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Jean-Claude Simard, UQAR - Université du Québec à Rimouski
La remarquable collection des Cahiers de Science & Vie aura progressivement constitué, au fil de ses 22 années d’existence, une véritable bibliothèque de culture scientifique et technique. À ma connaissance, c’est là un cas unique dans la francophonie et, à ce titre, il mérite d’être souligné.

La revue Science & Vie est sans doute l’un des plus anciens médias de vulgarisation scientifique de la planète, puisqu’elle fête cette année son premier siècle d’existence. À l’exception de deux brèves césures durant les guerres mondiales, ce magazine paraît en effet de manière ininterrompue depuis 1913. Bien connu du lectorat francophone, il tire mensuellement à plus de 400 000 exemplaires.

Pourquoi parler ici d’une revue aussi célèbre? Certes, en produisant du journalisme scientifique de haute tenue, elle contribue à éduquer la population. Mais s’il s’agissait seulement de suivre l’actualité technoscientifique et d’en rendre compte avec brio, elle ne se distinguerait guère des nombreux autres organes visant un but identique et elle ne mériterait pas qu’on lui consacre une chronique de culture scientifique1. En fait, ce qui la rend unique, c’est la remarquable série intitulée Les Cahiers de Science & Vie, sur laquelle il vaut la peine de s’arrêter un moment.

L’intérêt des hors série

Quand on parle culture scientifique et technique, on évoque surtout la vulgarisation et ses différents canaux de diffusion : émissions télévisées, organismes de loisir scientifique, musées, etc. Mais sur le plan « académique », on peut la ramener à trois branches principales : l’histoire des sciences et des techniques, l’épistémologie et les rapports STS (Science, Technologie et Société). Beaucoup de revues spécialisées publient des hors série liés plus ou moins étroitement à ces domaines, mais Science & Vie a sans doute été l’une des premières à offrir, sur une base régulière, des livraisons consacrées exclusivement aux scientifiques importants du passé, une tendance qu’ont suivie, depuis, bien d’autres périodiques français, tels Sciences et Avenir, Pour la Science et La Recherche. En ce domaine, Les Cahiers de Science & Vie auront fait office de pionniers, car, dès les débuts, en 1991, on y trouvait des séries thématiques. Ainsi, les 11 numéros de l’année 1993-94 se penchaient sur « Les pères fondateurs de la science » (Einstein, Newton, Marie Curie, Ambroise Paré, Mendel, Lavoisier, etc.), tandis que ceux de l’année 1998-19992 proposaient, en 12 livraisons, un bilan de « 1000 ans de science » (Le Moyen Âge; La Renaissance : nouveaux mondes, nouvelles sciences; Le XVIIIe siècle et la grande Encyclopédie; Le XIXe siècle et les premiers grands laboratoires, etc.).

Cela suffirait déjà à la distinguer, mais son mérite va bien au-delà. En effet, au fil des ans, cette collection tonifiante ne s’est pas limitée aux figures scientifiques marquantes ou à l’histoire générale des sciences, elle a également abordé des sujets nettement moins traditionnels comme les grands ingénieurs (année 1996 : Diesel, Edison, Dassault, Eiffel, etc.), les grandes révolutions scientifiques (année 1997 : L'invention du calcul intégral; Comment les samouraïs japonais sont devenus des savants; 1950-1960, les médicaments du cerveau, etc.), ou encore, les rapports STS abordés sous l’angle de la « Big science » (année 1992 : Le projet Manhattan, La naissance du Concorde, L'invention de la « pilule », etc.).

Notons-le, ces diverses livraisons grand format comptent habituellement une centaine de pages, et elles se distinguent tant par la qualité des textes que par la richesse de l’iconographie. Je signale d’ailleurs que, depuis quelque temps, on a légèrement modifié la formule : les thématiques annuelles ont fait place à une série unique paraissant aux six semaines, « Aux racines du monde ». On y traite tantôt l’histoire des sciences, tantôt celle des techniques, parfois encore l’histoire générale des cultures. Ainsi, la dernière livraison disponible en kiosque, le no 132 (octobre 2012), est intitulée L’homme et la machine : 4000 ans d’invention.

Questions épistémologiques

Si on devait déplorer une lacune dans Les Cahiers de Science & Vie, ce serait l’espace congru accordé aux questions épistémologiques. Mais heureusement, dans l’univers francophone, d’autres publications analogues s’en chargent. C’est le cas de la revue Sciences et Avenir, dont plusieurs hors série ont dernièrement abordé des problématiques particulièrement bienvenues : Les grands paradoxes de la science, L’univers est-il sans histoire?, etc3.  Et, notons-le, des publications scientifiques lui ont emboîté le pas et explorent elles aussi ce créneau, se penchant à l’occasion sur des questions épistémologiques pointues. C’est le cas de certains numéros thématiques des revues Pour la science (les « Dossiers hors série ») et La Recherche (là aussi les « hors série », mais également « Les Dossiers de La Recherche »).

Une grande « bibliothèque »

Intermédiaire entre celles du quotidien et de l’ouvrage, la fonction d’un mensuel est habituellement de suivre l’actualité, mais avec un recul autorisant les analyses distanciées. Les revues de vulgarisation ou de science ne font pas exception à cette règle. Franchissant pour sa part un pas supplémentaire, la remarquable collection des Cahiers de Science & Vie aura progressivement constitué, au fil de ses 22 années d’existence, une véritable bibliothèque de culture scientifique et technique. À ma connaissance, c’est là un cas unique dans la francophonie et, à ce titre, il mérite d’être souligné. 

Notes :

  • 1. Même si, depuis quelques années, elle fait preuve d’originalité en rejoignant des tranches d’âge inédites : je parle évidemment de Science & Vie Junior, destiné aux adolescents, et de Science & Vie Découvertes, qui vise pour sa part les jeunes du primaire.
  • 2. C’est cette année-là que la mention hors série disparaît de la couverture des Cahiers, qui, à partir de ce moment, adoptent la forme d’un magazine régulier.
  • 3. On en trouvera la liste complète sur le site suivant : http://www.rduvert.fr/documents/sa_hs.pdf [en ligne].

  • Jean-Claude Simard
    UQAR - Université du Québec à Rimouski

    Jean-Claude Simard a longtemps enseigné la philosophie au Collège de Rimouski, et il continue d’enseigner l’histoire des sciences et des techniques à l’Université du Québec à Rimouski. Il croit que la culture scientifique a maintenant conquis ses lettres de noblesse et que, tant pour le grand public que pour le scientifique ou le philosophe, elle est devenue tout simplement incontournable dans le monde actuel.

     

    Note de la rédaction :
    Les textes publiés et les opinions exprimées dans Découvrir n'engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.

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