S’endormir sans crier gare durant une conversation, lors d’un repas ou même au volant : voilà la réalité des gens souffrant de narcolepsie. Cette maladie, rare et mal comprise, atteint tout de même une personne sur 2000 (L’univers psychologique, 2015). Difficile à diagnostiquer, les chercheurs n’ont pas encore trouvé de traitement médical et seules des hypothèses en expliquent l’origine.
À propos de l'article
J’ai l’immense plaisir de vous présenter le texte gagnant du 4e Concours de vulgarisation scientifique chapeauté par le département de psychologie du Collège Montmorency. Ce concours a commencé à prendre forme, il y a quatre ans, dans mon cours d’initiation à la psychologie. Officiellement, je cherchais un moyen d’encourager mes étudiants de sciences humaines, fraîchement débarqués dans le monde collégial, à bien écrire. Mais officieusement, je souhaitais quelque chose de plus intangible. Je voulais que qu'ils aiment écrire! Le défi exigeait de sortir des sentiers battus pour renouveler le travail de fin de session traditionnel qui n’a pour lectorat que l’enseignante. Mais comment? Au lieu de me prendre la tête en lisant tout ce qui se fait d’innovateur en pédagogie, je me suis de tout bêtement poser la question suivante : dans le domaine de la psychologie, qu’est-ce que j’aime lire, qu’aie-je le goût d’écrire? Des articles de vulgarisation scientifique! Voilà! Depuis, chaque session, mes étudiants rédigent des textes qui ont pour objectif d’informer et d’intéresser autant l’enseignante que les parents et les amis. Même si au départ, l’idée de publier les meilleurs textes était embryonnaire, je voulais qu'ils aboutissent à un résultat de grande qualité. Je voulais qu’ils soient tellement fiers que plusieurs récidivent à écrire pour et sur la science.
Tania Tremblay
Enseignante au département de psychologie du Collège Montmorency
La nature de la bête
Il y a deux symptômes majeurs qui caractérisent cette maladie. Elle se distingue d’abord par une somnolence diurne excessive. Elle prend la forme d’une attaque de fatigue écrasante, d’un manque d’énergie soudain ou d’une envie de dormir irrésistible1.Dans certains cas, les crises s’accompagnent de cataplexie, une brusque faiblesse musculaire entraînant l’incapacité de mouvement et de langage. De plus, ces épisodes narcoleptiques sont souvent provoqués par des émotions intenses telles que le rire ou la colère2.
D’autres symptômes peuvent se manifester. Certains souffrent de la paralysie du sommeil. Prisonniers de leurs corps, ils sont privés de mouvements. Cette expérience terrifiante se manifeste au réveil ou avant le sommeil. Certains narcoleptiques ont des hallucinations visuelles, auditives et parfois même tactiles. Ils peuvent, par exemple, entendre des voix ou même sentir des mains qui les agrippent. Ces fausses perceptions se manifestent, encore une fois, au moment de l’endormissement ou lors de l’éveil. L’apnée du sommeil, pour sa part, sans doute moins effrayante que ces symptômes est toutefois très dangereuse parce que la personne cesse de respirer pendant un moment lors de son sommeil. Généralement, cette dernière en est inconsciente à moins qu’un proche le remarque. Paradoxalement, un narcoleptique peut souffrir d’insomnie, et il peut se réveiller très fréquemment durant la nuit3.
L’organisme contre lui-même
La narcolepsie est une maladie autoimmune4; le système immunitaire combat son propre organisme5. Après avoir analysé le sang de 120 patients atteints de la narcolepsie, les chercheurs Mehdi Tafti de l’Université de Lausanne et Michel Muhlethaler de l’Université de Genève ont découvert que les gens atteints de cette maladie possèdent un pourcentage anormalement élevé d’anticorps anti-TRIB2. L’organisme élimine la protéine TRIB2, qui compose les neurones à hypocrétine (un neurotransmetteur), pensant que c’est un corps étranger. Ainsi, ces derniers sont détruits en raison du nombre élevé d’anticorps. (Psychomédia, 2013) Cependant, ces neurones jouent un rôle primordial dans la régulation de l’éveil et du sommeil. Leur destruction entraîne donc la narcolepsie4.
La transmission génétique de ce trouble du sommeil chez les humains n’est pas la même que chez les animaux. Chez les premiers, dans seulement 10% des cas, la narcolepsie est transmise de parent à enfant6. À l’opposé, les chiens sont systématiquement narcoleptiques si leurs parents le sont, selon une expérience réalisée par W. Dement et M. Mitler de l’Université de Stanford7.
