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On est en 2003. Je viens d'arriver à l'Acfas où entre autres mandats j'ai à coordonner un événement. Ce sera l'occasion de rencontrer et d'entendre pour la première fois Claude Villeneuve, alors professeur-chercheur à l'Université du Québec à Chicoutimi. Il coprésidait, avec le paléoanthropologue français Pascal Picq, le Forum international Sciences Société, un événement réunissant le temps d'une fin de semaine des collégiens et collégiennes avec des chercheuses et des chercheurs. La forte complicité des coprésidents, mêlée d'humour et d'humanisme, avait produit une ambiance si favorable aux échanges et à la réflexion que l'année suivante nous les avions réuni de nouveau. Merci Pr Villeneuve.

Pour rendre hommage à l'homme engagé, décédé le 19 mai dernier, nous avons choisi ici une sélection de quelques moments venant souligner cette vie dédiée à la réflexion et à l'action pour la cause environnementale.

Claude Villeneuve
Claude Villeneuve et ses proches. Source : une des photographies proposées par Claude Villeneuve en 2022, à la demande de l'Acfas, en lien avec la remise de son Prix Acfas Pierre-Dansereau.

2022 : Lauréat du Prix Acfas Pierre-Dansereau

En 2022, Claude Villeneuve sera le onzième lauréat de ce prix et le premier avec un profil environnement. Ce prix créé en 2012 en l’honneur de Pierre Dansereau, pionnier de l’écologie, scientifique et humaniste souligne l'excellence et le rayonnement de travaux et d'actions qui, en lien avec sa recherche scientifique, ont contribué à améliorer la qualité de la vie en société. Nulle doute que ce prix nommé en l'honneur d'un écologue engagé dans sa société lui allait particulièrement bien.

Extrait de la biographie présentant le lauréat :

Le lauréat a d’ores et déjà transmis à l’ensemble de la société québécoise un legs plutôt rare, la création d’un nouveau métier : l'écoconseil. Grâce à lui et à nombreux collaborateurs, on forme désormais au Québec des personnes capables d’accompagner des entreprises, des individus ou des gouvernements désireux d’intégrer pleinement à leur développement économique et social, les enjeux éthiques, énergétiques et environnementaux nécessaires à la vitalité planétaire. Voilà un scientifique d’emblée convaincu que l'éducation est bien la seule manière pacifique et constructive d’amener les humains à exprimer le meilleur de leur Nature.

Dès 1983, avec Des Animaux malades de l’Homme? et par la suite avec ses cours par correspondance sur l’environnement québécois, Claude Villeneuve outille les consciences pour changer les choses. Il s’engage à l’échelle internationale avec le Programme international d’éducation relative à l’environnement et le Programme de l’homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO. En 1988, fort d’un mandat de l’UNESCO, il crée un premier cours universitaire sur le développement durable à l’UQAC.  En 1990, Claude Villeneuve publie le premier des cinq ouvrages tous publics qu’il écrira sur la question des bouleversements climatiques, intitulé Vers un réchauffement global? Il a compris, il agira. Dès 1991, il amorce cette grande aventure que constitue, pour une université, la création en ses murs d’un contenu académique nouveau et original en organisant les Universités d’été internationales sur le développement durable, où l’on invite des étudiant·e·s de toute la Francophonie. En France, déjà loin du prêt-à-penser, il dirige l'Institut Éco-Conseil de Strasbourg. Il propose à son retour au Québec de faire de l’UQAC le lieu de développement et de formation de ce nouveau métier. Les autorités universitaires saguenayennes instaurent ainsi au tournant des années 2000 le Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en écoconseil, qui compte aujourd’hui quelque 200 diplômé·es.

L’aventure ne fait que commencer! À partir des développements de la recherche conduite dans le cadre de la Chaire en écoconseil qu’il a aussi créée en 2003, le Pr Villeneuve propose à l'UQAC d’ajouter « à sa carte » (en 2008 et 2010) deux programmes courts de cycles supérieurs, l’un en écoconseil et l’autre en gestion durable du carbone forestier. Et comme rien ne l’incite à s’arrêter en si bon chemin, trois autres programmes viendront successivement sertir l’offre de l’université en la matière : Développement durable appliqué, Enjeux énergétiques et écoconseil, Analyse systémique de durabilité. C’est d’un vaste programme universitaire dont il s’agit ici, qui attire aujourd’hui au Québec de jeunes praticien·ne·s de toutes provenances disciplinaires et géographiques.

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2019 : Pour une petite empreinte carbone de moins d’une tonne

En novembre 2019, Claude Villeneuve signe un article dans le dossier spécial sur les changements climatiques de Québec Science, réalisé en collaboration avec le réseau de l’Université du Québec. Il y faisait mention de son empreinte carbone : « Depuis plusieurs années, ma conjointe et moi avons modifié notre façon de vivre et mesurons minutieusement nos émissions de gaz à effet de serre. Résultat : nous en produisons chacun 680 kg par année ». Nous l'avons donc invité le mois suivant à nous faire part du comment il en arrivait à ce poids plume. Il y déploie son approche autour de quatre domaines : transport, alimentation, déchets et autres dépenses

Extrait d'un texte signé par Claude Villeneuve :

Une empreinte carbone annuelle à moins d’une tonne? Au Québec, si on a un chauffage électrique, il est relativement facile de réaliser une telle performance. Il faut alors « travailler » sur le transport et l’alimentation puisque l’électricité possède une très faible composante carbone en raison du parc de production essentiellement alimenté d’énergie de sources renouvelables. Seules les Îles de la Madeleine et quelques communautés nordiques isolées du réseau font exception à ce constat. Voyons donc, comment on peut y arriver et ce, en partant de mon expérience personnelle.

