Le but est de modifier la relation entretenue avec "leurs" voix par des jeux de rôles, de mieux les contrôler ces voix, et si possible de les faire taire.
- 84e Congrès de l'Acfas - 2016
- Domaine de recherche 105 - Neurosciences, santé mentale et toxicomanie
- Communication : L’utilisation de la réalité virtuelle dans le traitement des symptômes positifs réfractaires de la schizophrénie : une innovation prometteuse
Les avatars ne sont pas seulement utilisés dans les jeux vidéos ou dans le but de créer une représentation de soi-même en ligne, ils peuvent également servir la médecine comme outil de thérapie psychiatrique. Un groupe de chercheurs de l’Institut Philippe-Pinel à Montréal développe une nouvelle méthode pour traiter les personnes atteintes de schizophrénie, basée sur des univers de réalité virtuelle.
La schizophrénie affecte 75 000 personnes au Québec, selon l’Institut en Santé mentale de Montréal. Parmi les multiples symptômes, les hallucinations auditives sont particulièrement préoccupantes, car ce phénomène touche entre 50 et 80 % des personnes atteintes du trouble de la schizophrénie. Elles se manifestent de multiples manières, allant de simples sons aux pièces de musique élaborées. « C’est un symptôme envahissant, car il peut se manifester dans des situations du quotidien, au travail, par exemple », explique Maya Lambert Vandelac, assistante de recherche dans le cadre du projet.
Les chercheurs de l'équipe travaillent avec des sujets qui entendent des voix, souvent persécutrices. L’approche consiste à confronter celles-ci en les matérialisant sous forme d’avatar. Au début de la thérapie, on demande au participant de construire son avatar : ils recréent, avec le plus de précision possible, la voix qui les tourmente, puis ils donnent un visage à cette voix. Grâce à la réalité virtuelle, ils peuvent concevoir un visage avec des détails allant jusqu’à la granularité de la peau, encore, s’éloignant du réalisme, y ajouter des cornes. L’avatar devient ainsi l’outil d’une thérapie qui durera six semaines.
Encadrés par un psychiatre, les participants sont plongés dans des situations d’immersionvirtuelle. « Le patient est amené peu à peu à interagir avec la voix et à s’affirmer. Le discours de l’avatar évolue en cours de thérapie afin de permettre au participant d’améliorer, à son rythme, le sentiment de contrôle envers son "persécuteur" », précise Maya Lambert Vandelac.
« Le but est de modifier la relation entretenue avec "leurs" voix par des jeux de rôles, de mieux les contrôler, et si possible de les faire taire ». Créer un personnage virtuel permettrait ainsi aux patients de faire un véritable travail sur eux-mêmes. Il y a actuellement 41 personnes qui se prêtent à l’expérience, dont 20 qui constituent le groupe témoin. C’est une première.
Les chercheurs travaillent sur les cas d’hallucinations auditives réfractaires, soit pour lesquelles toute autre thérapie a échoué. Comme l’explique Maya Lambert Vandelac, « les traitements actuels ne sont efficaces que chez 30 % des personnes atteintes ».
Donner forme à un avatar virtuel pour contrôler des voix imaginaires, cela peut paraître tout à fait irréel! Pourtant, selon la chercheuse, une récente méta-analyse montre que la thérapie par avatar est aussi efficace que la thérapie cognitivo-comportementale dans le traitement de ce type d’hallucinations. Combiner cette technique à une immersion en réalité virtuelle, c’est l’expérience développée par l’équipe de Montréal.
- Lou Sauvajon
Journaliste
Nominée aux Grands Prix du Journalisme Indépendant pour la catégorie de la relève, Lou Sauvajon est une jeune journaliste scientifique fascinée par la biologie, l’agriculture et l’éthique des sciences. Elle affectionne tout particulièrement la radio et les podcasts audio. À titre bénévole, elle a rejoint l’équipe de l’émission « L’œuf ou la poule? » et participe également à la création de podcasts scientifiques pour Québec Science.
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