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Le rôle de l’architecture dans l’entreprise de propagande nazie a fait l’objet de nombreuses études historiennes dans les années 1970 (Miller-Lane 1968; Leehmann-Haupt 1973; Taylor 1974). Presque trente ans plus tard, le philosophe Miguel Abensour (1997) publie, De la Compacité, dans lequel il dénonce ce qu’il nomme la « stratégie de la disjonction » qui consiste à parler de l’aménagement du territoire nazi sans jamais y inclure les lieux de ses atrocités, les ghettos et les camps d’extermination. L’historien R.J. van Pelt (1991) affirme qu’il est courant dans la littérature « to commit these flimsy and shoddy buildings to the garbage -heap of architectural history». (Aussi, Jaskot 2000; Cole 2003).

Est-ce que la rareté de la littérature unissant l’architecture et les camps est à mettre en lien avec les thèses de la neutralité de la technique, celle-ci dépourvue de symbolique et de « sens » ? De la neutralité de l’architecte, dissociant sa création de son utilisation ultérieure? L’historiographie a abondamment traité des camps et des atrocités qui s’y sont commises. Pourquoi n’existe-t-il pas une histoire proprement architecturale des camps nazis? Serait-elle susceptible d’informer davantage de la nature du régime totalitaire nazi, et plus largement de la difficulté de nommer l’horreur?

Voilà quelques-unes des questions auxquelles se propose de réfléchir cette communication, en participant du questionnement sur l’art, l’architecture et le politique, le dicible et l’indicible.

L’industrie de la mode québécoise produit 300 000 tonnes de déchets par année (Mutrec, 2020) et aucun palier gouvernemental n’offre actuellement de solution au recyclage textile (Recyc-Qc, 2021). À la lumière de cette problématique, Trame circulaire (TC) questionne comment le design circulaire peut transformer la production manufacturière de vêtements en processus zéro déchet.

À la croisée du design textile et des sciences de l’environnement, TC est un projet de recherche-création qui examine la création d’un nouveau matériau à base de pulpe textile recyclée. La démarche se déploie en étapes d'itérations de recherche par le design (Zimmerman, 2010). Le développement et l’analyse des propriétés matérielles et esthétiques d'une série d'échantillons (Milieux Biolab, Concordia, dir. Dre Jarry) ont mené à la conception d'une collection de prototypes d’objets moulés. La conception d'une installation artistique mettant en valeur ce nouveau matériau aura lieu en 2025. Les phases de fabrication seront documentées par un portfolio annoté (Gaver and Bowers, 2012). 

Les deux grands objectifs du projet sont d’analyser les propriétés matérielles et esthétiques de matériaux composites innovants et de mobiliser les connaissances pratiques et théoriques de la recherche. Les résultats alimenteront une réflexion sur de nouvelles manières d’influencer le cycle de vie des vêtements dès les premières étapes de la conception et offriront des pistes de solutions pour les acteurs du textile.

Dans la création chorégraphique contemporaine, la reconnaissance et la compréhension du rôle du danseur dans la création des œuvres est un sujet à controverses. Car si les pratiques de création aujourd’hui se disent la plupart du temps se baser sur la sensibilité particulière de chaque interprète, le discours dominant en danse semble encore véhiculer des valeurs de soumission et d’engagement « corps et âme » au projet du chorégraphe. À travers cette communication,  je me propose d’examiner l’apport créatif du danseur dans une perspective écosystémique du processus de création, tentant de rendre compte de la complexité des échanges et des négociations en jeu entre le chorégraphe, le danseur et l’œuvre même. Cette réflexion s’appuiera sur les résultats d’une recherche-création menée au Doctorat en Études et Pratiques des Arts à l’UQAM dans laquelle je me suis plongée comme interprète dans le processus de création de trois œuvres chorégraphiques avec trois chorégraphes différents. Je proposerai alors de penser l’émergence de l’ « éco-corporéité » de chaque œuvre, expression de la rencontre de corporéités uniques dans un contexte particulier de création. Penser l’éco-corporéité de l’œuvre m’amènera à  questionner la pertinence même de chercher à connaître l’auteur réel d’une œuvre chorégraphique dans le sens de sa matière même, et mettra au cœur du débat l’importance de considérer davantage la porosité de chaque rencontre permettant l’émergence d’œuvres uniques et singulières.

