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« La mère porte le fils de l’homme, la sainte lave les péchés. La putain baise la lie de l’humanité. » (Delorme 84). La protagoniste rappelle ici les multiples facettes de la femme : Aimée et aimante, serviable et asservie, elle est à la fois objet et sujet de la sexualité, comme si son genre ne pouvait dépasser son sexe. Cependant, l’auteure, Wendy Delorme (1979*), n’entend pas réaffirmer simplement ces trois visages. A travers son roman (2012), elle raconte la (pro-)création de son futur enfant à qui elle s’adresse directement. Jouant non seulement du « je », elle ajoute un « tu » qui, pas encore né.e, vit déjà à travers Berlin, Paris ou encore Helden. Il s’agit ainsi moins de décrire l’enfantement et la grossesse que de perturber la normativité des trois visages : La femme ne porte pas l’un ou l’autre. Elle se masque de tous pour démasquer une société binaire, laissant à son « presque-garçon » le choix du genre peu importe son sexe. C’est là tout l’intérêt de ce dialogue qui veut apporter un nouveau savoir à cette société : celui de la non-importance du genre. La protagoniste semble également renaître à travers cette intro-/extrospection, se libérant des catégories. Le roman de Delorme soulève donc la question de la perturbation des normes par la renaissance de son personnage principal. Je présenterai la déconstruction des trois visages donnés à la femme (genre et corps) dans le but d’en relever la signification en deux temps : celui du dialogue et celui de la renaissance.

Dans les études vidéoludiques, on avance que certains jeux vidéo faillissent à leur devoir en créant une relation amorale avec le joueur, notamment par l'exploitation d'une pensée strictement stratégique qui ne se réfère qu'aux règles du jeu (e.g. Sicart 2013; Ryan et al. 2016). On propose alors de sophistiquer les designs de jeu afin d'engager moralement le joueur, par exemple en y intégrant des dilemmes éthiques (Zagal 2009). Mais on modélise du même coup un joueur dont l'activité ne repose que sur sa froide raison et son jugement impartial, ce qui ne correspond pas à sa réalité expérientielle. Le joueur s'investit émotionnellement en jeu pour atteindre des résultats valorisés (Juul 2005; 2013). Il développe des préoccupations pour sa progression en jeu et pour des personnages qu'il côtoie (Perron 2016). Ces remarques indiquent qu'il faut contextualiser l'expérience morale du joueur en tenant compte de ses projets et émotions. La présentation aura pour but d'évaluer le rôle de l'émotion dans l'engagement moral et ses compatibilités avec la raison pratique. Elle mettra de l'avant les forces motivationnelles et heuristiques des émotions morales, telles que discutées en philosophie (De Sousa 2001; Greenspan 2010), en psychologie (Tangney et al. 2007) et en études cinématographiques (Carroll 2010). Elle défendra l'idée que le joueur vertueux, tel que compris par Sicart (2009), doit vivre les émotions proposées par le jeu pour entrer dans un dialogue éthique avec celui-ci.

Marguerite Duras est une auteure française dont l’œuvre bénéficie d’une large diffusion et jouit d’une grande reconnaissance. De très nombreuses études ont déjà été réalisées sur les textes, le théâtre et le cinéma de l’écrivaine. Pourtant, il est pour le moins surprenant de constater que les chercheurs n’ont que très rarement porté leur attention sur les écrits journalistiques de Duras, considérés extérieurs à son œuvre. Tout au plus ces derniers ont-ils servi à appuyer l’argumentaire de certaines études, par exemple en attestant de l’engagement, au sens sartrien du terme, de l’écrivaine. Cependant, au lieu de situer ces articles dans les marges de l’écriture littéraire durassienne, comme l’y invitent les titres des deux recueils qui les accueillent – Outside et Outside 2 –, il importe de les considérer comme partie intégrante d’un corpus littéraire. À ce titre, nous proposons de renverser la tendance en plaçant les écrits journalistiques au centre de nos préoccupations. Avec une approche centrée sur le texte, nous étudierons la manière dont les articles de Duras répondent aux exigences du genre journalistique tout en ayant recours à des procédés de narrativisation et à un style poétique qui les dotent d’un caractère indéniablement littéraire. Notre démarche permettra non seulement de mettre en valeur un corpus longtemps délaissé, mais aussi de jeter un nouvel éclairage sur une œuvre abondamment étudiée et dont il reste de toute évidence encore beaucoup à dire.

