La reconstitution virtuelle des découvertes archéologiques s’insère dans le processus de réflexion qui fait suite à la recherche sur le terrain. Elle apporte un appui considérable à l’archéologue en définissant des repères visuels sur lesquels il peut en partie fonder ses interprétations.
L’histoire
Fils d’un riche notable de Québec, François Charon de la Barre (1654-1719) fut l’un des plus prospères marchands de fourrures de Montréal, à l’époque du gouverneur Frontenac. En 1687, il tomba gravement malade. Peu après, ayant recouvré la santé, il fut saisi de piété. Il fonda alors, sur une concession accordée par les seigneurs de Montréal à l’ouest de la pointe à Callière, un établissement charitable destiné à accueillir les invalides et les orphelins. Sur ce site, il fit construire un moulin à vent servant à moudre le grain, une brasserie fournissant la bière, entre autres, aux garnisons cantonnées sur l’île, une manufacture d’étoffes et de chanvre, ainsi que l’Hôpital général de Montréal, dont la construction s’amorça en 1692. Il fonda également la congrégation des frères Hospitaliers de la Croix et de Saint-Joseph. Au début du 18e siècle, en plus des vergers et potagers, s’élevaient donc déjà plusieurs édifices et bâtiments sur son immense terrain traversé aujourd’hui par la rue McGill.
L‘image numérique que nous vous présentons ici offre une vue sur cet établissement en 1742, à la fin de l’été. Elle a été virtuellement construite à partir des résultats de fouilles archéologiques. Ces recherches ont été menées sous la chaussée de la rue McGill par les archéologues des Entreprises Archéotec, entre les années 2004 et 2007.
L’image
La « caméra » est placée à l’angle des rues d’Youville et McGill, et l’objectif est tourné vers le nord-est. À droite, on aperçoit l’aile ouest de l’Hôpital général, splendide édifice de pierre à trois étages coiffé d’un toit d’ardoise. Au premier plan, à gauche, le moulin à grain construit vers 1704. Tout au fond, en bordure de la Petite rivière, la brasserie. Les vestiges du moulin et ceux de la brasserie, partiellement détruits par les aménagements modernes, sont toutefois conservés tels que mis au jour par les archéologues sous quelques mètres de remblais, sous la chaussée de la rue McGill. Il en est de même des pierres plates mises en place pour favoriser la croissance et la production des pommiers dans ce milieu argileux. Ces pierres ne peuvent être vues sur l’image, puisqu’elles avaient été installées sous les racines des pommiers. Le pont, à droite, et la porte pratiquée dans le mur de fortification ont été positionnés selon les détails fournis par les plans d’époque. En 1742, la ville centenaire est défendue par des remparts qui seront démolis au cours de la première moitié du 19e siècle. L’existence de conifères, de pommiers, de potagers et de plantes médicinales a été confirmée et documentée par la recherche archéologique.
La technique
Le relief du paysage ainsi que les matières et volumes des édifices ont été fabriqués à l’aide d’une technologie numérique 3D d’après les relevés des vestiges et de la surface naturelle, ce qui garantit l’exactitude de la reconstitution virtuelle. La conception de l’image a nécessité, outre une connaissance approfondie de l’évolution du site et de Montréal, l’utilisation des données scientifiques de localisation en « xyz » relevées sur les vestiges expertisés par les archéologues sous la rue McGill et dans le square des Frères-Charon.
L’usage
La reconstitution virtuelle des découvertes archéologiques s’insère dans le processus de réflexion qui fait suite à la recherche sur le terrain. Elle apporte un appui considérable à l’archéologue en définissant des repères visuels sur lesquels il peut en partie fonder ses interprétations. Elle est aussi une façon de découvrir des emplacements de la ville aujourd’hui disparus. Les points de vue, les réalités de l’époque y apparaissent d’évidence. Ce produit, très réaliste, a également le mérite de rendre accessibles les données scientifiques acquises sur le terrain par l’archéologue.
- Hélène Buteau
Archéotec
L’archéologue Hélène Buteau, qui travaille au sein des Entreprises Archéotec, construit des reconstitutions virtuelles de sites archéologiques à l’aide d’une technologie numérique 3D. Diplômée – baccalauréat et maîtrise en archéologie et DESS en muséologie – de l’Université Laval, elle puise largement dans les connaissances universitaires acquises pour la réalisation de ces scènes virtuelles. Elle voit le développement de cette spécialité comme une contribution complémentaire à la recherche par une concrétisation visuelle des observations archéologiques. Spécialiste de la culture matérielle eurocanadienne, elle utilise aussi cette technique pour reconstituer des objets à partir des fragments trouvés sur les sites archéologiques.
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