Depuis la « Révolution sexuelle », bien que des études se soient intéressées au portrait de la sexualité « libérée » présenté par la culture visuelle occidentale en pleine effervescence, les efforts des chercheurs et des chercheuses ne ciblèrent pas précisément la représentation des actes sexuels en eux-mêmes; une figuration pourtant construite de toutes pièces et possiblement d’après les mêmes conventions qui régissaient cette « nouvelle » sexualité. Dans cette communication, je propose de synthétiser les résultats de l’étude empirique que j’ai menée dans le cadre de mon doctorat en Sciences humaines (PhD in Humanities, Fine Arts) à l’Université Concordia (Montréal) et qui porte sur la représentation des pratiques sexuelles telles qu’elles apparaissent dans un large échantillonnage de documents visuels diffusés en Occident de la fin des années 1950 à 1979. Plus précisément, je présenterai le portrait thématique du contenu sexuel des 872 images isolées dans 18 livres sur l’art au contenu sexuel et des 367 scènes sexuelles visibles dans une collection de 55 longs métrages de fiction commerciaux. À l’aide d’images et de graphiques, je résumerai mes constats en ce qui concerne la nature à la fois « libérée » et « conservatrice » du portrait révélé et de ses possibles conséquences sur ses spectateurs et spectatrices.

Cette recherche propose une réflexion historique sur le traitement de la figure de la reine Brunehaut dans l'hagiographie française en conduisant une analyse du motif du supplice dans des manuscrits peints (XIVe-XVe siècles). Elle interroge la pratique ancienne de la torture au Moyen-Âge en la situant dans l'espace contemporain de discussion et de confrontation des études féministes. La torture est ici fragmentation du corps et de l'identité. La souffrance est utilisée comme un mode de contrôle et de destruction des individus. Or la représentation de cette pratique de domination et de destruction porte en elle une ambiguïté, voire une antinomie, qui permet la redéfinition du sujet féminin. L'image est à la fois le théâtre du spectacle sadique de la torture dans lequel la femme est la proie du « male gaze », et un lieux de performance où les identités se déconstruisent et se reconstruisent ou encore se subvertissent et se déstabilisent. La femme suppliciée est châtiée. Elle est Ève, sorcière, pécheresse. Mais elle apparaît également comme martyre, sainte, Marie. Le motif de torture n'est plus seulement punition ; il est rédemption et salut divin. Si la figure de Brunehaut suppliciée sert dans un premier temps la propagande de Clotaire II en punissant symboliquement l'hybris de la reine noire, elle apparaît, dès le XIIIe siècle, comme l'outil de sa réhabilitation dans les manuscrits du De Casibus Virorum de Boccace et dans ses traductions.

Des années 1930 aux années 1980, Gilles Beaugrand-Champagne a dirigé, à Montréal, un atelier d'orfèvrerie qui a produit des milliers d'objets pour la clientèle ecclésiastique canadienne et américaine.

Le mode de production de son atelier était hérité de la tradition académique, dans laquelle l'objet d'art est associé au maître de l'atelier et signé de son nom, même si ce dernier n'est responsable que du dessin initial, alors que les étapes de production de l'objet étaient confiées à des artisans expérimentés. Notre présentation exposera la structuration de cette pratique, qui a permis à Gilles Beaugrand - c'est sous ce nom qu'il a fait carrière – d’être le créateur de nombreux objets de culte. Les œuvres de Beaugrand, aujourd'hui éparpillées dans des églises du Québec et de l'étranger, présentent une grande variété stylistique, en raison des goûts des clients et de l'évolution des courants artistiques. Parmi ces objets, notre communication permettra de mettre en valeur ceux qui présentent des formes et un décor hérités de l'art déco français des années vingt et trente, auquel Beaugrand était fortement attaché. Ils constituent non seulement un patrimoine moderne, à redécouvrir et à inventorier, mais aussi des ensembles décoratifs à considérer dans une perspective internationale. Une partie des données que nous utilisons proviennent du fonds d’archives de l’atelier Beaugrand, conservé à Montréal, et c’est grâce son contenu que nous pouvons aujourd’hui proposer nos analyses.