Un manque d’orexine peut aussi causer ce trouble. Cette hormone régule le REM (Rapid eye movement), autrement dit, le sommeil paradoxal7. C’est la dernière phase du sommeil, celle où l’on rêve, où nos muscles sont paralysés et où nos fréquences cardiaques et respiratoires sont relativement irrégulières8. L’expérience de Masashi Yanagisawa, du Centre médical de Dallas, sur des souris ayant un manque d’orexine, a donc montré que ces rongeurs sont atteints de cataplexie, soit une perte de la tonicité musculaire, dès le moment où ils s’endorment. Évidemment, cela veut dire que les souris rentrent directement en sommeil paradoxal. Il y a donc un dysfonctionnement du neurotransmetteur qui régule le sommeil paradoxal et le tonus musculaire7.
Les narcoleptiques ont des difficultés de concentration et de vigilance. Ils vivent énormément de stress et d’anxiété. S’endormir dans des situations peu convenables peut effectivement être angoissant. Peu de gens connaissent cette maladie, et à la vue d’une personne s’endormant soudainement, il est très fréquent qu’ils croient assister à une crise d’épilepsie. Parfois, les malades sont perçus comme des fainéants puisqu’ils leur arrivent de s’endormir lors d’une réunion ou même pendant qu’ils travaillent. Ces fausses idées isolent encore plus les malades. (Fondation sommeil,2016)
Calmer les effets
Les scientifiques n’ont pas encore trouvé de cure à cette maladie. (Fondation sommeil,2016) Quelques traitements contribuent à réguler le sommeil, et les médicaments stimulants tels que le modafinil ou autres amphétamines permettent aux malades de se sentir moins fatigués. Le modafinil a moins d’effets néfastes pour la santé que les amphétamines. Cependant, lorsqu’il ne diminue pas efficacement l’impact de la narcolepsie, le spécialiste peut prescrire des amphétamines. Par contre, elles peuvent causer de l’irritabilité et des crises cardiaques. De plus, il y a un plus grand risque de dépendance. Dans le cas de la cataplexie, le spécialiste peut aussi ordonner des antidépresseurs. Ils sont parfois préconisés, car ils diminuent les chances que la cataplexie se manifeste, réduisant les chances que cette perte de tonus musculaire provoque de dangereuses chutes. Encore une fois, ce traitement peut entraîner des effets secondaires tels que l’irrégularité du rythme cardiaque. (National Institute of Neurological Disorders and Stroke, 2017).
Mis à part les traitements médicaux, un changement des habitudes de vie peut atténuer l’impact de la narcolepsie. Pendant la période de prise des médicaments, les médecins recommandent de ne pas consommer de caféine, d’alcool et d’éviter de fumer. Ils conseillent aussi de maintenir le même horaire de sommeil. Bien sûr, la narcolepsie ne cessera pas de se manifester, mais si le patient suit les directives de son spécialiste les attaques de sommeil seront moins fréquentes. (National Institute of Neurological Disorders and Stroke, 2017)
Pas si loin du remède…
Cette maladie, aux origines mystérieuses, est difficile à diagnostiquer. Certes, beaucoup de chercheurs examinent le sujet et les travaux vont bon train puisque ceux-ci ont découvert plusieurs molécules à l’origine de la narcolepsie. Les chances de trouver un médicament viable sont en hausse. L’avenir semble donc se réveiller pour les narcoleptiques...
MÉDIAGRAPHIE
- WOOD, Samuel. E et al. L’univers psychologique, 2e éd., Montréal, QC, 2015, ERPI, 97C, p.170
- « Qu’est-ce que la narcolepsie? », dans Psychomédia, 29 août 2008. Repéré à http://www.psychomedia.qc.ca/sommeil/qu-est-ce-que-la-narcolepsie
- « Définition : Orexine », dans Psychomédia, 7 juin 2013. Repéré à http://www.psychomedia.qc.ca/lexique/definition/orexine
- « La narcolepsie/cataplexie », dans Fondation Sommeil, 7 juin 2016. Repéré à https://fondationsommeil.com/troubles-du-sommeil/troubles-du-sommeil-frequents/la-narcolepsiecataplexie/
- « Maladie auto-immune », dans Encyclopédie Larousse, 2018. Repéré à http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/maladie_auto-immune/14345
- « La nature auto-immune de la narcolepsie confirmée », dans Psychomédia, 22 février 2010. Repéré à http://www.psychomedia.qc.ca/sommeil/2010-02-22/la-nature-auto-immune-de-la-narcolepsie-confirmee
- SIEGLE, J. (2000). « La narcolepsie », dans Pour la science, 268, p. 54-59.
- « Narcolepsy Fact Sheet ? », dans National Institute of Neurological Disorders and Stroke, 27 mai 2017. Repéré à https://www.ninds.nih.gov/Disorders/Patient-Caregiver-Education/Fact-Sheets/Narcolepsy-Fact-Sheet
Note de la rédaction : Les textes publiés et les opinions exprimées dans Découvrir n’engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.
- Haibi Manal
Collège Montmorency
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