Des obsessions sur les extraterrestres, sur l’Armageddon, sur le communisme ou autres fins du monde potentielles circulent chez de nombreux individus ayant des troubles de santé mentale, des schizophrènes paranoïdes par exemple. À la fois effet de leur folie et cause de leur déséquilibre.
10 mai 2012, 80e Congrès de l'Acfas – Réincarnations et visions d’apocalypse dans la psychiatrie
L’image d’un hôpital où des fous crient la fin des temps est un lieu commun. Viviane Lew, psychiatre au Centre de santé et de services sociaux de La Haute-Gaspésie, propose précisément une analyse des contenus qui circulent dans les discours des patients. Une analyse de la fin du monde selon deux perspectives : la place de l’apocalypse chez les patients traités en psychiatrie et l’influence des discours de fin du monde sur leur santé mentale.
« Saisir le sens des thèmes apocalyptiques dans les délires des patients nous renseigne de plusieurs façons », explique Viviane Lew. Déjà, les thématiques sont extrêmement variées : religieuses, numérologiques, nouvel âge, modernes, postmodernes, communistes, pandémiques, extraterrestres, nucléaires...
Dans sa présentation, lue par Joseph Lévy au Colloque Apocalypse(s) et imaginaires de la fin, Viviane Lew aborde de nombreux cas; certains sont célèbres. Dirigeant de la secte Aum Shinrikyo, Shoko Asahara (Chizuo Matsumoto) aurait montré des symptômes paranoïdes. Le gourou prônait en fait un mélange de christianisme, d’hindouisme et de bouddhisme, et disait être la réincarnation du Christ. Sa secte a été responsable d’une attaque au gaz sarin sur le métro de Tokyo en 1995. L’attaque a fait des morts. « Ces leaders de sectes reprennent des figures anciennes, comme celle du Christ, pour revendiquer la fin du monde tel qu’il est aujourd’hui et l’avènement d’un nouveau monde », affirme Madame Lew.
Autre terrible histoire connue, Jim Jones figure dans la liste de la psychiatre. Fondateur d’une secte religieuse aux États-Unis, il a affirmé être la réincarnation de Jésus, d’Akhenaton, de Bouddha et de Lénine. Le fondamentaliste a mené un vaste suicide collectif des membres de sa secte Peoples Temple.
« Les cas sont particulièrement nombreux en schizophrénie. Ces exemples mettent de l’avant une grande diversité des contenus sur la fin du monde, poursuit Viviane Lew. Leur étude permettrait aussi d’évaluer les fonctions psychologiques spécifiques des discours apocalyptiques. »
Les groupes qui croient à une destruction du monde et, du même coup, à un renouvellement total de l’univers ne sont pas si loin de nous. « Le groupe Liberté 13 a émergé en Gaspésie. Ce culte apocalyptique est dirigé par une femme qui se prépare à rejoindre des extraterrestres », raconte la psychiatre.
Ces cas représentent un terrain intéressant en matière d’études psychiatriques. « Du point de vue de la santé mentale des individus, qu’adviendra-t-il si au moment prévu, l’apocalypse ne survient pas? Il y a de nombreuses personnes, dans le cas de Liberté 13 par exemple, qui ont vendu des maisons et qui sont déménagées du Nouveau-Brunswick en Gaspésie uniquement pour devenir adepte du culte. Si rien ne se produit, l’apocalypse avortée laisse un creux et beaucoup de problèmes pour les gens mobilisés par ces cultes.» La question se pose pour tous les types de croyance apocalyptique d’ailleurs : que faire après 2012?
Les textes du colloque seront publiés dans Frontières, revue interdisciplinaire de l’Université du Québec à Montréal sur la mort.
- Charlotte Biron
Stagiaire en journalisme scientifique
Actuellement étudiante de baccalauréat en littératures de langue française, Charlotte Biron a écrit pendant trois ans au Quartier Libre. Elle a complété un stage à l’étranger avec Radio-Canada à Moscou, une expérience marquante, puis a débuté en vulgarisation scientifique dans Forum, le journal institutionnel de l’Université de Montréal, en 2012. L’Acfas est une occasion en or de continuer d’écrire sur la science et de l’intéresser aux projets de chercheurs fascinants.Photographie, Mariève VautrinAprès avoir complété un baccalauréat en journalisme et un certificat en création littéraire, Mariève décide d’entreprendre des études de deuxième cycle en sociologie à l’Université de Montréal. Passionnée par les expériences issues du travail de terrain, elle s’intéresse particulièrement aux inégalités sociales, à l’exclusion et aux rapports de pouvoir entre les êtres. Aussi perçoit-elle le journalisme comme une profession riche de rencontres et de découvertes, profession lui permettant de mettre de l’avant tant sa curiosité que sa créativité.
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