Depuis une trentaine d’années, on observe, au sein du corps professoral des universités québécoises, la présence de musiciens. Certains auteurs les nomment « chercheurs-créateurs » (Bruneau & Villeneuve 2007; Gosselin & Le Coquiec 2006). Or, des recherches récentes ont montré que ces artistes ne sont, la plupart du temps, pas engagés dans le domaine de la recherche-création, mais dans celui de la création essentiellement (Stévance & Lacasse 2013). Par conséquent, il demeure une lacune dans la compréhension des acteurs qui élaborent, développent et mènent des projets de recherche-création en musique. Pour mieux comprendre ce phénomène, je propose de rendre compte du profil du chercheur-créateur en musique, et incidemment du créateur à l’université, mais également de considérer la diversité des agents impliqués dans un projet de recherche-création dans la lignée de plusieurs auteurs (Léchot Hirt 2010, Stévance & Lacasse 2013), lesquels ont senti l'importance, dans le domaine de la recherche-création, de se concentrer sur le projet plutôt que sur l’individu, d'utiliser « la compétence créative propre […] aux artistes dans une démarche de recherche » plutôt que sur « la "boîte noire" de la création » (Léchot Hirt 2010: 29). Ainsi, en plus de préciser ce qu’est un projet de recherche-création, l’un de nos objectifs sera également de mettre en exergue les différents profils possibles de tous les protagonistes impliqués dans une telle démarche collective.

Cette communication interroge trois œuvres contemporains complémentaires : Nebel Leben de Fujiko Nakaya, Tristan’s Ascension de Bill Viola et Strandbeest de Theo Jansen où la primauté est accordée à l’expression plastique. Dans un premier temps, nous souhaitons indiquer comment ces pratiques contribuent aux nouvelles formes spectaculaires qui déplacent le régime de la représentation vers la matière non humaine. En effet, Nebel Leben, Tristan’s Ascension et Strandbeest impliquent à la fois les quatre éléments et les technologies nouvelles dans l’écriture scénique, incitant ainsi à repenser le processus de création scénique conventionnel. La médiation de ces œuvres, qui oscillent entre les arts plastiques et les arts du spectacle, complexifient le principe de la coprésence telle qu’elle est largement acceptée, car la matière naturelle et les technologies convergent dans un même régime représentatif. Dans un deuxième et ultime temps, nous revenons sur l’approche des nouveaux matérialismes tels qu’ils ont été théorisés par Karen Barad. Le corpus à l’étude coïncide avec son plaidoyer pour un recentrement sur les phénomènes plutôt que sur les êtres humains. Il s’agira de montrer comment les diverses « intra-actions » – dynamiques qui placent toute agentivité au cœur de la circulation matérielle et phénoménale – jettent un nouvel éclairage sur les œuvres plastiques que nous analysons.

The Realm of the Elderlings, de l’auteure Robin Hobb, est une série de fantasy employant des stratégies d’écriture féministes et postmodernes pour déstabiliser l’hétéronormativité. Notamment, cette remise en question de la norme hétérosexuelle se manifeste par l’intermédiaire du personnage du «Fool», lequel génère un brouillement entre le féminin et le masculin et met à mal les savoirs accumulés sur lui en incarnant tant des femmes que des hommes. Ainsi, cette figure sera au centre de notre communication, de même que le décentrement postmoderne du langage et de l’interprétation dont elle serait à l’origine. Nous postulerons que les performances et mascarades du personnage, de même que la subversion des substantifs contribuent à créer son illisibilité identitaire en brouillant les codes et les signes associés aux genres féminin et masculin. Parmi ces dispositifs, nous nous attarderons à un exemple précis, celui des performances parodiques, qui devrait permettre, en déstabilisant le genre, de dévoiler que celui-ci est une construction discursive. Pour ce faire, nous aurons recours à la performance de genre (Judith Butler), au concept d’excentré (Linda Hutcheon) et à l’emploi de la parodie comme stratégie d’écriture (Linda Hutcheon). En analysant dans une perspective queer et postmoderne cette figure plutôt que de tenter de la cloîtrer dans une catégorie prédéfinie, notre étude éclairera donc un aspect inédit du «Fool».

À un certain moment dans la vie de toute personne lesbienne, gaie ou bisexuelle (LGB), une décision importante devra être prise: révéler ou non son orientation sexuelle. L'hétérosexualité étant un état par défaut, pour remettre les pendules à l'heure, la  personne LGB devra prendre parole. 

[La sortie du placard] est inhérente aux existences des gais et des lesbiennes et représente une expérience constitutive de leur subjectivation. L'expérience du coming-out peut dès lors être considérée comme une des « scènes gaies », une des « scènes lesbiennes » par excellence. Il n'est donc pas étonnant que l'on trouve des représentations de telles scènes, de ce Grunderlebnis, dans la plupart des romans [à thématique LGB] (Lagabrielle, 2007).

