saoudienne. Le roman fut aussi le sujet de plusieurs articles par la traductrice, Marilyn Booth, dont la traduction anglaise fut considérablement révisée par l’écrivaine et les éditeurs. Ces articles se sont ajoutés au paratexte du roman et, en tant que tel, jouent un rôle dans la médiation du texte au lecteur cible. La traduction et la réception de Banat Al-Riyyad en Occident soulèvent des questions : quels sont les paradigmes qui sous-tendent la réception de la littérature féminine arabe en Occident ? Comment l’écrivaine arabe est-elle appropriée et reconstruite à travers ses écrits dans un contexte transnational déjà saturé de stéréotypes ? Et l’écriture comme geste de résistance peut-elle transformer la femme arabe d’un objet du regard masculin occidental à un sujet agissant ? S’inspirant d’une interprétation féministe de l’orientalisme, et utilisant l’analyse critique du discours, l’article examine ces questions en analysant les traductions anglaise et française du roman de Sanea ainsi que son paratexte.

Depuis l’avènement de l’ère numérique et du Web, les usages des archives se sont élargis et les usagers multipliés. À travers les bouleversements du contexte d’organisation et de diffusion des archives occasionnés par la révolution numérique et le Web et la critique postmoderne en archivistique se dessine une nouvelle vision archivistique plus axée sur les usages des archives et leur exploitation que sur leur conservation. Cependant, la connaissance et les fondements théoriques des usages des archives sont peu couverts en archivistique. Dans l’objectif de repenser la conception des usages, nous proposons de faire le point sur leur situation actuelle afin d’en faire ressortir les enjeux principaux. Basée sur une synthèse de la littérature en archivistique, en sciences de l’information et en sociologie des usages, notre analyse critique des notions et concepts connexes à celle d’usage permet de mettre en perspective et de repenser la façon d’envisager les usages des archives en archivistique. Les types et typologies ainsi que les théories et modèles liés aux usages des archives sont ensuite explorés comme autant de pistes de solutions pour fonder une vision renouvelée des usages en archivistique.

Tout en poursuivant leurs collectes d’objets anciens, les musées posent aujourd’hui un regard sur l’actuel et intègrent à leurs collections des objets contemporains. En rupture avec les pratiques muséales traditionnelles, la collecte du contemporain les oblige à choisir dès maintenant les témoins qui nous représenteront plus tard. Ce désir de conserver « l’aujourd’hui pour demain » renvoie à la notion de patrimoine et aux enjeux de la constitution des collections muséales. Cette tendance touche maintenant tous les types de musées, en Amérique du Nord comme en Europe. Comment cet intérêt pour la collecte des objets contemporains s’est-il développé? Quels motifs ont favorisé cette ouverture des collections et incité les musées à y intégrer des objets appartenant à un passé de plus en plus récent, voire au présent? Nous croyons que cette réflexion du musée sur l’actuel s’est développée parallèlement à l’élargissement de la notion de patrimoine, encouragée également par d’autres facteurs contextuels caractéristiques de la société de consommation. À partir de différents exemples européens et nord-américains, nous présenterons les enjeux de la collecte du contemporain et les particularités de celle-ci selon différents types de musées. Ainsi, il nous sera possible de cerner l’évolution de cette tendance muséale.



Le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale des années 1920 dont l’ornementation s’inspire de cultures exotiques telles que l’Espagne Maure, l’Égypte et la Chine. L’auditorium du cinéma atmosphérique plonge le spectateur dans un environnement extérieur simulé de toutes pièces, par le biais de végétation artificielle et d’éléments architecturaux fictifs tels que des toits et des balcons qui magnifient l’illusion de cette immersion spatiale.