La Revue canadienne est une revue savante et littéraire, publiée entre les années 1864 et 1922. Elle est financée par Eusèbe Senécal, un jeune imprimeur-éditeur de Montréal, fondateur et propriétaire de cette publication. Le premier comité de direction (ou rédaction), est composé de 10 membres qui assurent le programme éditorial. Dès le début de l’aventure, les objectifs du comité et du propriétaire de la revue sont très clairs: mettre en place un organe de diffusion qui servira autant la cause de la littérature et des connaissances dites morale que celle de l’édification d’une conscience nationale francophone en Amérique. Le programme est ambitieux.

 

Pour cette communication, je présenterai la première décennie de la Revue canadienne, de 1864 à 1874, qui correspond  aux années où Eusèbe Senécal en est le propriétaire. Dans un premier temps, j’exposerai les sources consultées pour la réalisation de cette recherche. J’expliquerai ensuite le contexte historique dans lequel prend forme et évolue ce périodique, l’approche éditoriale de son comité de direction ainsi que l’administration de la revue. Enfin je brosserai un tableau des nombreux auteurs qui ont collaboré à la Revue canadienne pendant cette période.

De 1919 à 1921, la Société de Folklore d’Amérique, Section du Québec, organisa des « Veillées du bon vieux temps » à Montréal. It s’agit de la mise en scène d’une veillée rurale idéalisée. Les buts : susciter l’intérêt du public à l’égard du folklore et inciter les compositeurs à créer une nouvelle musique « nationale » (Barbeau et Massicotte, 1920 ; Willis et Kallmann, 2007).

Cette communication démontre les liens entre ces « Veillées » et des courants littéraires et linguistiques par les trois propositions suivantes:

1. Au début du XXe siècle, le répertoire du folklore se définirent comme suit: des chansons, des légendes et des contes, de la musique instrumentale (surtout au violon), et de la danse (sets carrés et/ou gigue). Le folklore lui-même se définirent comme porteur des survivances culturelles de la Nouvelle France.

2. Par contre, au milieu du XIXe siècle, seulement les formes d’expression textuelle (chansons, légendes) se servaient de synecdoques pour l’identité canadienne-française. La musique instrumentale et la danse s’y ajoutaient au tournant du XXe siècle, comme en témoignent plusieurs essais, romans et poèmes (Faucher de Saint-Maurice, 1879 ; Legendre, 1887).

3. La présentation du répertoire folklorique aux « Veillées » trouve son parallèle dans la présentation littéraire des expressions régionales au début du XXe siècle, y inclus dans les publications de la Société du parler français au Canada et dans la littérature régionaliste (Mercier, 2002 ; Hayward, 2006).

Mon objectif est d’examiner les théories qui ont défini le concept de fiction afin d’expliquer pourquoi la fiction est de plus en plus considérée, de nos jours, comme un acte de communication plutôt que comme un acte de représentation. Si l’on revient aux rhétoriques d’Aristote et de Platon, on remarque que ces dernières reconnaissaient trois genres : le genre judiciaire, le genre délibératif et le genre épidictique. La fiction ne constituait donc pas un discours relié à une situation de communication définie. Elle relevait plutôt de l’art poétique, plus précisément de la représentation. Cette séparation des deux domaines — rhétorique et littéraire/poétique — est moins nette à l’époque actuelle et est sujette à plusieurs ambiguïtés. En effet, en 1982, John Searle définit la fiction comme étant une illocution feinte de type assertif (Sens et expression), et insiste sur la continuité entre le discours littéraire et le discours non littéraire. Plusieurs théoriciens contemporains (Gérard Genette, Dorrit Cohn) ont suivi la même démarche que Searle et ont tenté de définir l’écriture fictionnelle en la comparant à l’écriture référentielle. Cette comparaison entre les deux types d’écriture a rendu peu claires leurs caractéristiques intrinsèques. En appliquant des critères linguistiques à l’étude d’un récit fictionnel, la théorie a contribué à l’ambigüité du concept de la fiction, au lieu de l’expliciter. D’où mon objectif de considérer ce dernier.