Pour produire une tonne d’émissions de CO2, il suffit de brûler 400 litres d’essence. C’est un budget vite consommé pour une personne célibataire qui conduit une voiture consommant huit litres aux cent kilomètres. En revanche avec une voiture hybride les émissions coupent de moitié. Si la voiture hybride sert pour une famille de quatre personnes, le bilan baisse d’autant, puisque le véhicule réalise alors une performance meilleure que celle d’un autobus urbain rempli à pleine capacité. Donc, le covoiturage en famille ou entre voisins permet d’égaliser les choses entre les rats des villes et les rats des champs. Ma conjointe et moi avons une auto hybride branchable qui parcourt 12 à 13 000 kilomètres par année, et je covoiture avec ma fille pour aller à l’Université. En 2018, notre consommation totale de carburant a été de 310 litres. Cela représente la plus grande partie de notre empreinte carbone pour deux personnes. On parle d’un maigre 365 kilos par personne par année. Cette partie de l’empreinte carbone ne comprend que l’utilisation de l’auto. Pour une auto conventionnelle, la phase d’utilisation représente plus de 85% des émissions de GES. Les émissions de cycle de vie doivent être divisées par le nombre d’années d’utilisation, ce qui est relativement négligeable. Pour un véhicule électrique utilisé au Québec, les émissions de la phase utilisation sont presque nulles alors que les autres émissions de GES liées au cycle de vie ramenées à un kilomètre parcouru sont encore très faibles.

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2013 : Parution de son ouvrage - Est-il trop tard, le point sur les changements climatiques

En 2013, Claude Villeneuve publie son 3e ouvrage sur la crise climatique. Le premier, paru en 1990, s'intitulait Vers un réchauffement global?. Le titre de ce 3e se passe de commentaire. Ci-après, partageant son inquiétude, mon compte-rendu d'alors de cet ouvrage.

Extrait du compte-rendu de l'ouvrage :

Dans le dernier livre de Claude Villeneuve, on y sent monter son niveau d’impatience aussi certainement que celui des océans.

L’homme dont le « sujet ne le quitte plus » depuis 23 ans, publie un premier ouvrage sur la question en 1990, Vers un réchauffement global? (Léon Rodier, coauteur). Onze ans plus tard, en 2001, le point d’interrogation a pris le bord, et il faudra Vivre les changements climatiques (François Richard est coauteur). Il réédite cet ouvrage en 2005, sous-titré Quoi de neuf, et en 2007, sous-titré Réagir pour l’avenir.

Est-il trop tard?

Cette question a quelque chose d’obsédant. Un petit nuage gris et stationnaire. Et pendant toute la lecture, elle tarabuste. Toute la lecture, en effet, car pour obtenir réponse, on doit conquérir la complexité des enjeux. Cumulant les indices, prenant note des évidences. Comme dans un suspense, dont on serait les « vrais héros ». Et cela vaut la peine de ne pas « tricher » et de faire l'effort d'emprunter tous les détours. Alors vous aurez droit à une superbe leçon de science bien engagée dans son réel. Tout y passe : sciences du climat, modélisations, effets sur tous les systèmes, présentation du GIEC, protocoles politiques, marché du carbone, solutions technologiques, etc. Et comme jamais, l’humanité n’a connu pareil défi, préparez vous à emmagasiner beaucoup d’informations.

Mais est-il trop tard?

Hum... je pense que je ne dévoilerai pas la fin, pour vous inciter au voyage. Mais je retiendrai ici, question de maintenir la tension, un élément qui ressort de l’ouvrage : les risques très élévés d'une accélération couplée à la non linéarité de ce système complexe composé de plusieurs sphères en interaction : anthropo, bio, cryo, hydro, atmo.

Les douze petits tableaux ci-dessous présentent une sélection de courbes ayant pris leur décollage dans les dernières décennies. Cet envol exponentiel crée des « pressions sans précédent sur l’environnement » souligne Villeneuve, et si « on les prend ensemble, en termes de magnitude, de vitesse d’évolution et de simultanéité, ces forces directrices constituent une situation qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la planète ».

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  • Johanne Lebel
    Acfas

    Johanne Lebel est au service de l'Acfas depuis 2003. Elle est rédactrice en chef du Magazine de l'Acfas et responsable des publications, dont la collection des Cahiers scientifiques. Elle a aussi la responsabilité du Forum international Sciences Société, des Prix Acfas et du concours La preuve par l'image. Avant d'exercer ce métier de « communication des connaissances » à l'Association, elle le pratiquait dans le champ muséal. Elle y a réalisé des expositions d’histoire, d’art et de science. D’esprit transdisciplinaire, elle est curieuse de tous les savoirs, et elle s’intéresse tout particulièrement aux approches "systèmes", telle la théorie de la complexité, la théorie des réseaux et la théorie des systèmes dynamiques non linéaires.

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