Les œuvres qui nous intéressent, destinées à un public adolescent, présentent des personnages ayant conscience qu'ils devront, plutôt tôt que tard, se dire. Cette communication se propose donc d'étudier l'acte de la sortie du placard en considérant celui-ci comme une rupture biographique dans le parcours des adolescents fictifs. Dans un premier temps, nous verrons comment ils réagissent face à cette « obligation sociale » qu'est le coming-out. Ensuite, nous étudierons comment les protagonistes expriment leur différence. Nous dénotons trois types de coming-out dans les récits: volontaire, forcé et implicite. Nous définirons ces catégories au moyen d'exemples concrets  dans le but de mettre en lumière les complexités inhérentes à cette prise de parole.

À la lecture d'un roman de la Grande Guerre, au visionnement d'un film se déroulant dans les tranchées, à la contemplation d'un tableau tentant d'en transmettre l'essence, le récepteur de l'œuvre peut aisément constater qu'il y a répétition de motifs, de thèmes, de signes, et ce malgré la diversité des supports. Ces éléments invariants présents dans le discours social (Marc Angenot) sur la Grande Guerre semblent traverser un siècle de représentations de la Première Guerre mondiale et participer à la formation d'un imaginaire de la tranchée (Pierre Popovic, Cornelius Castoriadis). Cette communication s’intéressera à la formation de cet imaginaire par le martèlement de motifs et de thèmes portés par des œuvres diverses. Elle interrogera la signification et la variation de certains éléments récurrents du monde des tranchées, et ce dans diverses formes d’arts (littérature, peinture, cinéma, photographie, bande dessinée, jeux vidéo). Enfin, cette communication montrera, par l’étude des cas des barbelés et de la boue, comment certains éléments se chargent symboliquement pour représenter les souffrances du soldat dans ce qui constitue, peu à peu, au fil des créations, un imaginaire social de la tranchée. 

Du 21 février au 3 mars 2013 avait lieu la 6e édition du Festival international Montréal / Nouvelles Musiques sur le thème de la voix et des percussions. Produit par la Société de musique contemporaine du Québec, cet événement biannuel proposait de faire découvrir au public montréalais « la diversité, la richesse et l’ingéniosité des artistes les plus avant-gardistes de la scène musique contemporaine (Programme du festival, 2013) ». Au total, le public pouvait assister à plus de cinquante événements répartis en 10 jours. Un terrain de recherche au festival a été mené afin d’observer le comportement du public en concert et de vérifier s’il y avait des corrélations ou des différences notables dans la fréquentation du festival selon une variété de facteurs intra- ou extramusicaux (styles des œuvres, interprètes, lieux, horaires, etc.). Ainsi, cette étude vise à réfléchir sur la possible corrélation entre le développement du public et lafabrique de la programmation culturelle (Ribac, 2013), c’est-à-dire l’ensemble du processus de mise sur pied des objets culturels : des modalités de sélection des œuvres, des musiciens, des compositeurs, à leur agencement dans un ensemble plus large – une saison, une série, un festival –, en passant par leur mise en marché et par la médiation culturelle afin de répondre à une direction artistique, mais aussi à d’autres enjeux (politiques, techniques, collectifs) comme celui du développement de public.

En 1931, sous la direction d’Olivar Asselin, le quotidien libéral montréalais Le Canada introduit un nouvel élément dans l’économie de sa page éditoriale. Il s’agit d’une rubrique intitulée « Les réflexions de l’Oncle Anthime » et publiée régulièrement de 1931 à 1934. 180 chroniques réunissant 1883 très courts textes, souvent de la longueur d’une seule phrase, y paraissent. Portant sur des thèmes plus ou moins dictés par l’actualité, marquées au coin du discours partisan, ces sortes de brèves éditoriales se présentent au lecteur comme l’expression de faits généraux d’expérience soustraits aux règles communes de l’argumentation. Énoncées par le truchement d’un artifice littéraire, sous un pseudonyme transparent, qui, tout en ne voilant pas l’identité véritable du journaliste, la distancie de son propos, elles renouent, en contexte médiatique, avec un mode d’expression procédant par sentence parmi les plus anciens de la littérature. Dans le prolongement de l’effort d’inventaire des microformes journalistiques proposé par Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson (2008), eu égard à la forme verbale à laquelle elles recourent et à la tradition littéraire qu’elles évoquent, nous désignerons ces brèves éditoriales du nom d’éditoriaux gnomiques. En guise de soutien à la proposition théorique esquissée, nous décrirons le corpus exhumé, puisant, pour orienter notre travail, du côté de commentateurs illustres de cette tradition, en commençant par Aristote (Rhétorique, II, 1294a-1395b).

