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L’architecture reflète les valeurs et aspirations de la société qui la produit. Pourtant son rôle n’est pas uniquement passif : l’environnement bâti participe à former l’expérience de ses utilisateurs. Cette communication démontre comment et pourquoi l’architecture du musée influence et dicte la perception du visiteur à l’égard du contenu des expositions. Nous nous proposons d’étudier, à travers l’architecture, le cas particulier des musées canadiens et de la représentation des cultures autochtones qui y est faite. À cette fin, nous procédons à une analyse formaliste, iconographique et structurelle de l’architecture de trois musées importants­ — le Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique, le Musée canadien des civilisations et le Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, Pointe-à-Callière — relativement aux collections présentées et à leur disposition dans l’espace.  Ces études de cas permettent d’illustrer comment ces trois architectures diffèrent par leur impact sur l’expérience du visiteur, ainsi que sur sa perception et sa compréhension des cultures autochtones.

En plus de conclure que l’architecture contribue de manière importante à forger l’opinion du visiteur sur les cultures autochtones, cette recherche montre comment le type d’architecture et son influence sont intimement liés au mandat de l’institution. Elle illustre ainsi le rôle clé tenu par l’architecture dans une institution muséale et dans son traitement des cultures représentées.

En définissant le chronotope comme « la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature » (Esthétique et théorie du roman. Paris : Gallimard, 1978, p. 237), Mikhaïl Bakhtine suggère que la nature complexe de l'espace-temps fictionnel révèle des caractéristiques uniques sur les textes et les médiums. Bien qu'il ait été lié aux études cinématographiques par plusieurs chercheur·ses (Pepita Hesselberth 2014, Martin Flanagan 2009, Peter King 1993), le chronotope demeure un concept riche en débouchés qui, appliqué à des récits pathographiques, met en relief la complexité de l’espace-temps du sujet malade en donnant un nouvel éclairage sur ces représentations artistiques.

Dans cette communication, nous souhaitons prendre l’exemple des essais pathographiques d’Esther Valiquette (Récit d’A, 1990 et Le singe bleu, 1992) et, en utilisant le concept du chronotope du voyage, voir comment l’espace-temps de la maladie trouve une issue dans l’espace-temps de la traversée. En analysant le langage cinématographique des deux essais de la cinéaste québécoise, nous montrerons comment l’espace-temps du voyage se manifeste comme une voix/voie hors de l’emprise du sida sur le corps et l’esprit de la malade, ainsi que ceux de ses interlocuteurs.  

La pratique courante du remake s'avère fascinante. Dans sa plus simple conception, il s’agit d’une adaptation cinématographique qui s’opère au sein du même médium. Diverses raisons motivent cette pratique, que ce soit pour moderniser une histoire (ex: Psycho de Gus Van Sant), la transposer dans un contexte socioculturel différent (ex : Death at a Funeral de Neil LaBute), l’adapter pour un public différent (ex: Mixed Nuts de Nora Ephron d’après le film Le Père Noël est une ordure) ou pour revisiter une œuvre culte (ex : King Kong de Peter Jackson). Parfois, comme ce fut le cas avec Hitchcock ou Haneke, un réalisateur décide de refaire un de ses films, mais différemment. Comme le souligne l'auteure Raphaëlle Moine, il y a une différence à faire entre remake et nouvelle adaptation, surtout en ce qui concerne l’achat des droits. On n’a qu’à penser au débat autour du film Diabolique (1996) de Chechik. Celui-ci était-il un remake du film Les diaboliques (1955) de Clouzot ou une nouvelle adaptation du roman de Boileau-Narcejac ? En opérant une analyse du processus d’adaptation et en soulignant la spécificité du remake, nous tâcherons de lever le voile sur cette pratique à la fois populaire et problématique. 

