Le Québec est une terre de rivières. Et pourtant la géomorphologie fluviale n'a que trente ans. Pour souligner cet anniversaire, géographes, hydrologues et autres spécialistes rendent hommage au père de la discipline au Québec : André Roy.
11 mai 2012, 80e Congrès de l'Acfas – La géomorphologie fluviale est au « confluent » de l’hydrologie, de la géographie et de la géomorphologie. Elle s’intéresse aux interactions entre la nature des écoulements, les transports de sédiments et le développement des formes du lit des cours d’eau. Les chercheurs de la discipline se penchent particulièrement sur les habitats fluviaux. Les poissons sont très présents dans leurs recherches.
André Roy a fait son doctorat au State University of New York à Buffalo en 1982. La même année il revient au Québec, à l’Université de Montréal. Il devient le centre de gravité des recherches en géomorphologie fluviale. En 1982, une discipline est née, en terre québécoise.
À l’occasion du colloque Trente ans de géomorphologie fluviale au Québec, ses anciens étudiants, ses collègues et ses collaborateurs lui rendent hommage et font un retour sur les avancées de cette branche scientifique. Thomas Buffin-Bélanger et Pascale Biron ont eu l’initiative du colloque.
« J’ai été un prédateur de talents », résume André Roy devant la salle remplie de ses étudiants, nouveaux et anciens, et de ses collègues. L’œil nostalgique, André Roy résume la journée par un retour touchant sur ses trente années de travail comme chercheur : « C’est important de savoir d’où on vient, pourquoi et comment s’est développée la géomorphologie fluviale au Québec. Au départ, j’avais fait des études en administration. Je me dirigeais vers le HEC. Finalement, j’ai bifurqué vers la géographie. Je pensais faire une spécialité en démographie. J’ai eu une épiphanie dans un cours de géomorphologie, et je suis tombé amoureux des réseaux fluviaux ».
Normand Bergeron, professeur à l’INRS, raconte comment il a développé sa passion pour la discipline grâce à André Roy : « Quand j’étais jeune, je pêchais la truite avec mon père, les deux pieds dans l’eau. Je trouvais qu’il y avait une incroyable sensation de liberté. Plus tard, je me suis retrouvé durant mes études, les deux pieds dans l’eau à ramasser des données. J’ai demandé à André Roy si vraiment, on pouvait gagner sa vie en faisant ça ».
Des outils concrets
La thèse de doctorat d’André Roy portait sur l'application du principe d'optimalité à la géométrie hydraulique et angulaire des réseaux d'artères, de branches et de cours d'eau. Si les concepts et les méthodes de la géomorphologie fluviale semblent abstraits, ils ont en fait des retombées très concrètes.
Le travail de Normand Bergeron, par exemple, se concentre sur l’habitat des poissons. À l’occasion du colloque, il a présenté son étude sur la fragmentation des cours d’eau par les ponceaux. Les ponceaux, ces gros cylindres ondulés, influencent les déplacements des poissons. « La fragmentation peut réduire ou éliminer l’accès à certains sous-bassins, cela peut isoler des populations de poissons, explique-t-il. Cela peut avoir des conséquences génétiques, par exemple, sur les espèces. »
Ancienne élève de Monsieur Roy, l’hydrologue Geneviève Ali travaille désormais au Manitoba. Ses études de doctorat ont porté sur la connectivité hydrologique. À partir de cette idée relativement abstraite, elle propose un outil de gestion très pratique. « Au Manitoba, il y a alternance entre inondations et sécheresses. Pour l’instant, les canaux de drainage qui règlent le problème durant les inondations ne permettent pas de réutiliser l’eau durant les périodes de sécheresse. Avec les calculs de la connectivité, on peut aider à gérer le paysage et les ressources pour résoudre le problème. La solution serait d’installer des bassins de rétention. Le modèle développé avec André Roy permet de choisir le lieu des bassins et d’établir les dimensions de ceux-ci ».
Les possibilités sont nombreuses, et la discipline trentenaire, encore jeune.
- Charlotte Biron
Stagiaire en journalisme scientifique
Actuellement étudiante de baccalauréat en littératures de langue française, Charlotte Biron a écrit pendant trois ans au Quartier Libre. Elle a complété un stage à l’étranger avec Radio-Canada à Moscou, une expérience marquante, puis a débuté en vulgarisation scientifique dans Forum, le journal institutionnel de l’Université de Montréal, en 2012. L’Acfas est une occasion en or de continuer d’écrire sur la science et de l’intéresser aux projets de chercheurs fascinants.Photographie, Mariève VautrinAprès avoir complété un baccalauréat en journalisme et un certificat en création littéraire, Mariève décide d’entreprendre des études de deuxième cycle en sociologie à l’Université de Montréal. Passionnée par les expériences issues du travail de terrain, elle s’intéresse particulièrement aux inégalités sociales, à l’exclusion et aux rapports de pouvoir entre les êtres. Aussi perçoit-elle le journalisme comme une profession riche de rencontres et de découvertes, profession lui permettant de mettre de l’avant tant sa curiosité que sa créativité.
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