Pourquoi le sommeil de leur progéniture a-t-il la réputation d’être un « casse-tête » pour les parents? Des données de recherche ont montré que le sommeil change à une vitesse grand V entre 0 et 2 ans. Cette une véritable « danse » entre parents et enfants qui, rythmée par ces changements, demande une grande capacité adaptative. Les besoins de l’enfant, mais aussi ceux des parents sont à prendre en compte pour ne pas se « piler » sur les pieds ou pour ne pas (trop) priver de sommeil tous les « danseurs ». À l’instar de la marche, le sommeil se développe à un rythme propre à chaque enfant, et c’est un apprentissage inné qui se fait sainement si les conditions sont propices. Depuis une vingtaine d’années, je m’intéresse aux facteurs internes et externes à l’enfant qui influencent le développement de leur sommeil. Enfin, j’investigue les répercussions du manque de sommeil sur le fonctionnement de l’enfant, mais aussi sur celui de la famille.
Quelle part votre subjectivité, vos valeurs, vos passions ont-ils dans votre pratique de transmission?
J’utilise mes habiletés sensibles en relation d’aide pour créer un lien de confiance. Mon savoir-être, ma bienveillance, mon ouverture et mes valeurs de partage teintent ma pratique de transmission. Savoir être à l’écoute des expériences des parents en faisant preuve d’empathie est essentiel pour les aider à comprendre les défis rencontrés. Savoir concilier « l’expérientiel » des familles et « la science du sommeil » est un atout en vulgarisation. Dialoguer avec les parents à partir données issues de travaux réalisés auprès des enfants permet, entre autres, de mettre en lumière les atouts, mais aussi les failles de la recherche et donc d’apporter les nuances nécessaires. Cet échange permet aux parents de se dégager émotionnellement de la situation pour y remédier de façon plus objective. Transmettre de la connaissance me permet de me connecter avec mes valeurs de soutien à la communauté. De plus, mon engagement en vue d’une meilleure santé publique pour la génération future allume ma motivation à identifier les bonnes questions de recherche, des questions bien connectées aux besoins des familles.
Comment vos pratiques de transmission ont-elles évolué avec le temps?
Mon objectif a toujours été celui d’améliorer le sommeil des enfants et d’aider directement les adultes dans leurs pratiques parentales entourant le sommeil. Toutefois, la course folle aux subventions distribuée sur la base du nombre de publications scientifiques et sur une forte participation aux congrès s’est avéré un frein pour m’impliquer dans cette voie. Puis, l’arrivée de la pandémie a interrompu les collectes de données et ralenti ma participation aux congrès. Cependant, cette situation a aussi été porteuse d’une nouvelle opportunité.
Pour la période de confinement du mois d’avril 2020, une étude a montré une diminution de la qualité du sommeil chez les bébés et les enfants d'âge préscolaire. Le stress du parent a été identifié comme le facteur le plus fortement associé à la qualité du sommeil de l'enfant . Ce type de données brossait un portrait où les familles rapportaient des besoins criants en termes d’aide. J’ai alors participé à la création d’un coffre à outils pour soutenir les familles, soutenu par la Fondation Jasmin-Roy, ce qui m’a reconnecté sur l’importance d’une transmission directe aux familles. Puis, l’obtention d’une subvention Dialogue (FRQ, 2021-2022) m’a donné les moyens de créer un projet web « Apprendre à dormir comme à marcher » avec le soutien d'expertes en transfert des connaissances d’Immersience. Ces deux expériences m’ont recentré sur un aspect essentiel du métier de chercheuse, soit celui d’être au service de la communauté, et dans ce cas-ci au service des familles pouvant bénéficier de données probantes sur le sommeil de l’enfant.
À la lumière de votre parcours, d’où vient cette envie de transmettre?
La première image d’une envie de transmission remonte à mon entrée à l’école primaire. Je jouais toujours à la professeure, c’était mon jeu préféré. Tout était prétexte pour transmettre les choses que j’avais apprises. Ma professeure de deuxième année m’avait fait un commentaire plutôt négatif en me disant : « on sait bien vous, Mademoiselle Touchette, vous savez tout ». Ce commentaire illustre l’ingrédient essentiel d’une saine transmission du savoir, l’humilité de reconnaître où s’arrête notre connaissance. Connaître un sujet n’est pas tout et l’art de transmettre s’acquiert par l’expérience se conjuguant idéalement avec une analyse réflexive du geste de transmission. Ma rencontre avec la Dre Catherine Lord, courtière en transfert des connaissances d’Immerscience, a été déterminante dans ma façon de partager mes savoirs. Je ne vise plus un monologue, mais bel et bien un dialogue avec le « village » entourant l’enfant qui inclut les parents et les professionnels de l’enfance. Cette approche permet de mieux comprendre les besoins en information et de s’y adapter adéquatement. Lorsque la magie du dialogue s’opère, cette rencontre entre la science du chercheur et les expériences des parents permet de produire des résultats validés, utiles et bienveillants.
Je ne vise plus un monologue, mais bel et bien un dialogue avec le « village » entourant l’enfant qui inclut les parents et les professionnels de l’enfance. [...]. Lorsque la magie du dialogue s’opère, cette rencontre entre la science du chercheur et les expériences des parents permet de produire des résultats validés, utiles et bienveillants.
Référence
- Markovic, A., Mühlematter, C., Beaugrand, M., Camos, V., & Kurth, S. (2021). Severe effects of the COVID‐19 confinement on young children’s sleep: A longitudinal study identifying risk and protective factors. Journal of sleep research, 30(5), e13314.
- Evelyne Touchette
Université du Québec à Trois-Rivières
Département de psychopédagogie
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