Le cirque contemporain est un art de la scène relativement récent et qui est l’objet de nombreuses recherches du point de vue du théâtre, de la danse ou encore de la sociologie et de la kinésiologie. Cependant, le champ de recherche reste largement inexploré du point de vue de la musique – qui occupe pourtant une place prépondérante dans ses productions. Comment le travail de création musicale se déroule-t-il au cirque contemporain? Cette communication s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche à la maîtrise en sociomusicologie et s’appuie sur des données qualitatives provenant de onze entretiens menés auprès de compositeurs professionnels et d’étudiants de l’École national de cirque de Montréal. Si le compositeur doit travailler conjointement avec le metteur en scène et le chorégraphe pour « faire la musique » au cirque contemporain, il s’agit de mettre en lumière ce travail de création musicale dans sa dimension collective et où la réussite de la collaboration dépend de la faculté des créateurs à se faire comprendre et à négocier leurs choix artistiques. Cette recherche s’appuie essentiellement sur le cadre théorique de l’interactionnisme symbolique qui s’avère être fertile pour penser la création musicale au cirque. Cette communication fera état des conclusions de cette recherche et mettra de l’avant des dynamiques récurrentes dans le processus de création où les créateurs agissent de manière à augmenter les probabilités d’un travail efficace et harmonieux.

Les chercheurs, comme les responsables d’organismes culturels le savent, « le principal réservoir de public est le non-public » (Jacobi et Luckerhoff, 2009 : 13), soit « ces personnes en situation, à l’instant t, […] de non-contact avec un objet culturel donné » (Ghebaur, 2013 : 1). Au Québec, la démocratisation de la culture est une finalité étatique établie (MACQ, 1992) et il est désormais explicite que la culture doit agir en tant que levier économique (MCCQ, 2018). De fait, les organismes culturels, dont les structures de financement dépendent souvent de fonds publics, accordent une importance particulière aux enjeux de fréquentation. 

Cette présentation permet d’aborder l’étude communicationnelle des raisons pour lesquelles 466 individus demeurant en Mauricie n’ont pas fréquenté depuis au moins cinq ans des organismes établis dans cette même région. Notre analyse inductive (Corbin et Strauss, 2015) des discours collectés lors d’entretiens individuels et de groupe nous permet de constater que les raisons de ces non-publics sont générées par quatre processus dissuasifs: 1- une reconnaissance difficile des identités culturelles des organismes, 2- une mise en comparaison entre les organismes et les pratiques culturelles qu’ils valorisent menant à la perception d’un faible lien, 3- une tentative d’appariement identitaire échouée avec une image fantasmée des publics des organismes, 4- une relation paradoxale conférant à la proximité physique une distance symbolique.

Depuis 1950 approximativement, le musée d'art moderne et contemporain présente de la performance, discipline qui annonce l'obsolescence de l'objet et réclame la reconnaissance d'un art comme action. Ne se limitant plus à créer des objets matériels, les artistes proposent des séries d'actions intrinsèques en entretenant des relations singulières avec le public. L'intégrité de la pratique dépend alors de son authenticité ; d'une présentation non répétée, ni simulée, et encore moins déléguée. 

La performance, d'emblée utilisée pour contester l'institution et l'industrie culturelle, a positionné le musée face à diverses contradictions, à l'encontre de l'interrelation de ses pouvoirs politiques, théoriques et esthétiques. Toutefois, ces dissonances ont provoqué des modifications - adaptations - radicales. En effet, depuis 1990, la performance se destine au musée par des modes de transmission précis assurant son itération alors que les artistes réfléchissent leurs actes pour celui-ci. 

Affirmant que la muséalisation est l'ensemble des activités de sélection, de théorisation et de présentation qui octroie à un objet un statut muséal, cette communication questionne de quelles façons des propositions artistiques qui n'ont pas de matérialité intègrent les collections institutionnelles et par quelles stratégies la diffusion de celles-ci est assurée. Les solutions, encore conjecturales, résultent de corpus d'oeuvres bien spécifiques ainsi que de procédés à déceler et révéler. 

Dans son Discours antillais, Édouard Glissant élabore le concept de non-histoire : à la Caraïbe française, le passé non intégré à la pensée collective hante le présent en tant que réminiscence fantomatique. La littérature antillaise tente de figurer cette absence de la mémoire collective. Au sein d’une tendance contemporaine de cette dramaturgie, l’espace intimiste instauré au cœur du rapport scène-salle apparaît comme une pierre angulaire du travail de mémoire. Chez l’auteure dramatique martiniquaise Pascale Anin, la mise en drame du passé fait revivre le traumatisme. Sa pièce Les Immortels (2009) rejoue un épisode traumatique individuel dont le poids symbolique résonne avec le passé collectif. La présence fantomatique d’un enfant noyé permet de mettre en scène la hantise d’un passé traumatisé tout en redéfinissant le schéma d’une communication théâtrale triangulaire où le spectateur est impliqué au sein du travail de réparation.