Albert Cossery (1913 – 2008), auteur égyptien qui fait « entendre la langue arabe dans le français », a dépeint une Égypte immuable en proie à la corruption et au mensonge. L’auteur s’exprime par la bouche de héros marginaux ou délinquants, des êtres flamboyants pour qui la seule réponse à la comédie du pouvoir est la dérision. Qualifié de visionnaire du Printemps égyptien de 2011, Cossery ne croit pas à la révolution ; il vante la sagesse populaire, mais sa peinture crue du « peuple » cairote lui vaut d’être taxé de cynisme par certains. Ses représentations de la femme, presque invariablement dépréciatives, ont suscité peu de critiques en France – statut d’auteur culte oblige –, mais choqué dans le monde anglo-saxon. En 2009 et 2010, trois œuvres de Cossery ont été traduites en anglais et publiées chez des éditeurs new-yorkais cotés. Les traductrices, enthousiastes devant le style, les intrigues et les personnages, ont pourtant systématiquement adouci, voire partiellement censuré des propos de la narration portant sur les femmes et sur le « peuple ». À la lumière de l’analyse de la réception critique des œuvres de Cossery en France – foyer de la génétique littéraire – et dans le monde anglo-saxon – où domine l’approche postcoloniale –, je montrerai que les traductrices, négociant leur loyauté entre l’auteur et l’institution littéraire à laquelle elles appartiennent, ont tenté de rendre Albert Cossery plus acceptable dans la culture réceptrice en infléchissant sa « voix ».

Il existe un conflit irréductible entre les deux sphères hétérogènes que sont la philosophie et la politique, ce qui amène le philosophe à se questionner sur la manière de se comporter dans une communauté sociale. En fait, trois postures s’offrent à lui. Le philosophe trouve une place dans le monde politique soit 1) en forçant ses interlocuteurs à remettre en question le donné (incitation à la conversion philosophique) ; soit 2) en faisant passer sa philosophie pour une opinion (participation au jeu des apparences pour parvenir à ses fins) ; soit 3) en prenant ses distances (philosophie en retrait). La pensée de Jean-Jacques Rousseau est le chantier idéal pour illustrer et mettre à l’épreuve ces postures intellectuelles. Cet auteur du XVIIIe siècle pratique à la fois la philosophie engagée en dénonçant les absurdités de l’ordre politique (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes), la philosophie rusée en employant la ruse et les subtilités afin de parvenir à ses fins (Contrat social, Émile, La Nouvelle Héloïse) et la philosophie en retrait en choisissant parfois de se tourner vers lui-même comme pour éviter de s’attirer les foudres publiques (Rêveries du promeneur solitaire et Confessions). Plutôt que de voir Rousseau comme un auteur peu cohérent qui semble souffrir d’un dédoublement, voire d’un détriplement, de personnalité, il convient de l’aborder comme un penseur qui possède la souplesse d’adopter le ton philosophique qui convient.

Ma communication présentera les principaux axes de réflexion développés dans le cadre de ma maîtrise en études littéraires, qui porte sur le récit de voyage. Considérant celui-ci comme un carrefour discursif, un véritable montage des genres (Pasquali, 1994), j’ai orienté mon cadre méthodologique selon quelques-uns des principes au cœur de la géopoétique. Développée par Kenneth White, cette approche transdisciplinaire propose de décloisonner les savoirs scientifiques, philosophiques, littéraires et artistiques afin de les réunir en une poétique ancrée dans l’existence. Une lecture géopoétique du récit de voyage ressemblerait donc à une forme de compagnonnage (Bouvet, 2008), puisque les lignes de fuite esquissées par l’écrivain-voyageur sont récupérées par le lecteur, qui reconfigure les traces d’une expérience sensible de la terre et nourrit par le fait même son propre imaginaire du voyage (Onfray, 2007). Je concentrerai mon analyse sur Vagabond des mers du sud (1960), Cap Horn à la voile (1967) et La longue route (1971) de Bernard Moitessier, écrivain-navigateur français du XXe siècle. La critique radicale, l’appel du dehors et le mouvement influencent autant la pratique de l’espace que de l’écriture, et posent en quelque sorte les fondements d’un nouveau rapport au monde. Je terminerai en soulignant la perspective géocentrée qu’adopte l’écrivain-voyageur et en observant quelques repères de l’immensité océanique.