Aider les personnes en situation d'itinérance à se réinsérer socialement nécessite plus que trouver un logement et une source de revenus. Les préjugés à leur égard et leur isolement sont des embuches. Se réinsérer nécessite de réapprendre à créer des liens. Dans ce contexte, est-ce qu'un projet d'art peut favoriser leur inclusion sociale? Le refuge pour hommes sans-abri, Mission Old Brewery, et des collaborateurs (CHUM-UQAM) ont proposé la réalisation d'ateliers artistiques à l'intérieur de leurs murs dans le but d'offrir une expérience positive aux participants. Trois séries d'ateliers combinant des approches artistiques et pédagogiques, dont la photographie, les déambulations urbaines, le dialogue et le contact avec des oeuvres d'art, furent réalisées. Une recherche-action qualitative a permis d'identifier lesquelles des approches adoptées par l'artiste favorisaient un mieux-être, une autonomie et la participation sociale des hommes. Nous avons observé que les créations individuelles (photographies et dessins), lorsqu'elles sont combinées à des expériences en groupe (déambulations urbaines et échanges sur l'art), favorisent la réalisation d'une création collective (vidéos, installation photographique). Ce processus devient propice pour tisser de nouveaux liens. La présentation finale du projet devant un public devient un moment significatif, car ces personnes apparaissent dans leur individualité, c'est-à-dire au-delà de leur condition de souffrance.

Depuis les Rébellions de 1837-1838, de nombreuses oeuvres ont présenté le patriotisme canadien-français de l'époque, parfois en en faisant l'éloge, parfois en en faisant la critique, et en le décrivant tantôt comme rassemblant ou diviseant le peuple canadien-français.  À travers ces nombreuses oeuvres, deux romans jeunesse de Marie-Claire Daveluy, Le Richelieu héroïque et sa suite, Michel et Josephte dans la tourmente, publiés d'abord dana L'oiseau bleu à la fin des années 1930, puis en volumes en 1940, viennent dresser un portrait intéressant du patriotisme canadien.  Jusqu'ici peu étudiées, ces oeuvres dressent, dans le contexte des Rébellions de 1837-1838, un portrait de deux "factions patriotes", celle des patriotes "ardents", prêts à prendre les armes pour combattre l'oppresseur britannique, et celle des patriotes "modérés", qui privilégient plutôt la voie de la patience et de la conciliation afin d'obtenir des concessions des autorités britanniques afin d'améliorer le sort des Canadiens français.  Or, loin de simplement dresser ces deux portraits, on remarque bien rapidement que, si Daveluy, fait tout de même l'éloge de l'une et l'autre de ces deux formes de patriotisme, elle leur prête toutefois des résultats bien différents et laisse même-sous entendre que l'une de ces formes sert beaucoup plus efficacement la cause des Canadiens français que l'autre.  C'est ce phénomène que nous nous proposons de présenter.



Avec l’arrivée des nouvelles technologies numériques, plusieurs auteurs observent les multiples trajectoires qui relient le privé et le public. La vie quotidienne est promulguée au rang d’objet public au travers des blogs et des réseaux sociaux, et les téléphones intelligents regroupent une foule de fonctions qui enregistrent la vie privée : appareil photo, caméra vidéo, dictaphone, géolocalisateur…

L’objectif de la recherche sera de mettre en lumière le contexte dans lequel opère un glissement des limites entre le privé et le public, puis de montrer de quelle manière les artistes en art contemporain utilisent des méthodes d’appropriation afin d’illustrer le déplacement de l’espace privé vers le public.

Pour ce faire, seront analysées les oeuvres des artistes Sophie Calle, Sylvie Cotton, Marc-Antoine K. Phaneuf et Donigan Cumming. Nous nous appuierons sur le concept d’intimité (Bachelard, 1948; Henri-Pierre Jeudy, 2007), la pratique de la collection (Baudrillard, 1968), la pratique ethnographique (Laplantine, 1996) ainsi que la pratique de la surveillance (Foucault, 1975).