Appuyée par les théories de l’affect et du traumatisme, cette communication proposera une analyse dramaturgique de la pièce Les Immortels afin de mettre en lumière un dispositif où lequel les personnages n’ont pas directement accès à leur mémoire traumatisée, si ce n’est qu’à l’aide du travail émotif d’un autre, spectateur. L’analyse permettra de comprendre de quelles manières l’expérience affective du spectateur permet que le théâtre soit, selon les mots de Glissant, « l'acte par lequel la conscience collective se voit » (Le Discours antillais 85).

Que ce soit à l’écrit ou dans un film, la reconstitution authentique d’un événement historique relève de l’impossibilité. Cette communication cherchera à cerner les limites de la reconstitution historique dans le récit cinématographique de fiction dans le but d’en comprendre les véritables enjeux. La démonstration des limites et des enjeux du film historique se fera en étudiant l’approche spécifique de deux réalisateurs, à savoir Pierre Falardeau et Michel Brault. L’objectif est d’analyser la façon dont les deux réalisateurs conceptualisent et rédigent leur scénario à partir de documents historiques (journaux personnels, livres d’histoire, etc.), la façon dont ils mettent en images le passé et quelles sont leurs véritables intentions dans cette entreprise. Ainsi, ce sera plus particulièrement la reconstitution historique au sein du cinéma québécois dont il sera question ici – le film historique québécois demeurant un champ de recherche peu exploré. Nous croyons donc être en mesure de démontrer que la mise à jour de l’approche des réalisateurs va révéler les limites de la reconstitution (impossibilité de tout savoir, évolution de la langue et des mentalités, restrictions budgétaires, etc.) en même temps que ses tenants et aboutissants (recherche d’authenticité, nécessité de la fiction, regard sur le présent par le passé, etc.). Cette nouvelle approche ne se réduit pas à identifier les anachronismes comme le fait si souvent la critique cinématographique.

L’avènement de l’art contemporain a engendré de nouvelles pratiques artistiques où les œuvres ne sont pas forcément conçues comme des objets uniques et pérennes, mais plutôt comme des constellations d’éléments hétérogènes, métamorphosables et parfois même délibérément éphémères. Or, malgré la relative instabilité de leurs modalités de conservation et d’exposition, ces productions artistiques ont néanmoins intégré les collections muséales. À l’aide de trois études de cas, nous verrons que la survie de ces œuvres « non conventionnelles » dans le musée dépend du maintien d’un équilibre souvent fragile entre création et médiation, puisque l’artiste et l’institution sont désormais appelés à collaborer afin de développer des formes de communicabilité nouvelles et mieux adaptées aux spécificités de l’art contemporain. Nous verrons également que le maintien de cet équilibre peut se manifester de plusieurs façons et que chacune d’elles influence différemment la conservation, l’exposition et la réception des œuvres.

 

L’objectif de cette présentation n’est pas de poser un jugement, bon ou mauvais, sur l’une ou l’autre des stratégies qu’il est possible d’employer afin de préserver et d’exposer les œuvres à caractère éphémère. Il s’agit plutôt d’analyser les raisons, à la fois idéologiques et pratiques, qui orientent le choix de ces stratégies et de tenter d'évaluer leurs impacts sur les œuvres, tant au niveau de leur apparence que de l’expérience esthétique qu’elles sont censées susciter.

Comment savoir, à l’écoute de quelques notes seulement, si l’on entend John Coltrane, Michael Brecker ou Chris Potter? Au-delà des paramètres compositionnels notables sur partition, les paramètres « performanciels » (Lacasse 2006) caractérisent l’ensemble du jeu d’un instrumentiste. Ces paramètres, liés à l’expression du musicien, sont transmis par les « gestes sonores » — les micro-variations du timbre ou de la hauteur des notes, les inflexions, les effets, etc.—en d’autres mots, la façon dont les notes sont jouées. À cet égard, le jeu des saxophonistes ténors s’avère idéal pour observer ces gestes. Ce projet développe un nouvel outil d’analyse qui permet de mettre en évidence les gestes sonores contenus dans les improvisations jazz au saxophone ténor. Selon une approche de recherche-création (Stévance & Lacasse 2013; 2017), la modélisation de plusieurs improvisations à l’aide d’un spectrogramme a permis de faire ressortir les paramètres performanciels constituant, selon nous, le son particulier d’un musicien. Ici mené en tant que chercheur-créateur, ce projet profite des diverses interactions entre mes propres créations et la démarche de recherche, transformant l’un et l’autre en cours de projet.  Cela permet de déterminer mon propre «sonostyle», c’est-à-dire l’ensemble des gestes sonores contenus dans mes improvisations, selon une approche à la recherche à la fois incarnée et intellectuelle.

