L’encouragement toujours plus pressant au développement de soi met en tension individualisme de masse et pluralisme culturel. Depuis 30 ans, des artistes investissent cette tension; relationnelles ou furtives, en réseau ou infiltrantes, leurs pratiques articulent critique sociale - soucieuse de solidarité et de lien social - et critique artistique - soucieuse d’autonomie et de créativité. Bien que la notion « porter » y soit très souvent investie, elle n’est pas problématisée.
Par l’étude de trois projets de recherche-création, j’interrogerai en quoi « porter » est le signe d’une interrelation individuante et ainsi comment performer « porter » m’expose à l’autre. Ces projets, menés en 2022 et 2023, se déploient dans trois contextes (vie quotidienne, galerie d’art, milieu scolaire) et sous trois formes (praxis, diffusion, intervention). En résultent respectivement un processus d’intériorisation et d’assimilation en la forme d’une veille active, la média(tisa)tion d’expériences et l’invitation à une réponse au travers d’objets vecteurs, ainsi que la cocréation d’une relation de confiance.
Je voudrais démontrer qu’en investissant un geste quotidien, ces résultats font émerger une (auto)poïétique où s’articulent ce que j’emporte (bagage passé), ce que je supporte (contrainte) et ce que j’apporte (contribution) à l’autre, dans la création. Finalement, « porter » investit l’individuation en termes d’attention à l’autre, de confiance, de mobilisation et responsabilisation, invoquant autant la figure du porteur que du passeur.