En histoire de la musique médiévale, l’héritage de la civilisation byzantine est, dans les rares cas où l’on s’y intéresse, étudié comme un objet à part, séparément du reste de la matière qui forme le corpus traditionnel sur la musique du Moyen Âge. C’est un fait étrange, alors qu’une recherche plus approfondie nous permet de découvrir que les Byzantins, en plus d’avoir eu une riche production musicale, ont exercé une influence déterminante sur la musique de l’Occident au cours de la période médiévale, et ce dans plusieurs domaines : répertoire, liturgie, notation, théorie, organologie, etc. Cette recherche est une étude de la musique byzantine visant à démontrer l’influence et l’importance de cette dernière sur celle de l’Occident au cours du haut Moyen Âge. C’est un angle d’approche que l’on ne retrouve pas développé en détail dans la littérature sur le sujet. En se basant sur les sources primaires et secondaires (traités théoriques, étude de la paléographie, analyse du répertoire et des instruments), l’objectif est d’offrir une synthèse des influences, des échanges et des emprunts musicaux qu'il y a eu entre la musique byzantine et la musique de l'Europe de l'ouest durant la période s'étendant entre le VIIsiècle et le XIIIe siècle. 

Cette présentation fera état de mes recherches qui portent de manière générale sur la constitution du champ de l’art marginal. Afin de mieux cerner cette notion rarement étudiée en histoire de l’art, je me pencherai sur les processus d’identification, de valorisation et de médiation qui lui sont associés. J’observerai d’abord les moments fondateurs de la valorisation de l’art marginal en Europe, notamment la constitution d’importantes collections, dont la Collection d’ Art Brut, développé en 1945 par l’artiste français Jean Dubuffet, qui permirent l’élargissement des frontières artistiques et la légitimation de cet « art ». En effet, ce dernier s’impose de plus en plus comme un champ d’études autonome, particulièrement en Europe et aux États-Unis. On y constate également une institutionnalisation accrue, dû notamment au phénomène d’« artification », que les sociologues Nathalie Heinich et Roberta Shapiro désignent globalement comme le « processus de transformation du non-art en art ». Tandis qu’en Europe et aux États-Unis la scission entre la culture savante et la culture populaire (ou les arts dits mineurs) semble s’estomper, le Québec et le Canada tardent à l’accueillir. Comment expliquer ce décalage entourant le développement des connaissances sur le sujet et son institutionnalisation? Nous verrons que plusieurs facteurs (valeurs nationales, marché de l’art, etc.) viennent entraver sa diffusion, mais qu’en contrepartie, quelques initiatives favorisent son développement. 

Alors que Jeanne et son amant s’entrelacent, un coup de tonnerre retentit : Jeanne fait un saut alors que son amant ouvre les volets pour voir la tempête. Surprise, il fait soleil, le coup de tonnerre n’était qu’un artifice du spectacle sons et lumières que préparent les cousins de Jeanne. Pourtant, celle-ci ira se réfugier dans une autre pièce du château, comme si la révélation de l’artificialité du coup de tonnerre l’effrayait davantage que ce dernier.

Tel que le remarque Chris Fujiwara, ce qui angoisse les personnages de Georges Franju dans Pleins feux sur l’assassin « c’est l’artificialité de leur environnement, le remplacement d’une présence complète par un signe » (2011, 82) Alors que la transformation du château en espace muséal se fait avec des techniques de pointes pour l’époque, ces dernières s’avèrent doublement trompeuses, métamorphosant les lieux davantage en château hanté qu’en un simple espace d’exposition et de spectacle.

On fera l’hypothèse que cette métamorphose repose en partie sur la médiation cinématographique du spectacle son et lumière, remédiation de la réalité qui déstabilise la perception de celle-ci à la fois chez les personnages du film et chez les spectateurs. Ce sera également l’occasion d’observer comment, à travers cette mise en abîme d’un spectacle fondé sur des techniques, Franju expose une des potentialités magiques de la médiation cinématographique : sa capacité à transformer la nature de la réalité.



Impression III (Concert) est un tableau de Vassily Kandinsky peint en 1911 et désormais conservé à la Lenbachhaus de Munich. Cette peinture, au bord de l’abstraction, représente la première confrontation de l’artiste avec la musique atonale d’Arnold Schönberg lors d’un concert à Munich le 2 janvier 1911. Alors que l’abstraction picturale et la musique atonale ont été largement étudiées dans le milieu universitaire, je propose ici un examen minutieux du tableau de Kandinsky et de deux esquisses préparatoires (Musée national d’Art moderne, Paris) que je rapproche des morceaux joués lors de cette soirée décisive pour l’amitié entre les deux artistes. À l’aide d’études portant sur la réception psychologique de l’atonalité (Fred Lerdahl et Ray Jackendoff, 1983 ; Michel Imberty, 1993), d’articles du début du XXe siècle témoignant de la perception de l’œuvre de Schönberg sur le public de l’époque, et des théories de la mémoire musicale (W. Jay Dowling, Barbara Tillamm et Dan F. Ayers, 2001), je postule que le concert de janvier 1902 n’est pas à proprement parler le sujet d’Impression III (Concert). Cette œuvre relève précisément de la perception sensorielle que Kandinsky en a eu et des souvenirs qu’il en a gardé. Ainsi, dans une perspective de synthèse des arts, la transcription picturale de l’atonalité de Schönberg s’ancre dans une dimension profondément intime et personnelle.

