L’impartialité se définit-elle comme une neutralité désengagée, comme l’affirme John Rawls, ou comme un accord engagé (un consensus) comme le soutient Jürgen Habermas?
Les questions que soulève ce débat prennent tout leur sens lorsque posées dans le contexte actuel. À l’heure où nous pouvons affirmer que la sécularisation du monde occidental est achevée, nous remarquons parallèlement une recrudescence imprévue de certains mouvements religieux et de leur politisation. Que proposent Rawls et Habermas pour résoudre les conflits entourant l’expression religieuse dans l’espace public, conflits auxquels toutes les sociétés occidentales sont aujourd’hui confrontées? Les solutions amenées par les auteurs peuvent-elles être concrétisées?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous effectuerons d’abord un bref exposé des conceptions qu’ont Rawls et Habermas de la démocratie.
Nous montrerons ensuite quelles sont, pour Habermas et à l’encontre de Rawls, les présuppositions cognitives nécessaires aux citoyens laïques et religieux dans l’usage public de la raison, et soulignerons par le fait même l’originalité et l’intérêt de la contribution habermassienne pour cette question.
En déconstruisant le processus de « traduction » auquel nous convie Habermas, nous souhaitons cependant – et finalement – démontrer que l’admission des raisons religieuses au sein du discours éthico-politique affaiblit grandement, pour ne pas dire qu’elle anéantit le caractère épistémique de ce même discours.