Je suis entré à l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec en août 2018, pour y commencer des études dans l’élevage de plantes et des animaux aquatiques. Rapidement, j’ai eu le plaisir de me joindre à l’équipe Merinov1, pour assister le chercheur Éric Tamigneaux sur un projet dédié à Palmaria Palmata, une algue rouge comestible.
Je dois dire que le domaine des algues m’était alors inconnu. J’avais principalement travaillé en laboratoire sur des invertébrés marins ou encore en mer, sur le bateau de recherche des Îles de la Madeleine (huîtres, homards, crabe des neiges, etc.). Très vite, j’ai appris à maîtriser de nouveaux instruments de recherche ainsi que de nouvelles méthodes d’analyse, et j’ai peu à peu développé un engouement pour la recherche portant sur les macroalgues marines.
Du laboratoire à la mer
Il existe pour cette algue rouge un marché bien établi dans l’est du Canada, du golfe du Saint-Laurent à la baie de Fundy, mais aussi au sud de la frontière, dont l’État du Maine. Elle est commercialisée sous le nom de petit goémon ou dulse en anglais, et son usage est principalement réservé à la consommation humaine. On en parle comme d’un « légume de mer ». L’industrie s’approvisionne grâce à la cueillette qui se fait principalement dans les champs d’algues de l’île de Grand Manan (Nouveau-Brunswick) et sur les berges des provinces du golfe (Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve).
Il reste cependant beaucoup à connaître quant aux caractéristiques de la dulse. Mais grâce, entre autres, aux études récentes de l’équipe d’Éric Tamigneaux (2016-2017), nous savons désormais que son cycle reproducteur s’étale sur deux générations et que la fécondation (cette rencontre « nuptiale » des gamétophytes mâles et femelles) a lieu à l’automne (octobre à novembre) lorsque la température de l’eau avoisine les 4 degrés Celsius. Considérant ce cycle reproducteur particulier, la présence de cette espèce est assez limitée dans notre écosystème. C’est pourquoi, considérant sa valeur alimentaire et commerciale, mais aussi la précarité de cette ressource, il serait bénéfique pour l’industrie aquacole nord-américaine d’établir une technique de culture appropriée à ces conditions.
Quelques équipes de chercheur-se-s scandinaves, écossais et américains travaillent à développer une méthode optimale de culture. Du côté du Centre d’innovation et de développement de l’industrie des pêches et de l’aquaculture (Merinov) et l’EPAQ (École des pêches et de l’aquaculture du Québec), nous avons fait des recherches pour déterminer la façon optimale « d'ensemencer » les collecteurs, ces structures d’aquaculture particulières où l’on dépose les spores de l’algue afin d’y réaliser une sporulation artificielle. Cette étape réalisée, on transfère ces collecteurs directement en mer pour la suite des observations.
Nous réalisons aussi des tests en bassin intérieur, et ce depuis quelques années déjà. Certains de ces projets sont réalisés en partenariat avec l’ Association de gestion halieutique autochtone Mi'gmaq et Malécite (AGHAMM). Ces tests donnent des résultats très concluants jusqu’à maintenant, et nous sommes impatient-e-s de poursuivre.
Neuronalgue
Le projet de Merinov, d'où la photo de l’article provient, est appelé « Neuronalgue ». Sans rentrer trop dans les détails, puisque plusieurs aspects sont confidentiels (c’est dans la nature des centres collégiaux de transfert de faire de la recherche en collaboration avec les entreprises), notre équipe, toujours sous la direction d’Éric Tamigneaux, jumèle ici ses efforts de recherche aquacole à une équipe de pharmacologie de l’Université Laval. De fait, il semblerait qu’un certain acide aminé sécrété par la dulse aurait des effets bénéfiques voire curateurs sur la maladie d’Alzheimer. Dans la nature, cette molécule protègerait les rhodophycées ou algues rouges (une classe de l'embranchement des Rhodophytes) contre les rayons du soleil et agirait comme une « crème solaire » la protégeant des rayons UV.
Plusieurs paramètres physico-chimiques et biologiques ont donc été ajoutés à certaines de nos méthodes d’ensemencement et de culture, afin de percer le mystère de cette précieuse ressource marine, et ce, dans le but d’optimiser la production de cette molécule d’intérêt pharmaceutique. Pour la seconde partie du projet, réalisé avec l’Université Laval, des quantités de cette substance seraient administrées à des souris atteintes de la maladie, afin d’analyser le potentiel curateur ou non de cette dernière.
Dans l’assiette ou en clinique, Palmaria Palmata vaut certainement tous les efforts de recherche pour en optimiser la culture.
- 1Merinov est le Centre d'Innovation de l'aquaculture et des pêches du Québec, relié au réseau des Centres collégiaux de transfert.
- Tristan Reesor
École des pêches et de l’aquaculture du Québec à Grande-Rivière
Tristan Reesor est un grand passionné de tout ce qui touche à la vie aquatique et ce depuis sa tendre enfance. Déjà, à 14 ans, il avait dressé un inventaire de tous les espèces de poissons qui vivaient dans la rivière en bas de chez-lui. C'est plus tard, lors de vacances et de séjours aux îles de la Madeleine et en Gaspésie, qu'il a découvert l'océan, un nouveau terrain de jeu format géant. C'est donc avec engouement, qu'en juin 2021, il a complété une technique en aquaculture à l'École des pêches et de l'aquaculture du Québec (EPAQ). Durant ses années au Cégep, il a aussi travaillé pour Merinov, un laboratoire de biologie marine et de développement des technologies de pêche, et c'est là qu'il a confirmé sa passion pour la recherche en travaillant, entre autres sur des projets portant sur les macro algues du Saint-Laurent (dulse, alaria esculenta, laminaires sucrées etc.). Pour la continuité de ses études, il compte bien aller étudier la biologie marine à l'Université du Québec à Rimouski, afin de pousser sa passion pour les fonds marins vers les profondeurs.
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