Le projet de recherche CINÉPROF (2019-2020) avait comme objectif de questionner des enseignants du secondaire qui intègrent le cinéma à leur curriculum. Cette recherche visait à répondre à trois questions sur leur enseignement du cinéma : 1) quelles connaissances et compétences enseignent-ils?  2) comment l’enseignent-ils? 3) dans quelles conditions l’enseignent-ils? Outre ma thèse doctorale (Martin, 2019), il n’existe aucune recherche sur l’enseignement du cinéma dans les écoles secondaires québécoises. Dissimulé dans des cours optionnels aux appellations diverses, le cinéma ne laisse aucune trace dans les statistiques du MEES. Cette recherche met donc à jour une part invisible du curriculum « réel » de l’enseignement au Québec. Cette recherche a été menée grâce à des outils quantitatifs et qualitatifs. Sur 83 participants, 75 ont répondu à un questionnaire à choix de réponses et 17 ont participé à un entretien individuel semi-dirigé ou à un groupe de discussion centrée. Le questionnaire nous a permis entre autres de connaître la formation initiale des enseignants, leur matériel technologique et pédagogique, leurs contenus disciplinaires et leurs approches didactiques. Les entretiens individuels et les groupes de discussion centrée nous ont permis de connaître les raisons qui les poussent à intégrer le cinéma dans leurs cours, leurs défis pédagogiques et techniques, leurs besoins de formation et de matériel pédagogique et leur vision de l’avenir de l’enseignement de cet art.

Penser individuellement, c’est faire écho à soi-même, c’est faire abstraction de l’incontestable biodiversité dans laquelle nous sommes circonscrits. C’est précisément, la raison pour laquelle l’idée de penser-ensemble est à son apogée, notamment en ce qui a trait à la recherche scientifique. Ainsi, s’annonce un retour en force de et à la communauté comme étant un lieu fertile de réflexion collective. Toutefois, comment une conceptualisation « in-substantielle » de la communauté, telle qu’esquissée par Roberto Esposito1,  peut-elle contribuer à l’élaboration d’un modèle actuel de communauté à l’instar de celle de designers ? En vue de répondre à cette question, nous allons entamer notre réflexion par un examen de la thèse d’Esposito en pointant, d’un côté, sa divergence de la philosophie immanente et politique, de l’autre sa convergence à une pensée « impolitique » de la communauté, tout en développant le cadre épistémologique qui enveloppe et redéfinitl’essence même de ce paradigme qui est la communauté. Ensuite, il importe de revenir brièvement sur les grands axes de l’évolution de la pensée de la communauté afin que nous saisissions la corrélation entre les arguments étymologiques avancés par Esposito et la perception déconstructiviste qu’il postule. Enfin, nous illustrerons la décentralisation ontologique de la communauté qu’opère cette démarche à travers l’exemple de la communauté des designers.

1 Esposito, Reberto (2000), Communitas : origine et destin de la communauté...

Depuis le Romantisme, la littérarisation du récit de voyage crée un monde de fiction au nom du déjà-vu qui exclut la répétition épistémique. Au XXe siècle, les voyageurs luttent, en réaction, pour le réel, et font intervenir le paradigme documentariste. C’est le cas dans le livre de Paul Morand intitulé New York qui allie romanesque et histoire, tout en décrivant une réalité urbaine d’une manière objective, géographique et psychologique, et ce, dans une perspective historique. Il en résulte un récit de voyage éclaté, un roman composé et composite, oscillant entre livre d’histoire et roman. Ces ingrédients contradictoires nous poussent d’abord à nous demander s’il y a une littérarisation de l’histoire, puis à nous interroger s’il n’y a pas plutôt une historisation de la fiction. En fait, c’est l’interaction qui se produit entre le discours historique et le discours littéraire afin de générer un nouveau savoir qui nous intéresse. L’objectif est donc d’examiner les modalités de cette tension entre deux discours antithétiques et de montrer qu’il est impossible de trancher pour l’un de ces deux modes d’appréciation du réel. C’est la raison pour laquelle nous nous demanderons si New York de Paul Morand permet de construire des connaissances et s’il véhicule une réalité digne de véracité. Afin de répondre à ces deux interrogations et afin de montrer que l’histoire et la fiction sont complémentaires, nous aborderons le roman sous l’angle de l’histoire littéraire et de l’imagologie.