La chercheuse italienne Giuliana Bruno a défini dans son ouvrage Atlas of Emotion (2002) que le corps féminin peut être représenté à travers du concept de maison itinérante. Ce concept donne des lumières à la possibilité de bâtir un nouveau territoire comme espace de représentation de la mémoire des femmes qui sont sorties de ses pays natals pour plusieurs raisons. Ces enjeux de territoire, corps et mémoire peuvent être trouvés dans la littérature de l’écrivaine haïtienne E. Danticat, qui comprend des chroniques, des nouvelles et des romans sur la femme, la diaspora et l’exil. Dans ses ouvres, c’est possible de trouver des signes qui dénoncent comment les femmes sont considérées comme des entités soumises à l’obéissance, à la passivité, à la répression et à la négation du corps.

Dans ce contexte, est-ce que le territoire de narration de Danticat devient un point de convergence de la mémoire? Si oui, est-ce qu’il y a une redéfinition de la subjectivité féminine?

Pour répondre partiellement à ces questions, un dialogue entre la nouvelle Night Women apparue sur son livre Krik? Krak! (1996) et le concept de maison itinérante de Bruno a été établi. De façon générale, ce dialogue permet une analyse qui confirme que ce récit de Danticat donne de la valeur à la subjectivité féminine à travers un discours qui valorise le corps d’une femme comme territoire de mémoire et de discontinuité; contrairement à la structure symbolique patriarcale imposée par l’ordre social.

Le nombre d’emprunts de livres papier est à la baisse, alors que celui des livres numériques augmente (Lapointe, et al., 2023). Un autre type de lecteur est clairement apparu dans un projet subséquent : le « lecteur » audionumérique (Luckerhoff & Lapointe, 2024).  Dans ce projet, nous nous intéressons d’abord aux raisons qui motivent la lecture d’un livre audionumérique (LAN), puis aux mutations provoquées par son format qui permet de « multitâcher » (Goumi & Guéraud, 2023). En effet, la lecture par l’ouïe plutôt que par la vue ouvre sur de nouvelles habitudes de lecture. 

Nous avons animé 34 entretiens qualitatifs (Germain, et al., 2023) avec des utilisateurs de LAN afin de mieux comprendre la place qu’il occupe dans leur quotidien en lien avec d’autres tâches. La lecture faite en même temps qu’une autre activité nuit-elle à l’appréciation d’une œuvre? Est-il possible de « multitâcher » tout en étant concentré sur le livre?

Nos analyses montrent que les utilisateurs de LAN présentent une forte tendance à « multitâcher ». Ils parviennent non seulement à augmenter les moments de lecture, mais aussi à accéder à un plus grand éventail de genres, la facilité de compréhension étant souvent au cœur de leurs choix littéraires. Nous constatons également que le LAN accentue l’accessibilité à la lecture, notamment chez des individus présentant des difficultés d’apprentissage : le LAN leur permet, parfois, de générer des périodes d’hyperconcentration et d’accroître leur productivité.

Dans cette communication, nous espérons montreer que Gadamer et Husserl ne sont pas à opposer, bien que la littérature philosophique se soit efforcée de le faire. L’élève ne s’est pas distancié du professeur, il l’a plutôt lu avec intérêt et respect en s’inspirantmême de sa philosophie. Dès lors, nous espérons montrer que Gadamer est redevable à Husserl, non pas dans le sens que ce dernier est à l’origine de l’herméneutique philosophique, mais plutôt dans le sens que Husserl a réussi à semer les germes de la discipline. Pour ce faire, nous allons mettre en contexte la relation que les deux philosophes entretenaient pour ensuite voir les trois éléments de la philosophie husserlienne que nous retenons et sur lesquels Gadamer semble être en accord : l’intentionnalité, l’horizon (Horizont) et le monde de la vie (Lebenswelt). Avant de conclure, nous montrerons que les conceptions de l’intersubjectivité des deux philosophes semblent incompatibles puisqu’ils ne considèrent pas le rapport à autrui de la même manière. Enfin, nous pensons que la phénoménologie et l’herméneutique gagneraient à voir plus d’études sur les liens entre les deux pères fondateurs que sont Husserl et Gadamer. Ces études ne creuseraient pas l’écart apparent entre les deux disciplines, elles permettraient de comprendre un peu plus l’histoire de la philosophie récente en tenant compte des influences diverses qui ont contribué à la façonner.



