Ma première communication scientifique a eu lieu à la fin de mon baccalauréat, en mars 2006, à l’Université de Moncton. C’était dans le cadre du 17e Concours des jeunes chercheuses et chercheurs de cette université, co-organisé par la Faculté des études supérieures et par l’Acfas-Acadie. J’avais alors 21 ans...
Écrire l'histoire et mon histoire
Ma communication avait pour titre Comment on écrit l’histoire de l’histoire ou l’histoire réflexive. Prolégomènes à une analyse des mutations de la conception de la discipline historique française dans la seconde moitié du 20e siècle à travers les textes programmatiques. Elle s’intéressait aux mutations des représentations que les historiens de la revue des Annales avaient de leur savoir. Cette présentation offrait un aperçu du mémoire de fin d’études que j’étais en train de produire dans le cadre de ma spécialisation en histoire. Ce concours m’intéressait pour plusieurs raisons :
- Primo, ma directrice de mémoire m’avait fortement encouragé à y participer;
- Secundo, j’envisageais déjà à l’époque de devenir professeur et chercheur. J’avais été accepté dans un programme de maîtrise à l’Université Laval où j’avais trouvé un directeur de recherche s’intéressant à l’épistémologie de l’histoire, ma passion du moment : Martin Pâquet. Celui-ci m’avait aussi encouragé à y participer pour des raisons stratégiques. Une communication scientifique serait un précieux atout dans une demande de bourses au CRSH;
- Tertio, l’exercice d’une communication scientifique me permettrait non seulement de mettre de l’ordre dans mes idées pour la rédaction du mémoire, mais aussi d’obtenir de la rétroaction d’autres chercheurs et de « tester », en quelque sorte, mes arguments.
Je me souviens que l’événement m’avait rendu assez nerveux. Je m’étais tant pratiqué devant le miroir, que je connaissais mon texte de 15 minutes par cœur!
Je me souviens que l’événement m’avait rendu assez nerveux. Je m’étais tant pratiqué devant le miroir, que je connaissais mon texte de 15 minutes par cœur!
C’est à l’occasion de cette première communication que j’ai compris l’importance de respecter les délais impartis. Nous étions chronométrés, et j’étais fier d’avoir respecté le temps alloué, ce qui malheureusement n’avait pas été le cas de plusieurs de mes collègues. Puis, ma communication a été suivie d'une période de questions. Je me souviens que le jury était formé de trois professeurs : un sociologue et deux didacticiens. Ma présentation n’avait suscité aucune question de leur part. En fait, il eut un assez long silence plutôt gênant avant qu’un autre chercheur, le philosophe spécialiste de l’Antiquité François Renaud, ne lève sa main. Mon rythme cardiaque s’était immédiatement accéléré. Il m’a dit : « Bravo M. Noël pour cette intéressante communication sur l’historiographie française. Mais l’antiquisant en moi doit vous rappeler que l’expression « passer de Charybde en Scylla » que vous avez bien employée doit se prononcer karybde et non charybde ». Je me suis depuis toujours assuré de la prononciation des mots avant toute communication!
Au final, j’ai remporté le troisième prix du concours, et j’en étais très fier. Le prix est venu en quelque sorte me donner une certaine assurance que j’étais sur la bonne voie. Le syndrome de l’imposteur guette souvent les étudiants universitaires de première génération, dont j'étais.
16 ans plus tard
J’ai maintenant 37 ans, et je suis professeur agrégé d’histoire à l’Université de Saint-Boniface à Winnipeg, au Manitoba, avec une trentaine de communications scientifiques à mon actif. Je suis également président de l’Acfas-Manitoba depuis 2017, et j’organise annuellement une Journée du Savoir permettant aux étudiantes et étudiants de relever le défi de la communication scientifique. J’encourage toujours celles et ceux qui débutent leur parcours aux cycles supérieurs de ne pas hésiter à faire l’exercice d’une première communication scientifique. Cette expérience inaugurale lancera la dynamique de production et de partage des connaissances qui est au coeur de toute pratique de recherche.
Mon conseil à la relève : ne vous inquiétez pas des questions que l’on pourrait vous poser. Voyez plutôt la communication scientifique comme une opportunité d'être entendu par vos pairs et de bénéficier de leurs rétroactions. Elle est aussi un extraordinaire moyen de mettre de l’ordre dans nos idées dans nos cerveaux de chercheurs fort occupés.
Mon conseil à la relève : ne vous inquiétez pas des questions que l’on pourrait vous poser. Voyez plutôt la communication scientifique comme une opportunité d'être entendu par vos pairs et de bénéficier de leurs rétroactions. Elle est aussi un extraordinaire moyen de mettre de l’ordre dans nos idées dans nos cerveaux de chercheurs fort occupés.
- Patrick Noël
Université de Saint-Boniface
Patrick Noël est originaire la région de la Baie des Chaleurs au Nouveau-Brunswick. Après avoir complété un baccalauréat avec spécialisation en histoire en 2006, il a fait un passage accéléré au doctorat à l’Université Laval. Il a soutenu sa thèse en 2014 sous la direction de Martin Pâquet : « Épistémologie, histoire et historiens. Considérations théoriques, méthodologiques et empiriques sur le discours que les historiens tiennent sur leur savoir ». Il a été chargé de cours à l’Université de Moncton, à l’Université du Québec à Rimouski et à l’Université Laval avant de devenir professeur à l’Université de Saint-Boniface où il œuvre depuis 2015. Ayant à son compte une trentaine de communications scientifiques et une vingtaine de publications arbitrées, il est présentement président de l’Acfas-Manitoba et de l’Association des professeurs et professionnels de l’Université de Saint-Boniface.
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