Dans cette communication, nous examinons les représentations de l'oral dans la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, cette oeuvre met en récit des personnages issus d’époques, de lieux et de milieux différents offrant ainsi une vaste palette à la représentation du français. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous verrons l’apport de la cohabitation textuelle de plusieurs variétés de français (hétérolinguisme, Grutman, 1997) dans la composition du cadre diégétique. Compte tenu des difficultés de représentation d’une oralité datant du 18e siècle, nous interrogerons la relation de l’oral à l’écrit ainsi que la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, prononciation, grammaire) nous exposerons les stratégies de différenciation entre divers groupes de personnages. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : quel est l’impact de la représentation des diversités langagières dans la composition d’un récit ? En quoi l’oral est un indicateur du  cadre diégétique ? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? Enfin, en gardant à l’esprit le souci de réalisme historique de la série, nous examinerons la manifestation des divers « effets de langue » (Gauvin, 2000) à l'oeuvre.

L’acte de manger est mis en scène avec insistance dans l’univers télésériel américain, qu’on pense aux nombreux personnages de chef, de Monica Geller (Friends) à Sookie St. James et Luke Danes (Gilmore Girls). Si des ouvrages d’Anne Martinetti (2007, 2008) ou de Christopher Styler (2007) recensent les recettes évoquées dans certaines séries populaires, peu de chercheurs ont encore choisi l’aliment comme fil d’Ariane pour explorer ce corpus contemporain. Lors de cette communication, qui s’inscrit à la croisée des études télévisuelles et des études sur l’alimentation, je m’intéresserai à la représentation de la nourriture (et de la mort) dans la série Pushing Daisies de Bryan Fuller (2007-2009, ABC), où le pâtissier Ned possède la singulière aptitude de ramener à la vie les êtres, bêtes et végétaux qu’il touche, ce qui lui permet de cuisiner des tartes aux fruits toujours frais et d’élucider des meurtres avec ses compagnons Emerson Cod et Charlotte Charles. Je montrerai que, dans ce « conte de fées médico-légal » à l’esthétique visuelle singulière, où les protagonistes oscillent entre l’hésitation et la prise de risque (Butcher, 2012), la nourriture est associée à un passé heureux perdu, est au cœur du quotidien des personnages excentriques qui gravitent autour du Pie Hole, devient offrande, monnaie d’échange ou source de réconfort, et constitue une interface entre le monde, Ned et Chuck, qui ont du mal à tisser des liens avec autrui à cause du don secret du pâtissier.

Le couple de Chimène et de Rodrigue, chevalier espagnol connu comme le « Cid Campeador », est associé à jamais dans l’imaginaire culturel occidental. Notre thèse doctorale (en rédaction) compare le personnage de Chimène dans deux pièces-phare de la littérature espagnole, d’abord « Las mocedades del Cid » de Guillén de Castro (1618) puis « Anillos para una dama » d’Antonio Gala (1973), créées dans deux périodes d’intense activité intellectuelle, le Siècle d’Or et la fin du franquisme.

L’objectif de la communication est de brosser un bref panorama de la représentation de Chimène en partant de l’œuvre-charnière qu’est la pièce de Castro. Les œuvres du Moyen-Age (comme la chanson de geste du « Poema de Mio Cid » ou les poésies populaires du « Romancero ») nous présentent une Chimène qui, si elle fait preuve de tendresse envers son mari, ne l’aimait pas forcément avant de l’épouser. Pour enrichir la portée dramatique de sa pièce, articulée entre les thèmes de l’honneur et de l’amour, Castro imagine, en 1618, une inclination mutuelle entre les deux jeunes gens. Cette innovation immédiatement reprise par Corneille dans « Le Cid » (1637) pose un jalon capital pour la postérité du personnage. La thématique romantique reprise, entre autres, par Massenet pour son opéra « Le Cid » (1884) et Anthony Mann pour son film « El Cid » (1961), sera plus tard démystifiée par Antonio Gala qui remettra en question le portrait d’une Chimène amoureuse.

