Dans la planche Atlas, issue du livre La conquête de l’espace. Atlas à l’usage des artistes et des militaires (1975), Marcel Broodthaers transforme la feuille non-coupée de l’édition en affiche. Par ailleurs, dans L'image écrite ou la déraison graphique (1995), Anne-Marie Christin observe que l’écriture, qui avait perdu avec l’invention de l’alphabet, ses attaches sémiotiques à son support, les retrouve à travers la description géographique.
Pour aborder cette problématique, j'adopterai une analyse intermédiale focalisée sur l'idée d'une secondarité dans la littérature et l'art contemporain. Je me situe ainsi dans le sillage d’Aby Warburg qui dans « Divination païenne et antique dans les écrits et les images à l’époque de Luther » (1990, [1920]), met en lumière la réadaptation des « pathosformeln » de l’Antiquité à la Renaissance.
Changer le format des objets – tel que Broodthaers le fait dans Atlas et La conquête de l’espace…, c’est bouleverser de l’intérieur, l’ordre du texte, tout en problématisant la transmission de l’expérience devant la perte d’autorité de la parole littéraire dans la contre-culture des années 1960.
Ainsi l’histoire de la sensibilité de l’homme contemporain peut être complétée avec une étude de l'apparition et de l'évolution de la cartographie, en relation avec la transmission des « pathosformeln » de l'Antiquité par les différents supports des écrits et des images, tel qu’illustré dans Atlas et La conquête de l’espace… de Broodthaers.