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Roderick A. Macdonald, Université McGill
L’avenir nous dira si les nouvelles approches [du droit] présagent une nouvelle conception du rapport « droit et société » et annoncent la transformation du rôle du citoyen vis-à-vis du droit, le faisant passer de sujet à source de droit.

[Ce texte a été publié une première fois en mai 2010, dans la version imprimée du présent magazine. Il est republié aujourd'hui en lien avec l'hommage que Pierre Noreau rend à l'auteur, décédé en juin 2014]

La constitution, les chartes des droits et libertés, l’égalité, l’immigration, la criminalité – voilà les sujets juridiques qui font les manchettes. Voilà aussi, cependant, autant de préoccupations du dernier millénaire qui ont peu à dire sur notre situation contemporaine et presque rien à dire concernant les défis auxquels nous ferons face au cours des 30 prochaines années.  En effet, les sociétés nord-américaines vivent présentement une transformation des assises du droit, de l’État et des politiques publiques. 

Au 19e siècle, l’État ne jouait qu’un rôle de deuxième plan quant à l’attribution et à la distribution des ressources naturelles. Les autres bénéfices de la vie communautaire, c’était la famille, le quartier, la paroisse, et l’église qui s’en occupaient.  Mis à part le cadre juridique des projets d’infrastructures – ports et canaux, chemins de fer, chemins de colonisation –, le droit ne jouait qu’un rôle mineur en structurant les activités de l’État. Le peu de recherche juridique faite à cet époque fut doctrinale et visait le droit privé – l’exégèse du Code civil.

Ensuite, le 20e siècle a vu le développement progressif de l’État providence  : dépassement des institutions non étatiques de bienfaisance, substitution de l’Église par l’État comme structure théologique, démonisation du libéralisme, de l’individualisme et de l’autonomie des citoyens en faveur des grands projets de société auxquels tout le monde fut amené à souscrire. À ce stade, le droit formel et écrit – la loi, la réglementation, les conventions collectives, les accords entre les gouvernement et le secteur parapublic, les chartes, le nouveau Code civil, les accords internationaux tels que l’ALÉNA et les tentatives de réforme constitutionnelles – prenaient une place prédominante.  La recherche juridique à cette époque ciblait le droit public, s’ouvrait aux approches théoriques critiques – néo-marxiste, féministe, herméneutique – et abordait les perspectives empiriques.

Paradoxalement, à l’aube du 21e siècle, l’arrivée de ces instruments juridiques formels et, vus d’une certaine perspective, plus monolithiques et centralisateurs à tous les niveaux –agglomérations municipales, récupération de réglementations locales par le gouvernement à Québec, exercice accru des compétences fédérales, traités internationaux, régionaux et mondiaux – eut pour conséquence la remontée et la reconnaissance du sujet de droit et de la notion d’identité comme agents fondamentaux d’une société libérale. Identité nationale, interculturalisme, autochtonie, identité et orientation sexuelle sont devenus les thèmes privilégiés. De plus, on a vu s’épanouir une recherche sociojuridique à la fois rigoureusement empirique et rigoureusement théorique. Les fausses dichotomies d’antan sont sur le point d’être transcendées. Finalement, le positivisme étatique (moniste et prescriptif), qui a dominé la recherche juridique au 19e et au 20e siècle, recule devant des approches qui sont sociologiques, pluralistes, coutumières et ancrées dans les perspectives théoriques post-post-modernes.  

L’avenir nous dira si ces nouvelles approches présagent une nouvelle conception du rapport « droit et société » et annoncent la transformation du rôle du citoyen vis-à-vis du droit, le faisant passer de sujet à source de droit.


  • Roderick A. Macdonald
    Université McGill
    Présentation de l’auteurRoderick MacDonald (1949-2014), professeur-chercheur, à la Faculté de Droit de l’Université McGill.À lire, l’hommage que lui rend Pierre Noreau.

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