Humecter le mur du musée avec un drap ensanglanté, tremper des billets de bolivars dévalués – la monnaie vénézuélienne – dans un mélange d'eau et de sang, fixer les billets sur le mur. Cinq femmes migrantes originaires du Venezuela et vivant à Palma, en Espagne, ont collaboré à la performance de «Sobre la sangre» (2020) au musée Es Baluard. Pendant leur prestation, les visiteurs pouvaient leur parler. En travaillant avec cette mixture sanglante provenant d'une scène de crime vénézuélienne, l'artiste mexicaine Teresa Margolles tente de mettre en lumière la crise migratoire humanitaire au Pont International Simón Bolívar dans la zone frontalière entre le Venezuela et la Colombie. Ces questions sociopolitiques d'injustices systématiques et de violence représentent le point de départ de ses pièces performatives destinées à alerter le public. Mon étude de cas explore l'implication de l'audience, elle considère le participant comme un «witness» (responsable) oscillant entre «storyteller» et spectateur passif (Lepecki). En s'appuyant sur des théories à la relationnalité et aux spectateurs de l'histoire de l'art et des études de performance, cette recherche offre un aperçu préliminaire de la conceptualisation des modes «participatifs» de réception de la performance, ainsi qu'une réflexion critique sur le potentiel de transformation inhérent, confrontant le public («occidental») à sa propre complicité dans de tels scénarios: dans quelle mesure auriez-vous du sang sur les mains?

Parmi l’œuvre abondante et diverse de Marguerite Duras, ce sont sans doute les écrits journalistiques de l’auteure qui ont le moins été étudiés. Si la critique a quelque peu délaissé cette part de l’œuvre durassienne, l’écrivaine elle-même affichait un désintérêt non dissimulé à l’égard de ses écrits journalistiques (rassemblés principalement dans Outside et Le Monde extérieur), leur préférant son entreprise littéraire. Et pourtant, la lecture des articles de Duras permet de mesurer le degré d’implication de l’écrivaine dans l’actualité de son époque, d’autant que cette dernière jouissait, à titre de chroniqueuse, d’une liberté considérable quant au choix de ses sujets et au traitement de l’information. À cet égard, il apparaît tout à fait intéressant de se pencher sur les procédés déployés par l’écrivaine (recours à l’ironie, fictionnalisation, etc.), qui semblent autoriser à replacer Duras dans une tradition de l’écriture journalistique «au féminin», dans le sillage de femmes journalistes du 19e siècle telles que Marguerite Durand ou Séverine. En privilégiant une approche centrée à la fois sur le texte et son contexte, nous étudierons donc cette question complexe de l’écriture journalistique dite «féminine» et nous nous interrogerons sur sa résonnance avec la question de l’engagement de l’écrivaine dans une situation sociopolitique donnée. Sous cet angle, l’œuvre journalistique durassienne, encore peu étudiée, se présente de toute évidence comme un riche terrain d’analyse.

Depuis les fondations historiques des disciplines sociologiques/anthropologiques, la problématisation des rapports d'échange symbolique entre les chercheur-e-s et leurs informateurs  en terrain ethnographique s'est constitué comme un lieu commun de la réflexion épistémologique et méthodologique. En effet, dans l'épreuve de la collecte des données, ce rapport s'institue comme une dialectique essentielle à l'intérieur de laquelle se cristalise une économie  de la confiance pour que soient donné les clefs de compréhension de l'objet qu'il/elle se donne à saisir. Mais qu'en est-il de cette relation  entre chercheur-e/informateur  quand on pratique une sociologie idéative, c'est-`a-dire une sociologie qui travaille le discours non pas à partir d'une prise de parole directe des enquêté-e-s, mais d'un discours qui se donne à l'analyse à l'intérieur d'une forme esthétique  spécifique qu'est le texte? L'enjeu de ma communication est alors d'interoger: 1/ le rapport au texte comme forme de terrain; 2/ se demander comment l'objectalité esthétique du texte participe d'un enjeu de méthode dans l'activité d'interprétation et de modélisation du social. C'est donc partant de mon expérience comme chercheure sur le texte que j'entends mettre en exergue la singularité de l'expérience idéative face au texte, singularité qui n'est autre que la conquête d'un étonnement scientifique dans la rencontre empathique entre le chercheur lui-même comme monde d'idées et une proposition esthétique signifiante.

