Trois cahiers pour qualifier une ville
La recherche et l’innovation sont d'importantes locomotives de développement social et économique pour les métropoles. Mais quelles sont donc les conditions favorisant le développement d’une cité innovante, comment Montréal se positionne-t-elle et comment tirer partie de ses forces? Afin d’offrir un portrait à jour sur le savoir, la recherche et l’innovation à Montréal, d’éclairer la prise de décision et de permettre une vision prospective, Concertation Montréal a réalisé une série de 3 cahiers intitulée Regards sur Montréal, métropole de savoir, de recherche et d’innovation :
- Montréal vue à travers les plus récentes études offre une synthèse de certaines études recensées dans les deux dernières années.
- Publications et brevets analyse les tendances qui ont caractérisé l’évolution de la production de publications scientifiques et l’attribution de brevets à Montréal dans la dernière décennie.
- Cartographie de la recherche et de l’innovation à Montréal propose un portrait des différents acteurs du système de l’innovation montréalais.
Peu importe l’angle d’étude, un constat fort se dégage : Montréal est en pleine effervescence sur le plan de la production du savoir, de la recherche et de l’innovation. Bien sûr, les acteurs montréalais ont encore des efforts à déployer pour développer la qualification et le talent dans l’ensemble de la société, poursuivre la croissance des investissements dans le développement des entreprises innovantes, appuyer toute les institutions de savoir et les acteurs de l’innovation ainsi que pour optimiser le riche potentiel des écosystèmes de l’innovation. Cependant, la métropole a fait des pas de géant au cours des dernières années, et elle est bien positionnée sur le plan international dans plusieurs domaines.
Dans cet article, nous ferons plus spécifiquement ressortir les dimensions « enseignement supérieur » et « recherche», abordés dans les 2e et 3e cahiers.
La recherche
L’enseignement supérieur représente, sur le plan de la production des savoirs, une des grandes forces créatives de la métropole. On y compte 27 établissements collégiaux, privés et publics, ainsi que 9 universités et écoles affiliées. Sur le plan de la production des savoirs, Montréal se classait devant Toronto dans le domaine de la recherche universitaire en 2014-2015.
Les chercheurs permettent ainsi à Montréal de se positionner parmi les chefs de file mondiaux en matière de publications (articles, notes de recherche et articles de synthèse). Plus précisément, entre les années 2003 et 2014, les chercheurs de l’île œuvrant dans différents secteurs (postsecondaire, entreprises, hospitalier, gouvernements) ont réalisé ou participé à la réalisation de 104 123 publications, représentant une hausse de 59 % du nombre des publications entre les périodes 2003-2005 et 2012-2014 (TABLEAU 1, tiré du cahier Publications et brevets, p.16 1)
TABLEAU 1 - Nombre de publications de l'île de Montréal selon le secteur institutionnel et la période triennale
Nos institutions sont spécialisées, entre autres, dans plusieurs domaines de recherche, dont la psychologie, la santé, le management, les sciences de la terre et de l’espace. Les publications liées aux disciplines médecine clinique, recherche biomédicale et santé comptent pour plus de 50 % du total. Les publications liées à la discipline génie comptent pour 12% du total (TABLEAU 2).
TABLEAU 2 - Nombre de publications totales selon la discipline
Quant aux brevets octroyés à des inventeurs de l’île de Montréal, nous constatons une hausse de 80 % des octrois entre 2003-2005 et 2012-2014, ce qui représente en nombre absolu une croissance de 5 600 brevets. Les domaines de spécialisation de Montréal, en matière de brevets, sont la chimie, le génie civil et les jeux.
Montréal accueille aussi un bassin important d’étudiants internationaux à l’enseignement post-secondaire. D’ailleurs, la Ville vient d’être couronnée meilleure ville étudiante au monde dans le classement Best student Cities 2017, de l’Institut Quacquarelli Symonds (QS), qui a aussi reconnu Montréal comme la « ville la plus intelligente du monde » en raison du développement de son industrie de l’intelligence artificielle.
L'écosystème montréalais de recherche et d'innovation
Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique à l'Université Paris Ouest-Nanterre, l’a bien exprimé en disant que « la créativité d’une ville procède moins de la concentration de ses facultés dans quelques organes que d’une circulation des savoirs et des idées dans tous ses vaisseaux »2. À cet effet, le positionnement de Montréal comme ville de « convergences créatives » a été documenté dès 20053.
Si l'on ajoute aux institutions d'enseignement supérieur, les 800 chaires et centres de recherche, les acteurs d’intermédiation et les organisations de soutien à la recherche et à l’innovation, Montréal compte plus de 1 000 acteurs dans son écosystème du savoir.
