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Denis Goulet , Université de Montréal et UQAM
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Laboratoire d’anatomie-pathologie et de bactériologie, Faculté de médecine de l’Université Laval, 1914. Source : Archives de la Faculté de médecine de l'Université Laval.

Ce laboratoire d’anatomie-pathologie et de bactériologie amorce ses activités en 1914. La photographie, prise cette année-là, a servi d’illustration dans l’annuaire de l’Université Laval, annonçant avec fierté son ouverture. Le laboratoire était situé au 2e étage du pavillon de médecine dans le Vieux-Québec, à proximité de l’Hôtel-Dieu. À cette époque, les laboratoires de pathologie et de bactériologie étaient généralement séparés pour éviter les contaminations. Mais la Faculté de médecine1 ne disposait pas des espaces suffisants pour aménager deux laboratoires distincts. Dix ans plus tard, les autorités universitaires procéderont à l’agrandissement et à la rénovation de l’immeuble. Inauguré en septembre 1924, il comportera deux laboratoires.

La vie de laboratoire

Après leurs leçons théoriques, les étudiants enfilent leur sarrau et se rendent dans ce laboratoire, accompagnés de leur professeur, pour y recevoir des leçons pratiques d’anatomie pathologique et de bactériologie. On les imagine debout devant ces grandes tables recouvertes de lave émaillée et reposant sur de lourdes pattes de bois tournées.  Leur professeur les initie aux méthodes d’observation et de manipulation de pièces anatomiques macroscopiques et microscopiques, ainsi qu’à la manipulation des bactéries.

Dans le grand lavabo, au centre de la pièce, un assistant de laboratoire prépare les pièces pathologiques, par exemple des organes (foie, rate, intestin...) prélevés sur les patients décédés. Grâce à la tuyauterie qui parcourt la bordure des tables, les étudiants apprennent à utiliser les becs de gaz, dont la flamme sert à la stérilisation. D’autres se penchent à tour de rôle sur le microscope qu'on voit au centre de la photographie, où ils observent la morphologie des bactéries ou des tissus des organes.

Un assistant soulève la grosse cloche de verre, qui abrite un ou deux organes. Le professeur les examine et décrit les altérations pathologiques. Entre les deux cloches, on entrevoit un autre microscope grâce auquel les étudiants, à tour de rôle, examinent les échantillons de sang, de crachats ou de tumeurs fournis par le professeur. Ce dernier se promène au centre entre les deux tables, observe les étudiants et leur donne des conseils, attirant parfois leur attention sur une pièce pathologique rare ou sur un microbe particulièrement dangereux.

Au fond de la pièce, à gauche de la photographie près du mur, on aperçoit des appareils de stérilisation, parmi lesquels se trouvent des autoclaves, sorte d’autocuiseurs dans lesquels les assistants font bouillir de l'eau; cette enceinte hermétiquement close augmente la pression et atteint des températures de 100 °C d'ébullition. On y voit aussi des étuves et probablement une centrifugeuse. À droite de ces appareils, on distingue un four Pasteur, aussi utilisé pour la stérilisation. Cette opération essentielle est effectuée par les assistants de laboratoire. On élimine ainsi les micro-organismes de la surface des objets, et ce, de manière durable. Cela évite la contamination des personnes présentes dans le laboratoire et aide à maîtriser les micro-organismes introduits dans le milieu d'étude. Un microscope est disposé devant ces appareils ainsi qu’un microtome, appareil dédié à l’étude par coupe histologique des tissus et des cellules.

Sur les grandes tables de gauche sont déposés des bocaux et éprouvettes qu’utilisent les assistants et les étudiants pour diverses préparations. La grande armoire vitrée en bois contient des pièces pathologiques ainsi que des produits servant aux manipulations anatomiques et bactériologiques, notamment aux procédés de coloration pour l'étude et la classification des bactéries. On aperçoit en haut de l’armoire, sur la deuxième tablette, des boîtes de Petri, qui servent de milieux de culture et peuvent contenir des extraits de levure, par exemple. Pour l’époque, ce laboratoire est fort bien équipé.

Monsieur le Directeur

Le directeur de ce laboratoire était le Dr Arthur Vallée, qui avait suivi une formation en pathologie et en bactériologie à Paris, notamment à l’institut Pasteur. Ces deux disciplines en plein essor constituent alors l’armature de la médecine de laboratoire, qui prendra de plus en plus d’importance en enseignement et en recherche dans les facultés de médecine. C’est d’ailleurs des laboratoires de pathologie qu’émergeront les premières grandes recherches médicales au Québec. Quant au développement de la bactériologie, il se produit au moment où l’incidence des maladies infectieuses, telles que la tuberculose, est très élevée dans la population québécoise.

Labo
Laboratoire d’anatomie-pathologie et de bactériologie, Faculté de médecine de l’Université Laval, 1914. Source : Archives de la Faculté de médecine de l'Université Laval

 

  • 1NDLR : Un merci particulier à la Faculté de médecine de l'Université Laval pour cette magnifique photographie qui symbolise bien l'histoire de la recherche et ses lieux de pratique. Une histoire de la Faculté de médecine de l'Université est présentement en cours de rédaction, par l'historien Denis Goulet. Vous trouverez à cette adresse quelques photographies supplémentaires : http://www.fmed.ulaval.ca/donnez-a-la-faculte/livre-histoire-de-la-faculte/

  • Denis Goulet
    Université de Montréal et UQAM

    Denis Goulet est professeur associé et chargé d’enseignement à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et professeur associé à l’UQAM. Il a publié de nombreux ouvrages et articles scientifiques sur l’histoire de la médecine au Québec, dont L'histoire de la médecine au Québec1800-2000 avec Robert Gagnon (Septentrion, 2014) et L'Hôpital Maisonneuve-Rosemont : Une histoire médicale 1954-2004 (Septentrion, 2004).

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