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Chloé Bourquin, Polytechnique Montréal

Le rôle des communicateurs scientifiques est avant tout d’expliquer la science et de la rendre accessible pour le grand public. Certes leur métier n’est pas toujours un long fleuve tranquille et diverses controverses croisent parfois leur pratique. Mais rien ne les prépare à faire face à des attaques personnelles, au cyberharcèlement, voire à des menaces de mort.

Chloé Bourquin

[Cette discussion intitulée Dans la peau d’un communicateur scientifique faisait partie en 2021 de Science-moi! la programmation tous publics à l’occasion du Congrès de l’Acfas présentée par Hydro-Québec en partenariat avec les universités de Sherbrooke et Bishop’s, et l’Association des communicateurs scientifiques du Québec pour cette activité précisément.]

Au cours des dernières années et plus particulièrement depuis le début de la pandémie, la diffusion de la science et des connaissances a été bouleversée. Le rôle des communicatrices et ds communicateurs scientifiques est devenu pluriel : fournir un bagage scientifique pour comprendre le fonctionnement d’un virus ou d’un vaccin, expliquer les dessous de la recherche scientifique, rassurer la population, porter un œil critique sur les mesures sanitaires, déconstruire les fausses nouvelles, donner des outils pour lutter contre la désinformation, informer au jour le jour sur l’évolution générale des connaissances (et de leurs limites)…

Cette question a été abordée avec plusieurs communicateurs et journalistes scientifiques lors d’un panel organisé durant le congrès de l’Acfas, en mai 2021. Trois intervenants ont expliqué comment ils avaient peu à peu endossé tous ces rôles à la fois et le poids des responsabilités qui en découle. « Aux Décrypteurs, nous avons aussi un rôle de soutien émotionnel pour la population et notamment pour les familles de complotistes, mais on n’est pas formés pour ça”, souligne Bouchra Ouatik, journaliste scientifique chez Radio-Canada.

Si les attaques contre les communicateurs scientifiques avaient déjà cours sur des sujets aussi variés que la vitamine C, l’homéopathie ou encore les régimes, elles se sont multipliées depuis un an et demi. Selon Bouchra Ouatik, tous les journalistes aux Décrypteurs ont depuis reçu des menaces de mort; en mai 2021, à la suite d’une vidéo publiée sur Instagram pour démentir certaines rumeurs propagées par des influenceurs à propos de la COVID-19, l’initiative de vulgarisation Faut qu’tu m’expliques a reçu des dizaines de messages haineux sur les réseaux sociaux; à Québec Science, Marine Corniou a été cyberharcelée depuis fin juillet 2021 par des défenseurs du Pr Didier Raoult. « La science a subi un véritable tsunami de polarisation cette année. Le communicateur scientifique n’a pas l’habitude de porter une armure de chevalier et de s’en aller guerroyer », a avancé lors du panel Jean-René Dufort, animateur de l’émission Infoman.

Olivier Bernard dit le Pharmachien, pour sa part, avait déjà fait de la lutte contre les pseudosciences son combat quotidien bien avant la pandémie, malgré les polémiques qui pouvaient parfois s’abattre sur lui. « Je ne me censure pas, mais j’aspire à le faire. C’est tellement intense, le stress qui vient avec la gestion des réseaux sociaux. Tu as l’impression que tu es investi de tous les combats, mais tu dois apprendre à mieux les choisir », confiait-il.

Face à ces menaces, la communauté des communicateurs scientifiques s’est organisée pour dénoncer ces pratiques, soutenir leurs collègues victimes de cyberharcèlement et appeler à l’action. Une éducation au décodage de l’information dès le plus jeune âge, un plus grand soutien de la part des réseaux sociaux, une meilleure protection juridique… De nombreuses pistes de solutions ont été proposées. Reste à savoir si elles seront entendues et si les communicateurs scientifiques pourront enfin laisser leur armure de côté, ou s’ils devront dorénavant la garder sur eux pour exercer leur métier.

 

Note de la rédaction : Les textes publiés et les opinions exprimées dans le Magazine de l'Acfas n’engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.

 


  • Chloé Bourquin
    Polytechnique Montréal

    Chloé Bourquin est étudiante au doctorat en génie biomédical à Polytechnique Montréal. Elle est titulaire d’une maîtrise recherche dans le même domaine, et d’un diplôme d’ingénieur (ESPCI Paris). Souhaitant se lancer en journalisme scientifique, elle a pu effectuer en parallèle de son doctorat des formations et suivre des cours en vulgarisation et en communication scientifique, ainsi qu’un stage chez l’Agence Science-Presse.

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