Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.
Louise Toutée, journaliste scientifique

« Je me suis aperçue que beaucoup de procédés juridiques avaient été imposés aux communautés autochtones par l'État », raconte Fannie Duverger, lauréate France des prix de thèse en cotutelle France-Québec 2024, parrainé par le Consulat général de France à Québec. « L'objectif de ma thèse, c'est de proposer de s'inspirer des processus démocratiques autochtones, et de tolérer davantage la diversité et les traditions. »

C’est une rencontre à l’adolescence avec les Peul, ce peuple d’Afrique de l’Ouest, qui fait naître chez Fannie Duverger un intérêt pour les idées autochtones et la façon dont elles remettent en question les notions occidentales. Lors de sa maîtrise en droit, la chercheuse s’intéresse au droit autochtone pour s’interroger sur l’universalité des droits humains. Pour son doctorat, elle voulait cette fois-ci questionner l’existence d’une conception uniforme de la démocratie, souvent présupposée dans le monde juridique. Réalisée en cotutelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l'Université de Montréal, sa thèse de droit public étudie comment les États prennent en compte des conceptions variées de la représentation politique.

Pour répondre à cette question, Fannie Duverger a comparé l’attitude de la France envers les modes de représentations législatifs des peuples autochtones de Nouvelle-Calédonie, de Guyane et de Wallis-et-Futuna, avec celle du Canada envers ceux des Nations Iroquoises, Nisga’a et Wet’suwet’en. 

C’est une rencontre à l’adolescence avec les Peul, ce peuple d’Afrique de l’Ouest, qui fait naître chez Fannie Duverger un intérêt pour les idées autochtones et la façon dont elles remettent en question les notions occidentales.

Des similitudes émergent rapidement. « L'État a souvent poussé les systèmes démocratiques autochtones à se conformer au modèle occidental. Il impose notamment que les constitutions soient écrites, et qu'il y ait des élections », explique la chercheuse. Lors de son arrivée au Canada en 2019, celle-ci a pris connaissance des débats au sein de la nation Wet’suwet’en au sujet du gazoduc Coastal GasLink; débats qui mettaient en lumière des tensions résultant du modèle électoral. « Il y avait une opposition entre les chefs héréditaires et les chefs élus. Je me suis rendue compte qu'il y avait des oppositions similaires en Nouvelle-Calédonie. »

Une bannière et un drapeau Haudenosaunee sur un wagon-citerne arrêté à Vaughan, en Ontario, lors d'un événement de protestation le 15 février 2020 en solidarité avec les chefs héréditaires Wet’suwet’en s'opposant au pipeline Coastal GasLink. / Crédit : Wikimedia Commons

La chercheuse a cependant constaté que la tolérance pour la représentation traditionnelle des premiers peuples différait entre les États. « Le droit canadien reconnaît les peuples et les traditions juridiques autochtones. Pour autant, dans la réalité, la reconnaissance concrète de leurs systèmes politiques reste assez limitée », explique la chercheuse. En France, « il n’y a juridiquement que des citoyens français. Des citoyens autochtones, ça n’existe pas. » Pourtant, « il y a des chefs coutumiers non élus reconnus par la loi. » 

La thèse identifie des pistes de solution pour permettre une meilleure cohabitation entre les droits autochtone et occidental. La chercheuse mentionne le « consociativisme », un modèle politique permettant aux démocraties d’opérer avec des groupes minoritaires importants. Certains principes du modèle, que l’on peut observer en Belgique ou en Irlande du Nord, pourraient être appliqués aux relations avec les peuples autochtones. « On pourrait donner un droit de véto à une assemblée autochtone lorsqu’on vote des lois les concernant », cite-t-elle comme exemple.

Pour concrétiser ces idées, un dialogue avec les communautés autochtones s’impose, selon Fannie Duverger. Les confinements liés à la COVID-19 ont malheureusement empêché la chercheuse de réaliser le travail de terrain qu’elle souhaitait faire au Canada. Néanmoins, son séjour au Québec aura été enrichissant, notamment pour le cours de méthode, absent du curriculum français. « J’étais moins complexée de dire que je faisais de la pluridisciplinarité. Je me servais de données anthropologiques pour appuyer ma thèse, qui reste d’ordre juridique. »

La thèse identifie des pistes de solution pour permettre une meilleure cohabitation entre les droits autochtone et occidental. La chercheuse mentionne le « consociativisme », un modèle politique permettant aux démocraties d’opérer avec des groupes minoritaires importants.


  • Louise Toutée
    journaliste scientifique

    Louise Toutée a obtenu un baccalauréat en sciences cognitives à l'Université McGill, où elle s'est initiée au journalisme en s'impliquant dans la presse étudiante francophone. Après une maîtrise en anthropologie à l'Université d'Oxford, elle fait ses premiers pas dans le monde de la communication scientifique en remportant l'édition 2024 de la bourse Fernand-Seguin.

Vous aimez cet article?

Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.

Devenir membre Logo de l'Acfas stylisé

Commentaires