Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.
Éric Forgues, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML), Lucie Hotte, Université d'Ottawa, Lise Gaboury-Diallo, Université de Saint-Boniface, Gino LeBlanc, Université Simon Fraser

Lors du 91e Congrès de l’Acfas tenu à l’Université d’Ottawa en mai 2024, un colloque a réuni des professeur·es et des intervenant·es communautaires provenant de plusieurs régions du pays pour discuter pendant deux jours des Enjeux et défis de la recherche en français au Canada, particulièrement en contexte francophone minoritaire. Organisé par le Centre de recherche sur les francophonies canadiennes, en partenariat avec le Bureau des affaires francophones et francophiles, le Centre d’études franco‑canadiennes de l’Ouest et l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, ce colloque a permis de poursuivre la réflexion sur une problématique qui capte de plus en plus l’attention de la communauté scientifique, tant de ceux et celles qui font la science que de ceux et celles qui l’appuient et la financent.

C’est dans une salle bondée que le conférencier Yves Gingras a ouvert le colloque en nous rappelant l’importance de distinguer les sciences sociales et humaines, dont leur objet d’étude est fortement lié à des contextes sociaux et historiques, contextes qui leur confèrent une pertinence sociale, des sciences naturelles et techniques, dont les objets d’étude sont indépendants des contextes sociaux. Il illustre cette distinction en mentionnant que le comportement d’un atome sera le même peu importe où on l’observe, tandis qu’un individu se comprend en fonction de son contexte sociohistorique. Selon le conférencier, la diversité linguistique demeure pertinente pour les sciences sociales et humaines puisque les savoirs produits sur des communautés circulent surtout chez celles-ci dans la langue de leurs membres. Ce n’est pas le cas pour les autres sciences où l’homogénéisation linguistique devient nécessaire pour dialoguer avec ses pairs. Par ailleurs, Yves Gingras nous a rappelé l’importance de distinguer le champ scientifique et le champ universitaire : si l’anglicisation de la circulation des savoirs peut se comprendre dans le champ scientifique, rien ne justifie que le champ universitaire cède à ce phénomène. Nous pouvons communiquer en anglais dans un colloque international en physique sans pour autant céder à l’anglicisation dans l’enceinte universitaire.  

Colloque 14
Salle comble au colloque 14 - Enjeux et défis de la recherche en français au Canada au 91e Congrès de l'Acfas. À droite, Yves Gingras présente la conférence inaugurale / Crédit photos : @CRCCF et @AcfasScHumaines

La suite du colloque a alterné entre des séances de communications scientifiques et des tables-rondes où plusieurs professeur·es, chercheur·euses et intervenant·es ont partagé leurs réflexions et leurs expériences. Ces interventions ont rappelé les défis qui se posent pour ceux et celles qui œuvrent dans des universités de petite taille, comme le manque de ressources et de services d’appui à la recherche, et pour les chercheur·euses qui œuvrent dans des universités anglophones, comme le manque de services en français.

Des intervenants ont également mentionné le peu de reconnaissance des travaux diffusés en français et des travaux portant sur la francophonie, la diminution du nombre de chercheur·euses qui s’intéressent à cet objet d’étude, le manque de relève en recherche, l’isolement des chercheur·euses et l’exiguïté des publics des chercheur·euses qui diffusent les résultats de leurs travaux.

Si le colloque a brossé par moments un portrait sombre du milieu de la recherche dans la francophonie canadienne, certaines initiatives ont offert quelques lueurs d’espoir. Martin Normand de l’ACUFC (Association des collèges et universités francophones du Canada) a présenté les avancées effectuées à la suite des États généraux sur le postsecondaire francophone que son organisme a organisé en partenariat avec la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) à l’automne 2021 et à l’hiver 2022. Parmi les 32 recommandations formulées pour renforcer le milieu universitaire et collégial, 23 recommandations ont donné lieu à des actions et trois sont déjà réalisés, dont le financement du Service d’aide à la recherche en français (SARF) de l’Acfas et la priorisation du secteur de la recherche en français dans le Plan d’action pour les langues officielles du gouvernement canadien. Il reste cependant du travail à faire pour que les agences subventionnaires fédérales de la recherche comprennent leurs obligations en vertu de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Martin Normand a mentionné que des progrès ont été réalisés dans les programmes de formation des évaluateur·trices au sein de ces agences qui traitent désormais de manière plus satisfaisante des biais linguistiques et institutionnels. Une autre initiative encourageante est le Service d'aide à la recherche en français (SARF), dont le directeur Thierry Drapeau est venu présenter les progrès réalisés depuis son lancement. Après un an d’activité, le SARF a déjà conclu dix ententes de partenariat avec des universités situées en dehors du Québec, ce qui permettra de combler certains manques d’appui à la recherche. Pour sa part, Sylvie Lamoureux du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada a témoigné de son engagement à adopter une lentille linguistique, qu’elle entend d’ailleurs raffiner afin d’assurer un financement équitable de la recherche et de la diffusion des savoirs en français.

