Le chapitre québécois des Hell’s Angels est formé à la fin des années 1970, et rapidement il s’impose, à coup d’actes violents et de trafics de drogues, comme l’organisation criminelle dominante de la province.
[Article présentant une communication du Colloque 312 - Criminalité, criminologie et nouvelles tendances, dans le cadre du 81e Congrès de l'Acfas]
« Le club de moto des anges des enfers ». Tel est le nom complet des Hell’s Angels, ce gang international de fiers motards juchés sur leurs Harley-Davidson. Son chapitre québécois est formé à la fin des années 1970, et rapidement il s’impose, à coup d’actes violents et de trafics de drogues, comme l’organisation criminelle dominante de la province. « Les Hell’s n’ont pas tardé à être pointés du doigt comme l’ennemi public numéro un », lance Carlo Morselli, chercheur régulier et directeur adjoint du Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, lors de sa présentation au congrès. Mais ce groupe, aussi impressionnant soit-il, était-il vraiment si bien organisé?
Entre mythe et réalité
On s’imagine les Hell’s Angels comme une organisation très formelle, un consortium de motards exerçant un puissant monopole et une hiérarchie dirigée par des individus dominants, les Nomads. Mais les recherches de Carlo Morselli dévoilent une réalité bien différente. « Le réseau des Hell’s apparaît plutôt diffus, constitué en grande partie d’individualités », explique le chercheur. Même les activités criminelles auxquelles ils se sont livrés n’étaient pas aussi organisées que ce que l’on pourrait penser. « Par exemple, le prix de vente de la drogue n’a quasiment pas changé quand les Hell’s sont montés en puissance. En situation de monopole, il aurait connu une sensible augmentation. On peut en déduire que les Hell’s n’étaient pas seuls sur ce marché », poursuit-il.
« Les activités criminelles auxquelles les Hell's Angels se sont livrées n’étaient pas aussi bien organisées que ce que l’on pourrait penser ».
Le chercheur a analysé les enregistrements d’écoutes téléphoniques et les surveillances physiques quotidiennes qui ont permis aux autorités policières de décortiquer le réseau de communication autour des Hell’s Angels. En ressort un constat assez étonnant : les participants les plus connectés au réseau sont apparus, de prime abord, comme des subalternes. Les Nomads, considérés comme des généraux possédant une place centrale, avaient finalement un poids relativement faible dans l’organisation. « Cela a permis aux autorités policières de réorienter leur travail après leurs premières enquêtes qui ciblaient surtout les Nomads », conclut Carlo Morselli.
Crimes et châtiments
Au début des années 1990, les Hell’s Angels du Québec décident d’éradiquer toutes les bandes rivales, en particulier les Rock Machine, pour mettre la main sur le marché florissant du crime organisé. De 1994 à 2001, entre attaques ciblées et représailles, « la guerre des motards » fait 126 morts. D’abord plutôt effacées, les autorités réagissent – sous la pression de l’opinion publique – suite au décès à Montréal, le 9 août 1995, du petit Daniel Desrochers, un garçon de 11 ans atteint mortellement par l’explosion d’une voiture piégée.
« La promulgation, en 1997, de la loi anti-gang au Canada est l’une des rares fois où le vote d’une loi a fait l’unanimité au Parlement! »
« Ce drame enclencha la machine parlementaire dont les discussions aboutirent à la promulgation, en 1997, de la loi anti-gang au Canada. C’est même l’une des rares fois où le vote d’une loi a fait l’unanimité au Parlement! », précise Carlo Morselli. Une première escouade spécialisée voit aussitôt le jour, mais il faut attendre le printemps 2001 pour le début des grandes manœuvres. Bilan : 143 membres et associés des Hell’s sont arrêtés. « La plus grande série d’arrestations au Canada, affirme le conférencier. Dès lors, le conflit a été stoppé et cela a permis aux autorités de se concentrer sur leur deuxième objectif, à savoir mettre un frein à la présence des Hell’s sur le marché de la drogue ». En 2006, un nouveau coup de filet scelle le sort de l’organisation.
- Thomas Belin
Stagiaire en journalisme scientifique
Thomas Belin est un journaliste français. Détenteur d’une maîtrise en journalisme et communication ainsi que d’une maîtrise en économie appliquée, toutes deux obtenues à l’Université d’Aix-Marseille, il a évolué au sein de la rédaction de plusieurs quotidiens régionaux d’Avignon comme La Provence ou Le Dauphiné-Libéré. Dernièrement, il était rédacteur pour le guide touristique Le Petit Futé, en charge des parutions spéciales « Avignon », « Vaucluse » et « Provence ». De retour au Québec, il effectue un stage à l’Acfas qui lui permet d’appréhender l’univers des sciences.
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