Vous êtes en examen, le stress vous gagne et vous avez l’impression de toujours répéter le même propos, le même mot? Vous croyez être bègue? Si c’est le cas, ne vous inquiétez surtout pas! Contrairement à ce que l’on pense, il existe plusieurs solutions pouvant contrer cette anomalie. Mais laissez-moi d’abord vous dire que le bégaiement n’est pas d’origine psychologique, même si des facteurs de cet ordre l’aggravent, tels le stress, la gêne et même le sentiment de honte. Mais alors, d’où vient le bégaiement?
Texte lauréat du deuxième Concours de vulgarisation scientifique chapeauté par le Département de psychologie du Collège Montmorency
J’ai l’immense plaisir de vous présenter le texte gagnant du deuxième concours de vulgarisation scientifique chapeauté par le Département de psychologie du Collège Montmorency. Ce concours a pris forme dans mon cours d’initiation à la psychologie il y a quatre ans. Officiellement, je cherchais un moyen d’encourager mes étudiants de sciences humaines, fraîchement débarqués dans le monde collégial, à bien écrire. Mais officieusement, je souhaitais quelque chose de plus intangible. Je voulais que mes étudiants aiment écrire! Le défi exigeait de sortir des sentiers battus pour renouveler le travail de fin de session traditionnel qui n’a pour lectorat que l’enseignante. Mais comment? Au lieu de me prendre la tête en lisant tout ce qui se fait d’innovateur en pédagogie, je me suis tout bêtement posé la question suivante : dans le domaine de la psychologie, qu’est-ce que j’aime lire, qu’ai-je le goût d’écrire? Des articles de vulgarisation scientifique! Voilà! À chaque session, mes étudiants rédigent donc des textes qui ont pour objectif d’informer et d’intéresser autant l’enseignante que les parents et les amis. Même si au départ, l’idée de publier les meilleurs textes était embryonnaire, je voulais que mes étudiants aboutissent à un résultat de grande qualité. Je voulais qu’ils soient tellement fiers qu'ils deviennent des récidivistes de la vulgarisation. Je ne sais pas si ce projet portera dans le futur ces fruits, mais une chose est claire : ce travail pour lequel ils ont mis temps et effort a été, si je me fie aux commentaires, une expérience enrichissante qu’ils ont tous adorée!
Tania Tremblay, enseignante au Département de psychologie du Collège Montmorency et chercheuse associée à l’Équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance, UQAM.
Le trouble en question
Commençons par définir cette anomalie. Le bégaiement est un trouble neuromusculaire qui nuit au débit de la parole. Ce trouble touche 1% des adultes dans le monde1. Il apparaît le plus souvent entre 2 et 5 ans, mais parfois dès 18 mois. Il y a 3 fois plus de garçons qui bégaient que de filles. En effet, les filles parviennent souvent à se débarrasser du bégaiement sans intervention particulière. Les chercheurs n’ont toujours pas trouvé une explication au pourquoi de cette différence entre les deux sexes. Chose certaine, il importe de le dépister le plus tôt possible, car les effets deviennent plus prononcés en grandissant. Et c'est souvent ce qui fait qu’un enfant sur quatre restera bègue à l’âge adulte2.
Le bégaiement se manifeste de plusieurs façons. Il est assez facile de le reconnaitre par des manifestations verbales telles que les hésitations fréquentes, les syllabes répétées, une partie de mot répétée, par exemple : t-t-t-tu es bel-bel-bel-le. Il y a aussi parfois des sons qui s’allongent et qui peuvent apparaitre dans les phrases du bègue, par exemple: je vvvvvvvvvais y aller. Des tics au visage, des clignements des yeux ou des trépignements sont une autre expression du bégaiement, cette fois physiquement visible. Il se manifeste parfois par des expressions de peur sur le visage dû à plusieurs hésitations fréquentes3.
Ce trouble touche 1% des adultes dans le monde. Il apparaît le plus souvent entre 2 et 5 ans, mais parfois dès 18 mois. Il y a 3 fois plus de garçons qui bégaient que de filles.
Une source génétique
On a longtemps cru que les causes du bégaiement étaient entièrement reliées à des caractères psychologiques tels le stress. Mais, des recherches ont permis de nuancer cette croyance! En effet, le bégaiement aurait en partie des causes génétiques. Selon une étude menée par un généticien, le Dr Dennis Drayna de l’Institut national américain de la surdité et des autres troubles de la communication (NIDCD), il y aurait un « gène du bégaiement » situé sur le chromosome 12. Ce chercheur a étudié les gènes d’un groupe de familles au Pakistan dont plusieurs étaient bègues. Il a trouvé des mutations sur un gène appelé GNPTAB affectant les membres bègues dans ces familles4. Une autre étude a été menée par des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université Washington à Saint-Louis (Missouri) et des Instituts nationaux de la santé (NIH). Ils ont examiné l’action de ce même gène GNPTAB chez des souris. Ils ont découvert que les souris porteuses de la mutation génétique liée au bégaiement humain avaient des troubles de communication. Par exemple, elles faisaient de plus longues pauses entre leurs cris et répétaient le même son fréquemment, et ce contrairement à celles qui ne possédaient pas la forme mutée de ce gène5.
En plus des mutations génétiques, on a aussi découvert des causes cérébrales à cette anomalie. Des chercheurs ont établi que le bégaiement aurait un lien avec l’afflux de sang dans l’aire du cerveau dédié à la parole (...)