Ainsi, il sera démontré que les artistes qui pratiquent l’espionnage d’inconnus, en dévoilant les objets intimes de ceux-ci, n’interviennent pas dans une posture de surveillance, mais empruntent plutôt aux méthodes de la filature dans un soucis de durée et de constance. De ce fait, c'est dans un rapport empathique et curieux qu'ils s'intéressent à leurs sujets.  

Mots-clés : art contemporain, intimité, vie privée

Peu de choses ont été dites ou écrites sur Albert Laberge (1871-1960). Il faut dire que l’auteur de La Scouine n’est pratiquement pas lu de son vivant. Qualifié de pornographe par l’archevêque Bruchési, puis par l’abbé Camille Roy, il se fait discret, se contentant de donner à ses proches les quelques exemplaires des livres qu’il imprime à ses frais. La Révolution tranquille lui apporte une certaine gloire posthume. La Scouine est rééditée, et nombreux sont ceux qui voient en ce roman au réalisme grinçant un heureux contrepoint à l’idéalisme de la littérature du terroir. C’est d’ailleurs sous cet angle que l’œuvre d’Albert Laberge sera dorénavant abordée, et rares sont ceux qui considèrent aujourd’hui comme autre chose qu’un qu’un romancier de l’« anti-terroir ». Or, ce statut est remis en question par la lecture des treize autres livres de Laberge, de même que par celle du manuscrit de Lamento, son grand roman inachevé. Si on ne retrouve pas le « pornographe » qui avait tant choqué ses contemporains, on découvre néanmoins un écrivain beaucoup moins préoccupé par la représentation du travail de la terre que par celle des multiples facettes du désir et de la sexualité qui, chez lui, se déploient systématiquement en dehors du cadre établi par la société. Cent ans après la publication de La Scouine, cette communication invite à redécouvrir l’œuvre de Laberge et sa « lancinante obsession de la chair ».

Au Centre jeunesse de Montréal (CJM-IU), on accueille les jeunes contrevenants membres de gang de rue pour leur réadaptation. Ces jeunes s’engageraient dans une délinquance plus violente et plus grave que les délinquants qui ne sont pas membres de gang (Laurier et Morin, 2014), mais seraient toutefois davantage victimes de violence (Abram et al., 2004). Les intervenants disposent de peu de temps pour créer une alliance avec eux et cherchent des moyens pour les rejoindre. L'utilisation d'un atelier de poésie Slam, similaire au rap qu'ils écoutent, a été explorée par le CJM-IU.

 

Les résultats finaux obtenus lors d'une recherche qualitative sont prometteurs. Douze entrevues d'approche phénoménologique descriptive de Giorgi (2012) ont eu lieu pour creuser l'expérience créative des jeunes sur le plan expressif, psychologique et relationnel. L'artiste médiateur, David Goudreault, a été interviewé et les observations des ateliers assuraient une multivocalité (Tracy, 2013). Aucune étude sur le Slam, ni le rap n'a rencontré cette population spécifique auparavant. 

 

Cette étude souligne le potentiel de l'utilisation des interventions par l'art, notamment l'écriture du Slam pour évacuer les souffrances psychiques et les violences accumulées par ces jeunes. Elle permet de contourner les mécanismes de défense et les réponses automatiques des adolescents. Elle favorise leur désir de partager leur histoire sous forme de Slam, un moyen perçu comme acceptable pour exprimer leurs émotions.

Le second procès de l’ex-cardiologue Guy Turcotte occupe moins d’espace médiatique que le premier. Cette mise en scène apparemment explicative où le droit rencontre la psychiatrie tient en haleine l’opinion publique impatiente de voir disparaître derrière les barreaux un dangereux malade, avant d’apprendre l’assassinat probable en prison de ce meurtrier d’enfant. Cette mascarade médiatique demeure pourtant instructive sur l’incapacité du droit non seulement à saisir l’élément tragique de l’affaire; plus encore à extraire l’accusé du cycle de la violence. Ayant échappé « miraculeusement » à la prison à vie par une décision de jury aussi inattendue qu’inexplicable reposant sur un « trouble de l’adaptation avec humeur dépressive », Turcotte devrait cette fois succomber à la reprise du procès. Culpabilité ou non-responsabilité tiennent à l’arbitraire psychiatrique, tantôt à l’impéritie tantôt à l’ingéniosité d’experts transposant des vignettes du DSM dans l’univers noir ou blanc d’un verdict. La psychiatrie a beau ne pas être une « science exacte », le premier diagnostic exonératoire de « trouble d’adaptation » fut assimilé dans le second procès à un « rhume » en regard de l’article 16 du C. cr. S’agit-il d’une démarche rationnelle ou d’une exécution qui permettra à une communauté de se réconcilier selon le paradigme girardien?