Dans le cadre de cette contribution, nousproposons de rendre compte de notre étude sur le roman de Jacques Poulin Volkswagen Blues en nous penchant sur le conflit des mémoires — coloniales et indiennes — et sur la déconstruction de l’Histoire qu’opèrent les protagonistes dans le récit. C’est avec Le Coeur de la baleine bleue, mais surtout Les Grandes marées, que s’éveille l’intérêt de la critique universitaire pour l’œuvre de Jacques Poulin, ce « Nobel québécois » reconnu de nos jours comme l’un des principaux écrivains québécois contemporains vivant. Auteur clé de l’américanité dont l’œuvre tout entière appartient à la veine du roman minimaliste, Poulin débute sa carrière littéraire en délimitant un espace plutôt restreint à l’intérieur de ces romans. Et si le rêve de l’Amérique commence tranquillement à se faire sentir, c’est surtout avec Volkswagen Blues que Poulin saute le pas et fait traverser la frontière à ses personnages.

Partant, on cherchera à démontrer comment le rêve Américain, toujours vivant, doit être expérimenté afin d’être démystifié, déconstruit et permettre alors à l’écrivain de s’émanciper de son passé historique et personnel et de quitter l’enfance. C’est une fois les héros du passé et de l’enfance destitués qu’il est possible, à partir des différentes rencontres opérées au fil du voyage, de se reconstruire soi-même et de reconstruire l’Histoire de l’Amérique.

On pense souvent que la chosification des femmes dans les médias et l’incitation à donner son opinion est quelque chose qui a commencé avec l’apparition des réseaux sociaux. Mais la recherche menée montre que ce n’est pas le cas. Au contraire, la chosification existe depuis des décennies et les publics, en répondant aux sollicitations des médias, y ont largement contribué.

Au début des années 1930, alors qu’une a débuté une carrière américaine depuis quelques années et que l’autre l’amorce, la presse française et la presse américaine ont exposé les actrices européennes Greta Garbo et Marlène Dietrich comme des rivales, laissant de côté leur qualité de jeu et ignorant leur humanité. Une grande quantité d’articles, publiés en français et en anglais, montrent cette construction, relayée par les journalistes, mais également, par les lecteurs et les lectrices.

En utilisant prenant comme point de départ des articles publiés en 1930 et 1931 dans les revues Photoplay, Pour Vous et Screenland, la chosification de ces deux actrices sera examiné, en appliquer une grille d’analyse influencée par les idéologies et la langue d’aujourd’hui. La manière dont cette construction se développe sera examinée, au niveau du propos, du dispositif et des prises de paroles, notant au passage que ces dernières trouvent souvent leur source sous la plume de femmes journalistes et en interrogeant les traces, dans la presse, de cette rivalité imaginaire.

Principale industrie culturelle québécoise, l'industrie du livre vit des transformations structurantes et fait face à de nombreux enjeux, notamment au regard de la croissance incessante de la production littéraire nationale et étrangère.

Le livre est un bien expérientiel nécessitant qu'une médiation s'opère entre le créateur et son lecteur. Or,  peu d'études ont été menées sur la place que réservent les médias québécois aux oeuvres littéraires, et ce malgré toute l'importance pour une production littéraire d'être recensée par les médias. 

Dans le cadre de ce projet de recherche, je me suis intéressé au recensement des titres de livres qu’ont fait les cinq principaux quotidiens du Québec pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. 

Le projet avait pour objectif d’étudier, quantitativement et qualitativement, le traitement rédactionnel, et donc non publicitaire, des titres de livres, notamment ceux publiés par des éditeurs québécois, dans les principaux quotidiens du Québec.

La cueillette des données a été réalisée par la lecture de chacune des pages publiées par les quotidiens à l’étude pendant la période visée.

Enfin, dix indicateurs ont été développés afin d’analyser la place réservée au livre dans les quotidiens à l’étude. Les résultats présentés le seront à l’aide de ces dix indicateurs, notamment celui de la part des titres recensés qui sont des titres publiés par les éditeurs québécois ainsi que celui de la part des titres recensés selon le genre de livre.