Cartographie de la recherche et de l'innovation
Si la recherche est à la base de l’innovation, les acteurs d’intermédiation qui facilitent le transfert des connaissances des institutions d’enseignement supérieur vers d’autres organisations en sont aussi des éléments centraux. À cet effet, les institutions d’enseignement supérieur ont mis sur pied, au cours des dernières années, plusieurs organisations afin de commercialiser leurs innovations, favoriser l’entrepreneuriat et le développement des affaires en leur sein et stimuler la collaboration entre elles et les entreprises.
De plus, les gouvernements et l'administration municipale y contribuent par le biais de politiques, stratégies, actions, financement, etc.; les acteurs de financement non gouvernementaux créent des fonds spécifiques pour faciliter le développement de nouveaux produits ou services; les grappes, incubateurs, accélérateurs, espaces collaboratifs sont autant de lieux où s'exercent et se développent les activités inventives qui complètent la chaîne de l’innovation montréalaise.
Cette véritable ruche de production et de circulation des savoirs et des investissements dans l’ensemble des réseaux et des acteurs rend exceptionnellement riche l’écosystème de la recherche et de l’innovation à Montréal permettant un rayonnement et augmentant son attractivité.
Des quartiers d'innovation en plein essor
Un élément central ressort de plusieurs des études consultées : l’organisation spatiale potentialise le travail des différents innovateurs. Le regroupement sur un territoire relativement restreint d’une densité de population et d’organisations variées forme un écosystème performant favorable à la connectivité, au partage et à l’innovation4.
On parle alors d’une économie stimulée par la connaissance et la technologie (knowledge and technology-driven economy) qui valorise la densité et l’agglomération, une nouvelle géographie de l’innovation et un « âge de la convergence ». Cette proximité crée ainsi un espace d’ancrage et de maillage, un lieu propice à la naissance d’idées nouvelles, à la commercialisation des idées, à la création d’emplois et, enfin, au développement socioéconomique. Elle permet de développer une masse critique qui attire aussi bien les entreprises que les talents.
Montréal est citée avec Barcelone, Berlin, Londres, Medellín, Séoul, Stockholm et Toronto pour ses quartiers d’innovation. Mais, fait singulier, Montréal n’a pas développé un seul de ces espaces; qu’on pense à la mode dans Acadie-Chabanel, au multimédia dans le Vieux-Montréal, au jeu vidéo dans le Mile-End et le Centre-ville, à l’aéronautique le quartier Saint-Laurent, à l’économie sociale dans le technopôle Angus, au Quartier de l’innovation dans le Sud-Ouest ou au campus MIL en développement à cheval sur Outremont, Parc-Extension et le Mile-ex. Montréal possède donc de nombreux quartiers vibrants tout droit sortis de l’histoire du développement urbain organique de la métropole autour de petites patries5 qui sont devenus autant de pôles d’innovation. Cet ADN proprement montréalais représente un atout majeur dans le jeu de l'attractivité.
En somme, nous venons de le voir, l'ensemble des travaux menés indiquent une tendance forte : Montréal peut se targuer d'être une métropole innovante et un pôle mondial de savoir. Son ébullition et son effervescence sont reconnues à travers le dynamisme de ses institutions d’enseignement supérieur, ses quartiers, sa population créative ainsi que son écosystème de recherche et d'innovation. Les trois cahiers de la série Regards sur Montréal, ville de savoir, de recherche et d'innovation présentent en détail plusieurs de ces composantes. Nous vous invitons à les consulter à l'adresse : http://concertationmtl.ca/qui-nous-sommes/publications/
- 1Il est à noter que la somme des pourcentages est supérieure à 100 %. Cela s’explique par les collaborations entre différents secteurs institutionnels dans les publications. Par exemple, une publication faite en collaboration entre une entreprise et une université sera comptée deux fois, une fois dans chacun des secteurs.
- 2Cité dans Printemps numérique, Comprendre et valoriser l’écosystème montréalais de la créativité numérique : un levier pour le développement local et le rayonnement international de la métropole, Montréal, Printemps numérique, octobre 2016.
- 3Printemps numérique, op. cit.
- 4Brian Knudsen et coll., « Density and Creativity in U.S. Regions », Annals of the Association of American Geographers, vol. 98, no 2 (2008), p. 461-478.
- 5Jean-Claude Marsan, Montréal, une esquisse du futur, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1983.
- Marie-Claire Dumas, Jean-François Gosselin et Francis Sabourin
Concertation Montréal
Marie-Claire Dumas, directrice générale, Concertation Montréal
Jean-François Gosselin, agent de développement, Concertation Montréal
Francis Sabourin, agent de développement | Savoir, Concertation Montréal
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