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Robert Gagnon, Université du Québec à Montréal
Suivre les traces d'Urgel-Eugène Archambault dans la deuxième moitié du 19e siècle, c’est ainsi revoir les événements qui ont mené à la mise en place des grandes institutions d’enseignement primaire et universitaire.

J’ai écrit cette biographie d’Urgel-Eugène Archambault (1834-1904) parce que le personnage n’a cessé de s’imposer dans mes recherches depuis mes premiers travaux d’historien dans les années 1980. 

Premier moment : l'homme de Polytechnique

Il s’est d’abord présenté lors de mes études doctorales. Ma thèse portait sur la formation d’un groupe social, les ingénieurs francophones au Québec. Or, Archambault a joué un rôle crucial dans la naissance de ce groupe professionnel. Il est, de fait, le fondateur de l’École Polytechnique de Montréal qui a vu le jour en 1873. Qui plus est, pour assurer la survie des premiers ingénieurs diplômés francophones, l’homme a dû se battre pour les faire reconnaître socialement, notamment en obtenant la reconnaissance par l’État du niveau universitaire de Polytechnique et de son droit de décerner des diplômes d’ingénieur. Jusqu’à sa mort, il consacrera beaucoup de ses énergies à cette école d’ingénieurs et à ses diplômés. Ainsi, il réussira à doter cette institution d’un immeuble dont l’inauguration aura lieu quelques mois après son décès. Situé sur la rue Saint-Denis, l’édifice est devenu aujourd’hui le pavillon Athanase-David de l’UQAM.

Deuxième moment : l'homme de l'Instruction publique

Le principal de Polytechnique s’est imposé à moi encore une fois, au cours des années 1990, lorsque je commençai à travailler sur l’histoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Cette dernière, qui a eu pour mission d’instruire les écoliers et écolières de la ville pendant plus de 150 ans, est devenue un acteur incontournable de la scène scolaire montréalaise au moment où Archambault en devient le premier directeur général. L’homme des commissaires y occupe alors une multitude de fonctions qui le placent au centre de la vie culturelle de la métropole. Il devient aussi une figure dominante dans le domaine de l’instruction publique au Québec, puisqu’il accepte des tâches importantes que lui confie le surintendant de l’Instruction publique de l’époque.

Troisième moment : le sujet biographique

Au lieu d’attendre qu’une autre facette d’Archambault s’impose encore à moi, j’ai décidé de le déjouer en en faisant le sujet principal d’une recherche historique, ultime moyen d’en finir avec lui. J’ai donc appris à connaître ce petit instituteur laïc de Lanaudière sans diplôme qui mettra sa carrière en veilleuse, lorsque seront créées les trois premières écoles normales, pour s’inscrire à l’une d’entre elles. Très bonne idée, puisque ce petit instituteur de campagne, après avoir obtenu son diplôme, que peu de ses collègues possèdent, décrochera le poste de directeur de la première école de la Commission scolaire catholique de Montréal.

À partir de là, Archambault se tisse un réseau d’amis influents, dont les plus connus sont Pierre-Joseph Olivier Chauveau, surintendant de l’Éducation puis ministre de l’Instruction publique et Premier ministre, Gédéon Ouimet, successeur de Chauveau aux mêmes postes, et l’abbé Hospice-Anthelme Verreau, principal de l’école normale Jacques-Cartier. Outre les faits d’armes mentionnés plus haut, Archambault devient rapidement un porte-parole et un défenseur infatigable des instituteurs laïcs, les appuyant contre les attaques du clergé qui voulait que seuls les frères éducateurs enseignent dans les écoles publiques en milieu urbain.

Suivre les traces d’Urgel-Eugène Archambault dans la deuxième moitié du 19e siècle, c’est ainsi revoir les événements qui ont mené à la mise en place des grandes institutions d’enseignement primaire et universitaire. C’est aussi rappeler les luttes pour la survie des instituteurs laïcs au plus fort de l’ultramontanisme au Québec.

Ainsi, écrira-t-il en 1887 : « Mais en vertu du principe que les extrêmes se touchent, je dois vous dire que la question de l’enseignement est, au Canada, absolument l’inverse de ce qu’elle est en France : chez nous, on refuse le même droit aux laïques catholiques. L’enseignement secondaire est entièrement dans les mains du clergé; il ne nous reste donc que l’enseignement primaire qui nous est chaudement disputé par les nombreuses congrégations religieuses du pays et celles qui viennent de France s’établir parmi nous, c’est au point que nos meilleurs professeurs désertent l’enseignement du moment qu’ils peuvent trouver une situation lucrative. »


  • Robert Gagnon
    Université du Québec à Montréal

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