La disparition des témoins de l’Holocauste et une plus grande ouverture des fonds d’archives de l’Occupation (1940-1945) en France ont incité des descendants, héritiers de traumatismes transgénérationnels, à commencer leur généalogie. Les documents recherchés sont souvent imprégnés par différentes attributions (répression, anéantissement, réparation, réconciliation). Traversant des temps de constitution, de sauvegarde et de réutilisation, ces documents ont « une portée signifiante qui change en fonction des effets souhaités par les utilisateurs » (Klein et Lemay, 2013, p. 245). Au travers d’un cheminement généalogique personnel et l’étude des dossiers de déportés conservés à la Division des archives des victimes des conflits contemporains, ce projet a pour objectifs de recenser les conditions d’utilisation des archives en contexte généalogique et de décrire les implications de leurs exploitations sur le plan archivistique. Quelles sont les expériences vécues par les généalogistes en matière d’archives et de quelles manières les exploitent-ils? Qu’est-ce que la pratique généalogique est à même d’apprendre aux archivistes et quels rôles peuvent assumer ces derniers dans l’aide à l’exploitation généalogique des archives ? Quelles nouvelles fonctions peuvent être attribuées aux lieux archivistiques? Notre recherche favorisera une meilleure compréhension de l’expérience généalogique des archives pour les archivistes et les usagers tout en ouvrant de nouveaux champs de recherche.

Au Québec, la place du livre numérique (LN) était assez marginale si on la compare à celle dans d’autres pays et à d’autres pratiques culturelles (Labrousse et Lapointe, 2021). Est-ce que la pandémie a changé les pratiques d’emprunt à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)?

Nous avons analysé les données sociodémographiques des abonnés, les données d’emprunt ainsi que celles liées aux livres provenant de trois sources : BAnQ pour les livres physiques (texte et audio sur CD) et les deux principales plateformes d’emprunt numériques de BAnQ, soit Pretnumerique.ca et OverDrive pour les LN.

Nous présentons les grandes tendances (résultats finaux), notamment la montée de l’emprunt des LN et la diminution des emprunts de livres physiques, l’intérêt croissant pour le livre audio et l’augmentation de l’emprunt dans la plupart des régions du Québec à l’exception de Montréal. Nous comparons ensuite trois profils d’emprunteurs : ceux qui font exclusivement des emprunts papier, exclusivement des emprunts numériques et ceux qui font les deux, que nous appelons les emprunteurs hybrides. Un des constats indique que plusieurs abonnés empruntent des livres papier ou numériques uniquement : environ 10 % seulement font les deux types d’emprunts. Ce sont majoritairement des femmes, elles empruntent plus de livres que les autres types d’emprunteurs et sont de grandes lectrices. Nos résultats montrent aussi des différences entre les trois types d’emprunteurs selon l’âge, le sexe et les pratiques d’emprunt.

En 1958, avec la création du Ministère de la Culture, Malraux inaugure une politique de démocratisation culturelle. Celle-ci influencera les musées à plusieurs égards ; on entend rendre accessible au plus grand nombre les chefs-d’œuvre de l’art. La démocratisation se comprend alors comme la volonté d’ouvrir symboliquement le musée aux publics qui n’en sont pas familiers. Les moyens de médiation se déploient dans et autour de l’exposition parallèlement au développement des services aux visiteurs.

Qu’en est-il aujourd’hui de la démocratisation dans les musées d’art ?

En 2006, Jean Caune affirme que la politique instituée par Malraux est un échec partiel. Les travaux de Bourdieu dénonçant l’inégalité des visiteurs face aux œuvres d’art font encore écho. Malgré de nombreux progrès, pourquoi les musées d’art, particulièrement, semblent-ils résister à ce mouvement ?

