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Rémi Quirion, Scientifique en chef - Fonds de recherche du Québec

C’est avec intérêt que j’ai lu les cinq notes de présentation (alcoolémie au volant, commotions cérébrales, Diapason Québec, Turbo Québec, plastique circulaire) et les lettres ouvertes (commotions cérébrales, protection de la jeunesse) produites tout au long de l’année par les membres de la première cohorte de L’Interface, un programme codéveloppé par mon bureau et par l’Acfas. Derrière ces travaux se cache une volonté de contribuer à notre société par la recherche. Et dans ce domaine, le chemin est long, car on n’obtient pas des résultats du jour au lendemain en conseil scientifique. 

Lors de mon arrivée en poste en 2011, il n’y avait pas de manuel qui m’attendait sur mon bureau pour m’indiquer comment être un conseiller scientifique efficace. Au fil du temps et des échanges avec des collègues à travers le monde, j’ai affiné mon sens politique et trouvé comment contribuer aux affaires de l’État, activer les rouages adéquats, parler aux bonnes personnes au bon moment, etc. Le conseil scientifique mène parfois à des décisions, parfois pas. Par exemple, mon travail auprès du ministre Martin Coiteux l’a mené à réviser en 2018 son projet de loi qui prévoyait d’interdire la possession de certaines races de chiens. D’un autre côté, le travail de conseil scientifique sur les caribous forestiers n’a que très peu abouti, du fait des conséquences économiques et sociales qu’aurait une décision basée uniquement sur les données des biologistes.   

Les participant•es de la cohorte 2023-2024 de L'interface lors de leur visite de l'Assemblée nationale du Québec en début de parcours de formation.

Le plus grand des enseignements que tirent les participantes et participants de L’Interface est certainement celui de prendre conscience de leur place, modeste, mais incontournable, dans le processus démocratique et la prise de décision. Si les scientifiques modifient clairement la société par les innovations technologiques qu’ils suscitent (intelligence artificielle, vaccins à ARN, etc.), leur influence sur les politiques publiques ne nous apparait pas comme aussi directe. La contribution des chercheuses et chercheurs est plus diffuse, inégale dans le temps, et fortement reliée à la capacité des scientifiques à faire preuve de résilience, d’humilité et d’intelligence politique dans leur démarche. Rien qui ne s’apprenne réellement dans les livres, mais plutôt sur le terrain ! 

La contribution aux politiques publiques est affaire de relations humaines. C’est pourquoi ces notes de présentation ne sont qu’un point de départ à une longue démarche, qui demandera de la persévérance. Certains membres de la cohorte ont déjà obtenu de beaux résultats, comme Janie Houle qui par son travail a permis d’intégrer une mesure favorisant la participation des prestataires de l’assistance sociale aux projets de recherche dans le 4e plan d’action contre la pauvreté du gouvernement.

 

Peut-être qu’un jour, le taux d’alcool autorisé pour la conduite baissera à 0,05, peut-être que nos éducateurs et éducatrices à la petite enfance seront bientôt mieux outillés pour détecter les commotions cérébrales, ou encore qu’on établira des normes pour tous les systèmes de contenants réutilisables consignés. Mais il y a encore beaucoup de personnes à convaincre, de financements à débloquer, de données à collecter, de priorités à aligner. Ces documents seront amenés à être maintes fois transformés, reformulés, complétés, pour s’adapter à chaque conversation qu’on voudra avoir. 

Les auteurs et les autrices de ces documents ont maintenant intégré un peu plus formellement l’interface entre les sciences et les politiques du Québec. Dans la suite de leur parcours, ils et elles pourront compter sur mon bureau pour les appuyer, ainsi que sur toute une communauté de pratiques qui réunit maintenant plus de 1600 membres, le Forum sciences et politiques du Québec, au sein duquel ils et elles pourront échanger, s’informer et s’outiller. 

Témoignages

« J’ai pu parfaire mes connaissances sur le fonctionnement du système politico-administratif au Québec, développer des aptitudes pour analyser l’environnement politique et réaliser à quel point l’influence passe nécessairement par l’entretien de relations humaines empreintes de respect, d’écoute, d’humilité et de confiance. Il faut non seulement disposer de connaissances scientifiques solides, mais également d’appuis dans différents secteurs de la société et d’intelligence stratégique pour savoir saisir les fenêtres d’opportunité lorsqu’elles se présentent. La persévérance est également de mise, car le chemin qui mène au changement de politiques publiques est parsemé d’embûches et loin d’être linéaire. Je ressors de ce parcours de formation beaucoup mieux équipée et riche d’un réseau de collègues qui partagent cette volonté de produire du changement à l’échelle sociale. » Janie Houle, participante à l'édition 2023-2024 de L'interface.

« En tant que participante à L’Interface, j’ai rapidement compris que les relations entre sciences et politiques publiques reposent sur des valeurs essentielles. Pour développer des collaborations réussies, il est nécessaire de prendre le temps de développer une relation de confiance. La qualité des relations interpersonnelles, marquée par le respect mutuel, la transparence et l’écoute, renforce cette confiance. La neutralité des résultats scientifiques est aussi cruciale pour que nos données probantes soient perçues comme objectives. Enfin, ce programme m’a montré l'importance d’aborder les défis sans cynisme, avec une ouverture d’esprit et une volonté sincère de faire avancer les choses. » Julie Raymond, participante à l'édition 2023-2024 de L'interface.


  • Rémi Quirion
    Scientifique en chef - Fonds de recherche du Québec

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