En plus des mutations génétiques, on a aussi découvert des causes cérébrales à cette anomalie. Des chercheurs ont établi que le bégaiement aurait un lien avec l’afflux de sang dans l’aire du cerveau dédié à la parole (étude parue dans le journal scientifique Human Brain Mapping6. Ils ont étudié l’afflux sanguin dans plusieurs parties du cerveau de 26 bègues et de 36 individus d’un groupe contrôle n’ayant aucun problème d’élocution. Ils ont remarqué que chez les bègues l’aire de Broca (zone corticale du lobe frontal se retrouvant dans l’hémisphère gauche du cerveau humain et responsable du traitement articulé du langage) était moins approvisionnée en sang chez les bègues que chez les non-bègues. Et plus cette aire était privée de sang, plus le bégaiement était sévère7
Comment s’en débarrasser ?
Mais alors, comment traiter ce problème multifactoriel ? Disons d’emblée qu’il n’y a pas de médicaments ni de procédure chirurgicale pour vaincre le bégaiement8. Cependant, il y a quelques alternatives. Il y a l’intervention de l’orthophoniste, qui aura pour mission d’aider le patient par un travail de « rééducation » de la respiration du patient pour favoriser l’expiration buccale, en séparant le souffle buccal et nasal. Une fois le souffle buccal acquis, il est orienté vers l’émission de la voix. Donc, le but est de limiter l’émission d’air par le nez lors de la prise de parole9. L’orthophoniste peut aussi pratiquer une thérapie cognito-comportementale avec le patient. Cette thérapie aide à remplacer les idées négatives qui pourraient causer du stress, de la nervosité et tout autre malaise pouvant aggraver le bégaiement. Cela aide le patient à faire face aux situations quotidiennes10, par exemple la gestion du stress dans un oral à l’école. Le programme dit Lidcombe fait par une orthophoniste peut aussi être très utile. Il est souvent effectué sur des enfants d’âge préscolaire, mais peut parfois être appliqué à des enfants d’âge scolaire ou des adolescents. Ce programme consiste à effectuer des renforcements positifs chez l’enfant. Par exemple, quand il réussit à dire une phrase avec fluidité, le parent le complimente. Cela stimule l’enfant à faire l’effort de s’exprimer correctement. Si l’enfant se trompe, il faut que le parent l’incite à s’autocorriger, de manière à ce qu’il parvienne après un certain temps à distinguer une parole fluide d’une parole bégayée11.
Le bégaiement n’est donc pas une anomalie irréparable, et malgré tous les mythes qu’on entend à son propos, il n’est pas d’origine psychologique. C’est une affection du cerveau accompagnée par des prédispositions génétiques. Le stress peut aggraver cette anomalie, mais il n’en est pas la cause. Dès que les symptômes de bégaiement apparaissent, il est important d’agir, car ce trouble peut porter atteinte à la vie sociale de la personne, ainsi qu’à son estime personnelle. C’est pourquoi le soutien de la famille est primordial. Il y a aussi des associations pour venir en aide aux bègues telles que L’Association Parole-Bégaiement. Cette dernière organise des événements et des stages pour faire connaitre davantage ce trouble, mais aussi pour aider dans leur périple ceux qui en sont affectés.
Allez donc, pas de craintes : on peut bégayer tranquilles, la science est de notre côté!
- 1Agence France-Presse Washington (2010). « Le bégaiement serait génétique » , dans La Presse, 12 février. Consulté en octobre 2017.
- 2Marie-Ève Bergeron-Gaudin (2016). « Le bégaiement » , dans Naître et grandir. Consulté en octobre 2017.
- 3Émeline Ferard (2017). « Bégaiement : symptômes, causes, traitements, où en est-on? », Maxisciences. Consulté en octobre 2017.
- 4Agence France-Presse Washington (2010). Op. cit.
- 5Agence France-Presse (2016). « Des souris bègues pourraient aider à percer le mystère du bégaiement humain », dans Le Journal de Montréal , 14 avril. Consulté en octobre 2017.
- 6Desai et al. (2017).« Reduced perfusion in Broca's area in developmental stuttering», Human Brain Mapping, vol. 38, no. 4, p.1865-1874.
- 7Mathilde Ledieu (2017). « Bégaiement : la cause se trouve dans le cerveau », Topsanté . Consulté en octobre 2017.
- 8Émeline Ferard (2017). Op. cit.
- 9Stéphanie Borel 2012 (n. 54). « La voix et ses troubles », Cerveau et psycho, p. 40-45.
- 10Émeline Ferard (2017). Op.cit.
- 11Agathe Tupula (2014). « 5 mythes au sujet du bégaiement », Huffington Post Québec. Consulté en octobre 2017.
- Sandrine Paquette
Collège Montmorency
Sandrine Paquette est étudiante à Montmorency depuis l’automne 2015. Ayant débuté ses études collégiales en sciences de la nature, elle découvre au cours de cette première année un intérêt pour tout ce qui se rapporte davantage à l’humain. Elle décide donc de s’orienter vers les sciences humaines profil individu, où elle trouve un intérêt tout particulier pour la psychologie. Lors de son cours Initiation à la psychologie, elle choisit le bégaiement comme sujet pour un article de vulgarisation. Croyant elle-même être bègue, elle espère ainsi connaitre davantage cette anomalie. Elle est maintenant très fière de son travail et espère avoir satisfait la curiosité de plus d’un.
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