Pour répondre à ces questions, nous tâcherons tout d’abord de redéfinir le concept même de démocratisation. Il  paraît ensuite intéressant de mettre en perspective les situations française et québécoise car, bien qu’il y ait des similitudes dans l’apparence actuelle des institutions, il s’agit véritablement de deux traditions ou cultures muséales différentes. La mise en œuvre du projet de démocratisation culturelle, de part et d’autre de l’Atlantique, a probablement pris des tournures divergentes. Cette analyse comparative nous amènera peut-être à identifier les obstacles à sa réalisation.

Genre né de la rencontre (imposée par l’exil) au XIXe siècle entre les Garifunas et des populations hispaniques centraméricaines, la paranda connaît aujourd’hui un regain d’intérêt chez les acteurs de la production discographique locale. Depuis son apparition dans les studios d’enregistrement, elle a évolué vers une forme modernisée, faisant appel à des instruments électriques et des procédés de traitement du son caractéristiques des musiques « populaires ». Devenue en 2000 (avec la compilation Paranda; Africa in Central America, produite par Stonetree Records et distribuée par Warner/Elektra) une « musique du monde » sur le marché discographique international, cette nouvelle forme de paranda connaît un succès conséquent dans les palmarès de world music – popularité qui se déploie après coup chez les Garifunas centraméricains, qui redécouvrent un genre jusqu’alors quasiment disparu dans sa version villageoise. 

À partir de l’exemple de la « récupération », à des fins commerciales, d’un genre musical « traditionnel » par un label indépendant centraméricain, cette conférence montre comment un producteur de world music a su se servir du studio d’enregistrement comme d’un outil créatif susceptible de lui ouvrir les portes de l’internationalisation. 

En écrivant Dallaire (2008), un double concerto pour violon, percussion et orchestre, la compositrice canadienne Kelly-Marie Murphy s'est inspirée du traumatisme vécu par Roméo Dallaire à la suite du génocide au Rwanda. Dans une entrevue avec Colleen Renihan, elle explique qu'en se basant sur l'histoire du général, elle a exprimé musicalement le cheminement d'un individu aux prises avec une dépression. Les deux mouvements du concerto, Sorrow et Redemption, évoquent respectivement la chute dans la dépression puis l'éventuelle guérison.

L’œuvre peut toutefois être sujette à une interprétation extra-musicale plus détaillée. J'argue que l'emploi de motifs musicaux au violon lors du premier mouvement représente les pensées obsessives qui hantent le narrateur. Au second mouvement, j'examine la façon dont ces motifs se développent et s'assemblent pour créer des phrases musicales plus complexes. Une analyse formelle de Redemption révèle que ces phrases sont modifiées structurellement au cours du mouvement, de manière à illustrer le rétablissement du narrateur. J'analyse également l'interaction des instruments solistes dans l'oeuvre de Murphy. Le violon incarne le narrateur, tandis que les percussions marquent les transitions entre les grandes sections de l’œuvre. Somme toute, je vise à démontrer comment l'emploi de motifs, la structure des phrases ainsi que l'orchestration de Murphy contribuent à exprimer efficacement le programme de Dallaire.

Paru en 1970 dans L’homme rapaillé, le poème « Sur la place publique » de Gaston Miron a également été lu par l’auteur lors de la célèbre Nuit de la poésie, qui a donné lieu, la même année, au documentaire éponyme de Labrecque. Bien que cette performance (et, de surcroît, son enregistrement audiovisuel) dédouble le mode de transmission du poème (écrit et oral), le texte de Miron, n’ayant pas été composé pour être oralisé, demeure un poème à vocation écrite, c’est-à-dire dont la diffusion, assurée par le support livresque, s’inscrit dans un projet auctorial d’écriture. Ainsi, la vocalisation de « Sur la place publique » ne fait pas de ce poème un texte oral, mais bien un poème écrit, puis lu à haute voix. Cependant, la fabrique même de ce texte contient des indices d’oralité, une voix, qui en favorisent la vocalisation. Prenant appui sur la notion de « voix intérieure » de Marion Chénetier-Alev (L’oralité dans le théâtre contemporain, 2010) et sur les invariants de la poésie orale répertoriés par Paul Zumthor (Introduction à la poésie orale, 1983), mon étude tâchera de dégager l’empreinte d’une voix à même le poème écrit. Se distinguant des gloses existantes sur l’oralité mironnienne qui la réduisent parfois à la langue parlée, mon propos aura pour visée d’analyser, dans l’écriture et par ses moyens, l’oralité comme stratégie discursive mise en place par Miron pour assurer l’efficacité de son énonciation et placer son sujet énonciateur « sur la place publique ».