Au Québec, la place du livre numérique (LN) était assez marginale si on la compare à celle dans d’autres pays et à d’autres pratiques culturelles (Labrousse et Lapointe, 2021). Est-ce que la pandémie a changé les pratiques d’emprunt à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)?

Nous avons analysé les données sociodémographiques des abonnés, les données d’emprunt ainsi que celles liées aux livres provenant de trois sources : BAnQ pour les livres physiques (texte et audio sur CD) et les deux principales plateformes d’emprunt numériques de BAnQ, soit Pretnumerique.ca et OverDrive pour les LN.

Nous présentons les grandes tendances (résultats finaux), notamment la montée de l’emprunt des LN et la diminution des emprunts de livres physiques, l’intérêt croissant pour le livre audio et l’augmentation de l’emprunt dans la plupart des régions du Québec à l’exception de Montréal. Nous comparons ensuite trois profils d’emprunteurs : ceux qui font exclusivement des emprunts papier, exclusivement des emprunts numériques et ceux qui font les deux, que nous appelons les emprunteurs hybrides. Un des constats indique que plusieurs abonnés empruntent des livres papier ou numériques uniquement : environ 10 % seulement font les deux types d’emprunts. Ce sont majoritairement des femmes, elles empruntent plus de livres que les autres types d’emprunteurs et sont de grandes lectrices. Nos résultats montrent aussi des différences entre les trois types d’emprunteurs selon l’âge, le sexe et les pratiques d’emprunt.

Cet exposé nous ramène en 1967, au Festival Sigma de Bordeaux, où la compositrice Éliane Radigue assiste Pierre Henry pour un concert où les auditeurs sont invités à se coucher pour écouter la Messe de Liverpool. De son poste d’assistante et sans que rien n’y paraisse, Radigue, profitant de la précarité offerte par le contexte d’une performance, décide de changer complètement l’œuvre de Henry : ce qui était censé être une pièce bien définie par des sections de silences devient tout à coup une pièce en continu, sans coupure. Ce geste, qui « brise les silences » et avec lequel Radigue devient « audible », est rendu « inaudible » par l’absence totale de commentaire de la part de Henry : pour les années à venir, le public qui assiste à l’événement et la presse qui en fait la couverture ne peuvent se douter que Henry ait perdu le contrôle de son œuvre, et que cette musique surprenante ait quelque chose à voir avec la petite assistante. M’appuyant sur mes propres rencontres avec la compositrice, je m’intéresse à la double présence – audible/inaudible, visible/cachée – de Radigue au sein du festival Stigma, et à ce que cette dualité indique sur le pouls d’un festival qui se veut provocateur et d’avant garde. Portant ainsi une attention particulière au contexte historique et social du festival, je propose de comprendre l’intervention de Radigue comme étant motivée par un désir esthétique profond plutôt que par une envie de contester la position secondaire à laquelle est reléguée.

 

Banat Al-Riyyad (2005) de Rajaa Al-Sanea a connu un grand succèss international. Traduit en plusieurs langues, il a suscité une importante couverture dans les médias internationaux, comme The New York Observer, The Observer, et Paris Match. Les critiques éditoriales du roman racontent une autre histoire. Elles lamentent presque unanimement la médiocrité littéraire du roman, mais applaudissent l’écrivaine pour avoir ouvert une fenêtre sur la société saoudienne. Le roman fut aussi le sujet de plusieurs articles par la traductrice, Marilyn Booth, dont la traduction anglaise fut considérablement révisée par l’écrivaine et les éditeurs. Ces articles se sont ajoutés au paratexte du roman et, en tant que tel, jouent un rôle dans la médiation du texte au lecteur cible. La traduction et la réception de Banat Al-Riyyad en Occident soulèvent des questions : quels sont les paradigmes qui sous-tendent la réception de la littérature féminine arabe en Occident ? Comment l’écrivaine arabe est-elle appropriée et reconstruite à travers ses écrits dans un contexte transnational déjà saturé de stéréotypes ? Et l’écriture comme geste de résistance peut-elle transformer la femme arabe d’un objet du regard masculin occidental à un sujet agissant ? S’inspirant d’une interprétation féministe de l’orientalisme, et utilisant l’analyse critique du discours, l’article examine ces questions en analysant les traductions anglaise et française du roman de Sanea ainsi que son paratexte.