Les symbolistes, pionniers des littératures étrangères, utilisèrent, à partir de 1885, les petites revues d’avant-garde pour s’opposer à la littérature des académies et du naturalisme, en publiant, entre autres, des chroniques sur différentes littératures venues d’ailleurs. De plus, le regroupement à Paris d’auteurs venus de province et de pays étrangers permit à ces petites revues d’engager des chroniqueurs tout en étant indépendantes de la presse à grand tirage. Ainsi, La Revue Blanche et le Mercure de France sont celles qui, de manière significative, ont contribué à l’apport littéraire étranger dans la presse d’avant-garde en utilisant l’impact de la nouveauté et des informations exotiques souvent rares sous forme de chroniques, de biographies d’auteurs, de recensions critiques et de traductions. Par ailleurs, leur opposition à la nationalisation de la littérature et de l’art, par une importation antinationale, a occasionné la croissance des transferts culturels créant des réseaux de contacts internationaux composés pour la majorité d’intellectuels français et étrangers échangeant entre eux des informations récentes. Nous proposons ici d’étudier le cas de la présence de la littérature portugaise dans les chroniques « Lettres Portugaises » du Mercure de France, durant les dernières années du XIXe siècle, comme vecteur de transfert culturel enrichissant la littérature d’une réflexion nouvelle : l’apport de l’étranger comme nouvelle critique et autocritique.

Depuis le début des années 2000, l’écrivain français P.N.A. Handschin propose des ouvrages iconoclastes qui participent à un véritable renouveau expérimental dans le champ littéraire français contemporain, notamment par l’intermédiaire des remaniements, voire des violences, qu’ils font subir à la syntaxe et à la mimésis. Notre communication se propose d’analyser cet OVNI (objet verbal non identifié) qu’est Ma vie (Argol, 2010), premier ouvrage « autobiographique » de l’auteur, à la lumière des propositions méthodologiques de Michel Beaujour dans Miroirs d’encre. Rhétorique de l’autoportrait : nous posons en effet l’hypothèse que Ma vie relève de la tradition de l’autoportrait, une tradition désormais marquée par ce que nous appellerons la désinvolture. Du coup, par la torsion qu'elle fait subir précisément à la question de l'embrayage énonciatif, l’écriture néo-expérimentale de Handschin (comme celle de certains de ses contemporains comme Édouard Levé ou Nathalie Quintane) pointerait en direction d’un renouveau (?) du paradigme des écritures de soi.

Les Improvisations sont des essais critiques où Michel Butor réfléchit sur les œuvres d’auteurs avec lesquels il estime partager certaines idées, certaines préoccupations. Il est dès lors étonnant de constater que la plus volumineuse de ces études soit consacrée à Balzac, dont l’esthétique semble très éloignée de celle de Butor. Ma communication démontrera que dans les Improvisations sur Balzac, Butor pose les jalons de sa propre esthétique en plaçant à l’avant-plan certaines de ses propres préoccupations littéraires. Il existerait donc deux niveaux de lecture à cet ouvrage, l’un traitant de Balzac, l’autre de Butor. Ce chevauchement invite à des rapprochements inédits et à des interprétations nouvelles de chacune des deux œuvres. En me basant sur les travaux critiques de Mireille Calle-Gruber et de Jean Starobinski, j’expliquerai d’abord les modalités de ce discours à deux niveaux, qui n’a été jusqu’à maintenant que très peu étudié. Je fournirai ensuite un exemple démontrant comment l’analyse d’un texte de Balzac (La peau de chagrin) par Butor repose sur des principes esthétiques propres à certains de ses textes (L’emploi du temps, Mobile). Cette analyse sera centrée sur le thème de la géographie, qui revêt une grande importance chez les deux auteurs. Ma communication s’engagera dans une voie originale puisqu’elle rapprochera d’une manière inédite deux auteurs en apparence opposés en plus de contribuer à mettre en valeur les travaux critiques de Butor.