En partant du phénomène contemporain de l’affluence d’archives privées qui s'intègrent à une mémoire de type public,  auquel se réfère Pierre Nora dans Lieux de mémoire (1992), j’envisage de définir le statut d’archive de deux œuvres hybrides de Christian Boltanski, composées des mots et des images sur des supports variés, Les Suisses morts et La vie impossible de Christian Boltanski, et de les repenser en tant que « lieux » de mémoire artificielle, en fonction des différentes formes d’enregistrement matériel et en tant que littérature.

La transformation de l’archive en œuvre est un phénomène fréquent dans le monde littéraire et artistique contemporain, qui peut être étudié dans une perspective intermédiale.Tout en problématisant le geste d’archiver de Boltanski, je questionnerai d’un côté, son pouvoir de stabilisation de l’archive et d’un autre côté, son pouvoir de la modifier, par la création de l’amnésie.

La grande archive inachevée qu'est l'œuvre entière de Boltanski fonctionne selon les règles de la caducité, qui considèrent l’espace en tant que dispositif réutilisable et le temps, en tant qu'artefact malléable, le livre ouvert, aux pages noires, de La vie impossible, en étant le principe organisateur.

Cette recherche se propose d'intégrer Boltanski dans une perspective littéraire, dont l'auteur se revendique à travers ses textes, qui représentent les noyaux de sens de ses œuvres, et en même temps dans une continuité de pensée qui devance l'apparition du web.

 

 



À l’aube de la Révolution tranquille, Gabrielle Roy écrit De quoi t’ennuies-tu, Éveline?, dont la publication n’aura lieu qu’en 1982. Quelques années plus tôt, Gérard Bessette publie La Bagarre (1958), roman dont le protagoniste, comme Éveline dans le récit de Roy, est enlisé dans une existence terne. Pourtant, alors qu’Éveline parvient sans difficulté à sauter dans l’autobus pour partir à l’aventure, et enchante les autres passagers par ses anecdotes malgré la barrière de la langue, Lebœuf, lui, se retrouve Gros-Jean comme devant à la fin de La Bagarre, préposé à l’entretien de wagons stationnaires, ses ambitions littéraires déçues notamment à cause de son style maladroit. D’une part, la naissance d’un récit, d’autre part, un récit avorté. Pourquoi une vieille dame souffreteuse réussit-elle là où un jeune Rastignac échoue? L’approche narratologique offre des pistes d’analyse intéressantes pour cette comparaison inédite, qui jette un nouvel éclairage sur deux textes en apparence bien différents. En particulier, la description des rapports à la langue et au public révèle un ensemble de facteurs qui, dans un cas, permet à Éveline d’échapper à la grisaille de la vie quotidienne et de frapper l’imaginaire de ses compagnons de route, et dans l’autre cas, étouffe les aspirations créatrices de Lebœuf, le réduisant à un état de soumission placide auquel son nom à consonance bovine semblait le prédestiner.

À l'occasion de l'exposition Chagall, Soulages, Benzaken... Le vitrail contemporain présentée en 2015 à la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris, Véronique David et Laurence de Finance ont présenté un texte réflexif sur la présentation du vitrail lors de manifestations culturelles. Qu'il s'agisse de sa nature, de son rapport à la lumière ou encore de sa distance et de sa position dans un édifice, les deux chercheuses ont montré que le vitrail est un médium qui s'intègre difficilement dans une institution muséale. En revanche, elles ont également proposé certaines solutions comme le détournement temporaire du vitrail de son statut d'art monumental ainsi que son remplacement par d'autres productions à l'instar de cartons ou d'échantillons. Dans cet état d'esprit, le Musée des métiers d'art du Québec (MUMAQ) a inauguré, en janvier 2023, une exposition temporaire consacrée à l'artiste et maître verrière québécoise Lyse Charland Favretti. Placée sous mon commissariat, cette exposition souhaite faire avancer la recherche sur le vitrail contemporain tout en proposant des solutions quant à sa monstration au Québec. Ainsi, cette communication a pour but d'étudier l'engagement du Musée des métiers d'art du Québec dans la valorisation et la présentation du vitrail au sein des institutions muséales québécoises tout en proposant un regard critique sur ma propre expérience de commissaire spécialiste du vitrail à partir d'outils théoriques empruntés, entre autres, à la muséologie.