 

Trois cinémas atmosphériques Canadiens seront à l’étude: l’Empress de Montréal (1927), d’inspiration égyptienne; l’Orpheum de Vancouver (1927), d’inspiration hispano-baroque; et le Capitol de Port Hope (1930), d’inspiration médiévale. Cette recherche s’intéresse à la définition du cinéma en tant qu’hétérotopie, terminologie utilisée par Michel Foucault dans sa conférence de 1967 intitulée “Des Espaces Autres.” Foucault définit l’hétérotopie comme un espace permettant la juxtaposition, en un seul et même lieu réel, de plusieurs espaces qui sont en eux-mêmes incompatibles. En tant qu’hétérotopies, l’Empress, l’Orpheum et le Capitol brouillent les contraintes spatio-temporelles en réunissant dans un seul et même bâtiment des cultures qui seraient autrement irréconciliables.

 

Cette recherche démontre que le cinéma atmosphérique est une typologie architecturale qui transcende la matérialité du bâtiment. Le caractère hétérotopique du lieu est ainsi lié à la fiction cinématographique, pour devenir une architecture de l’imagination.

À l'occasion de l'exposition Chagall, Soulages, Benzaken... Le vitrail contemporain présentée en 2015 à la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris, Véronique David et Laurence de Finance ont présenté un texte réflexif sur la présentation du vitrail lors de manifestations culturelles. Qu'il s'agisse de sa nature, de son rapport à la lumière ou encore de sa distance et de sa position dans un édifice, les deux chercheuses ont montré que le vitrail est un médium qui s'intègre difficilement dans une institution muséale. En revanche, elles ont également proposé certaines solutions comme le détournement temporaire du vitrail de son statut d'art monumental ainsi que son remplacement par d'autres productions à l'instar de cartons ou d'échantillons. Dans cet état d'esprit, le Musée des métiers d'art du Québec (MUMAQ) a inauguré, en janvier 2023, une exposition temporaire consacrée à l'artiste et maître verrière québécoise Lyse Charland Favretti. Placée sous mon commissariat, cette exposition souhaite faire avancer la recherche sur le vitrail contemporain tout en proposant des solutions quant à sa monstration au Québec. Ainsi, cette communication a pour but d'étudier l'engagement du Musée des métiers d'art du Québec dans la valorisation et la présentation du vitrail au sein des institutions muséales québécoises tout en proposant un regard critique sur ma propre expérience de commissaire spécialiste du vitrail à partir d'outils théoriques empruntés, entre autres, à la muséologie.

Composé en 1964, « Mon pays » de Gilles Vigneault est considéré comme l’un des hymnes emblématiques du Québec. Métaphorisant par l’hiver la beauté et parfois l’arduité de la nation, le texte de Vigneault se présente comme un panégyrique d’un Québec encore en devenir, mais mu par un amour et un nationalisme profonds. Plus de cinquante ans plus tard, l’influence de ce texte ne tarit toujours pas, ce qu’atteste la sortie de S’armer de patience d’Ivy, figure centrale du slam montréalais. En effet, la piste liminaire de cet album, s’intitulant à son tour « Mon pays », ne reprend pas uniquement le titre de Vigneault, mais agit, à la manière d’un palimpseste, comme sa réécriture. En empruntant des formules phares de son prédécesseur, Ivy détourne le traitement apologique du pays vigneaultien pour le teinter de nuances beaucoup plus dysphoriques. Il s’agira dans cette communication d’analyser, selon une approche poétique et stylistique, les procédés qu’Ivy déploie dans son texte pour brosser le tableau d’un Québec désenchanté, critique dont l’efficacité réside dans le déplacement cynique de son intertexte. Au-delà de cette visée plus ponctuelle, mon propos cherchera, par ricochet, à inscrire le discours d’Ivy dans un mouvement plus englobant, celui de la poésie orale contemporaine contestataire. Enfin, malgré son importance incontestable pour le slam québécois, la production d’Ivy a encore peu rejoint la critique savante, d’où, en partie, l’originalité de cette contribution.  