L'objet de cette présentation est une étude portant sur l’éducation au patrimoine dans le cadre scolaire au Québec. Elle se décline en deux principaux axes : le premier vise à faire un bref état des lieux des pratiques pédagogiques en lien avec le patrimoine réalisées dans la province. L’objectif est d’étudier la forme que prend cette forme éducative au niveau des intentions d’apprentissage, du rôle des enseignants et des institutions culturelles, du type de patrimoine enseigné ainsi que des disciplines dans lesquelles elle s’insère. Le deuxième axe s’articule autour d’une approche collaborative que j’adopte pour intégrer le patrimoine sur une base plus ou moins durable dans le cours d'histoire du Québec et du Canada, mon terrain d’étude. Les collections archéologiques du site Cartier-Roberval, représentatives de la première tentative d’implantation permanente française en Amérique (Samson et Fiset, 2013 : 9), sont utilisées à titre d’exemple en ce sens pour développer des ateliers éducatifs en lien avec le patrimoine. La méthodologie de la recherche-action employée au sein de cette étude permet d'établir un partenariat étroit avec les professeurs participants et, par la même occasion leurs étudiants, afin de saisir pleinement les enjeux et les particularités de l'éducation au patrimoine dans ce milieu d'apprentissage. Principalement d'ordre qualitatifs, les résultats de l'étude visent ainsi à mieux documenter l'implantation de cette forme éducative au Québec.

L’œuvre de Corinna Bille, romancière, poète et nouvelliste suisse, accorde une large place à l’amour et à la sexualité. Ce qui se dégage des nouvelles présentes dans les recueils La Fraise noire et La Demoiselle sauvage, c’est une impossibilité de parvenir à l’Autre, ici entendu au sens lacanien du terme, soit comme autre sexe. De fait, les personnages semblent confondre amour et sexualité, pensés en termes d’opposition par Lacan dans son Séminaire XX : Encore. Cela les contraint à demeurer dans ce qui relève du fantasme et de l’illusion, et rend impossible une véritable rencontre avec l’Autre. L’illusion d’une rencontre effective est dénoncée lorsque le désir s’assouvit et cette dénonciation est étrangement liée à la mort. La présente communication vise à interroger la nature des rapports qui se tissent entre les personnages. L’amour véritable existe-t-il dans les nouvelles, ou permet-il plutôt de légitimer une sexualité fortement liée à l’interdit, religieux comme moral? Est-ce parce que l’assouvissement du désir témoigne de la transgression d’un interdit qu’il est ainsi associé à la mort? Nous chercherons à montrer, par une approche thématique et sémiotique, que les thèmes de l’amour et de la sexualité sont pensés chez Corinna Bille en fonction de l’interdit religieux, de la punition, et de la recherche d’un au-delà qui réfère à la fois à Dieu, à la connaissance et à l’Un primordial.

La sorcière est souvent utilisée pour exploiter la marginalité, l’altérité, le rapport au pouvoir ou l’identité féminine. Dans Moi, Tituba sorcière…, Maryse Condé explore ces thèmes tout en exposant des enjeux sociaux, raciaux et culturels liés à la sorcellerie. Condé transforme le discours sur les événements qui ont eu lieu à Salem en 1692 en réhabilitant l’histoire de Tituba, d’abord mise en fiction dans la pièce d’Arthur Miller Les sorcières de Salem, de sorte qu’elle ne soit plus condamnée à l’oubli. Le roman réanime l’esclave Tituba afin de déplacer certains clichés liés à cette figure-rebelle et de dialoguer avec d’autres images de la sorcière qui existent déjà en littérature et dans l’imaginaire social. Il lie les révoltes des sorcières de Salem aux premières révoltes d’esclaves dans les Antilles et aux révoltes d’autres groupes périphériques (femmes, Juifs, Amérindiens) dans le but de dévoiler l’identité complexe du personnage marginalisé et de mettre en lumière son histoire trop souvent considérée anhistorique. Dans cette communication, nous étudierons, dans une perspective sociocritique, les marginaux dans Moi, Tituba sorcière… Nous explorerons d'abord le contexte de production du roman afin de mieux connaître les discours sociaux qui circulent dans les années 1980. Puis, nous terminerons en nous intéressant plus précisément à la figure de la sorcière et des marginaux dans le texte en vue d’illustrer ses points de contact avec les discours ambiants.