Mon objectif est d’examiner les théories qui ont défini le concept de fiction afin d’expliquer pourquoi la fiction est de plus en plus considérée, de nos jours, comme un acte de communication plutôt que comme un acte de représentation. Si l’on revient aux rhétoriques d’Aristote et de Platon, on remarque que ces dernières reconnaissaient trois genres : le genre judiciaire, le genre délibératif et le genre épidictique. La fiction ne constituait donc pas un discours relié à une situation de communication définie. Elle relevait plutôt de l’art poétique, plus précisément de la représentation. Cette séparation des deux domaines — rhétorique et littéraire/poétique — est moins nette à l’époque actuelle et est sujette à plusieurs ambiguïtés. En effet, en 1982, John Searle définit la fiction comme étant une illocution feinte de type assertif (Sens et expression), et insiste sur la continuité entre le discours littéraire et le discours non littéraire. Plusieurs théoriciens contemporains (Gérard Genette, Dorrit Cohn) ont suivi la même démarche que Searle et ont tenté de définir l’écriture fictionnelle en la comparant à l’écriture référentielle. Cette comparaison entre les deux types d’écriture a rendu peu claires leurs caractéristiques intrinsèques. En appliquant des critères linguistiques à l’étude d’un récit fictionnel, la théorie a contribué à l’ambigüité du concept de la fiction, au lieu de l’expliciter. D’où mon objectif de considérer ce dernier.



Sylvain Tesson est français. En 2010, il a effectué un séjour dans une cabane russe. Cet ermitage a fait l’objet d’un livre, Dans les forêts de Sibérie (2011), et d’un long-métrage de 52 min réalisé, pour la télévision, par Tesson lui-même. Ce film, jamais étudié, s’intitule 6 mois de cabane au Baïkal (2011) et sera l’objet principal de notre étude.

Tesson dit être sorti « métamorphosé » de son expérience de retrait. Cette transformation spirituelle, dont la perspective justifiait le projet de l’écrivain-voyageur dès ses origines, pose toutefois les questions suivantes : comment l’image et le récit filmiques sont-ils mis à profit pour rendre compte de ce changement ?

Nous aurons ainsi pour objectif d’interroger les formes particulières du récit dans le film de Tesson et de statuer, à terme, sur ses fonctions cognitives et identitaires. Nous recourrons à l’étude des différences couches du récit narratif audiovisuel que circonscrit Roger Odin dans son livre, De la fiction (2000), ceci afin de constater que 6 mois de cabane au Baïkal subvertit le schéma narratif traditionnel de la quête au profit d’une logique passionnelle du récit (Raphaël Baroni, 2006). Nous verrons que cette logique imprègne le dispositif de filmage, dispositif se muant en véritable procédé de subjectivation et que nous analyserons à l’aune de la notion ricœurienne d’identité narrative.

Nous en conclurons que le film ne raconte pas tant la métamorphose de Tesson qu’il la rend possible et effective.

Richard Long est l’un des premiers artistes à pratiquer la marche comme œuvre d’art. Contrairement aux Américains Robert Smithson ou Michael Heizer, il est perçu comme étant respectueux de la nature. Long se veut l’antithèse des Américains qui, dit-il, « avaient besoin de revendiquer la possession de la terre et utiliser des machines ». Aussi affirme-t-il « être un gardien de la nature, et non pas un exploiteur ». Selon Francesco Careri et bien d’autres, « son travail implique des préoccupations environnementales et écologiques ». Il est permis d’en douter. Ses randonnées solitaires s’inscrivent dans la tradition anglaise, la sensibilité romantique et les rêveries poétiques du 18e siècle; « Le but de mon travail est mon propre engagement physique avec le monde » déclare-t-il. Selon Careri, « la présence de l'artiste est déjà un acte symbolique en soi ». Mais de quoi? « Je suis un opportuniste. Je profite simplement des lieux et des situations dans lesquels je me trouve » lance l’artiste. Sa symbolique relèverait-elle du passé colonial britannique? Deux œuvres permettent de jeter un regard critique sur ses pratiques : d’abord l’installation intitulée A Long Walk in the Wilderness (1991) de Rasheed Araeen, qui place au sol deux rangées parallèles de centaines de chaussures usées; ensuite, la performance The Rock Touring Around Great Britain (2006-7) de He Yunchang, qui a marché en 112 jours le périmètre de la Grande Bretagne avec un galet pour le ramener à son lieu d'origine.

Alors que Jeanne et son amant s’entrelacent, un coup de tonnerre retentit : Jeanne fait un saut alors que son amant ouvre les volets pour voir la tempête. Surprise, il fait soleil, le coup de tonnerre n’était qu’un artifice du spectacle sons et lumières que préparent les cousins de Jeanne. Pourtant, celle-ci ira se réfugier dans une autre pièce du château, comme si la révélation de l’artificialité du coup de tonnerre l’effrayait davantage que ce dernier.

Tel que le remarque Chris Fujiwara, ce qui angoisse les personnages de Georges Franju dans Pleins feux sur l’assassin « c’est l’artificialité de leur environnement, le remplacement d’une présence complète par un signe » (2011, 82) Alors que la transformation du château en espace muséal se fait avec des techniques de pointes pour l’époque, ces dernières s’avèrent doublement trompeuses, métamorphosant les lieux davantage en château hanté qu’en un simple espace d’exposition et de spectacle.

On fera l’hypothèse que cette métamorphose repose en partie sur la médiation cinématographique du spectacle son et lumière, remédiation de la réalité qui déstabilise la perception de celle-ci à la fois chez les personnages du film et chez les spectateurs. Ce sera également l’occasion d’observer comment, à travers cette mise en abîme d’un spectacle fondé sur des techniques, Franju expose une des potentialités magiques de la médiation cinématographique : sa capacité à transformer la nature de la réalité.



Félix-Antoine Savard, romancier, poète et auteur de Menaud, maître-draveur, était aussi cofondateur des Archives de folklore à l’Université Laval (AFUL). En tant de chef-d’œuvre de la littérature du terroir, Menaud, maître-draveur aborde l’attachement à la terre, la sauvegarde du patrimoine, et un nationalisme replié sur lui-même. Les Archives de folklore, en lien avec la création d’une chaire de folklore à l’Université Laval, visaient la collecte, la conservation, et la diffusion des traditions populaires canadiennes-françaises.

 

Cette communication traite de la relation entre littérature du terroir et folklore dans l’œuvre de Savard, en accordant une attention particulière à la tension productive entre la manifestation de la culture « savante » et celle de la culture « populaire » dans ces deux formes d’expression hautement liées. On examinera aussi le rôle de l’oralité et de la performance, habituellement associés avec le folklore, dans la littérature du terroir. Bien que cette présentation se concentre sur l’œuvre de Savard, on abordera brièvement ses liens avec les réalisations de la génération précédente, en particulier celles d’Édouard-Zotique Massicotte.

 

Des sources tirées des archives Gaston Miron, y inclus sept entrevues radiophoniques et une entrevue télévisée avec Félix-Antoine Savard, et trois entrevues avec Luc Lacourcière, professeur de littérature, ethnographe et cofondateur des AFUL avec Savard, sont privilégiées.

La chercheuse italienne Giuliana Bruno a défini dans son ouvrage Atlas of Emotion (2002) que le corps féminin peut être représenté à travers du concept de maison itinérante. Ce concept donne des lumières à la possibilité de bâtir un nouveau territoire comme espace de représentation de la mémoire des femmes qui sont sorties de ses pays natals pour plusieurs raisons. Ces enjeux de territoire, corps et mémoire peuvent être trouvés dans la littérature de l’écrivaine haïtienne E. Danticat, qui comprend des chroniques, des nouvelles et des romans sur la femme, la diaspora et l’exil. Dans ses ouvres, c’est possible de trouver des signes qui dénoncent comment les femmes sont considérées comme des entités soumises à l’obéissance, à la passivité, à la répression et à la négation du corps.

Dans ce contexte, est-ce que le territoire de narration de Danticat devient un point de convergence de la mémoire? Si oui, est-ce qu’il y a une redéfinition de la subjectivité féminine?

Pour répondre partiellement à ces questions, un dialogue entre la nouvelle Night Women apparue sur son livre Krik? Krak! (1996) et le concept de maison itinérante de Bruno a été établi. De façon générale, ce dialogue permet une analyse qui confirme que ce récit de Danticat donne de la valeur à la subjectivité féminine à travers un discours qui valorise le corps d’une femme comme territoire de mémoire et de discontinuité; contrairement à la structure symbolique patriarcale imposée par l’ordre social.