Martin Normand et Thierry Drapeau
Des actions sont en cours afin de pallier aux défis rencontrés par le milieu de la recherche francophone à l'échelle canadienne. À gauche : Martin Normand de l'ACUFC - À droite : Présentation du SARF par Thierry Drapeau (Acfas)  / Crédit photo : @AcfasScHumaines

Le colloque a démontré tout le chemin qui reste à faire pour appuyer la recherche faite en français, pour mieux la valoriser et la faire reconnaître. Il a permis de poursuivre une discussion collective qui a lieu depuis quelques années sur la question de la langue de la recherche, en mettant en évidence les caractéristiques propres au milieu de la recherche dans la francophonie canadienne.

Une conclusion s’impose au terme du colloque : les défis de la recherche en français étant structurels, l’engagement des parties prenantes devra se poursuivre sur le long terme. Il en va de la pérennité de la recherche en français.

Une conclusion s’impose au terme du colloque : les défis de la recherche en français étant structurels, l’engagement des parties prenantes devra se poursuivre sur le long terme. Il en va de la pérennité de la recherche en français.


  • Éric Forgues
    Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML)

    Détenteur d’un doctorat en sociologie, Éric Forgues dirige depuis 2012 l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, où il avait été directeur adjoint et chercheur de 2003 à 2012. Ses travaux portent sur le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, la gouvernance communautaire, la prise en compte de la langue dans l’organisation des services publics, l’engagement et la mobilisation linguistiques, les événements culturels et la production et la diffusion des savoirs en français.

  • Lucie Hotte
    Université d'Ottawa

    Lucie Hotte est professeure titulaire au Département de français et directrice du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa ainsi que du Laboratoire de recherche sur les cultures et les littératures francophones du Canada. Ses recherches portent sur les théories de la lecture, les littératures minoritaires et l’écriture des femmes. Elle a beaucoup publié sur les littératures franco-canadiennes et québécoise ainsi que sur les enjeux institutionnels propres aux littératures minoritaires. Elle est la lauréate de plusieurs prix dont le prix Gabrielle-Roy (2001), et le prix du meilleur livre de l’Association des professeurs de français des universités et collèges canadiens (2015). En 2017, on lui a remis la médaille commémorative du 150e anniversaire de la Confédération du Sénat canadien en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la promotion de la culture franco-ontarienne. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario lui a décerné, en octobre 2023, le prix Paulette-Gagnon qui reconnaît le cheminement professionnel exemplaire d'une personne à l'endroit de la communauté franco-ontarienne. Enfin, en mai 2024, elle a reçu le Prix d’excellence en recherche sur la francophonie de l’Université d’Ottawa. Elle travaille présentement à un projet de recherche subventionné par le Conseil de recherche en sciences humaines sur les lieux de sociabilité littéraire franco-canadiens de 1950 à 2000 (CRSH 2020-2025). Madame Hotte est membre de la Société royale du Canada.

  • Lise Gaboury-Diallo
    Université de Saint-Boniface

    Lise Gaboury-Diallo est professeure titulaire au Département d’études françaises, de langues et de littératures de l’Université de Saint-Boniface (Manitoba). Elle se spécialise dans les littératures de la francophonie, notamment celles du Québec, de l’Acadie et de l’Ouest franco-canadien. Elle est présidente du Bureau de direction du Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest et siège au comité de rédaction des Cahiers franco-canadiens de l’Ouest depuis plusieurs années. Elle collabore actuellement avec une équipe de recherche qui travaille sur le deuxième tome d’une édition critique des nouvelles de l’écrivain québécois Rossel Vien. Les Œuvres de Rossel Vien, Tome 1 – Pionnier littéraire (textes établis et annotés par Lise Gaboury-Diallo, Raymond-M. Hébert et Armelle St-Martin) est paru aux Presses de l’Université Laval en 2023. 

  • Gino LeBlanc
    Université Simon Fraser

    Gino LeBlanc est, depuis 2017, professeur adjoint à la Faculté d’éducation et directeur du Bureau des affaires francophones et francophiles de l’Université Simon Fraser (SFU) à Vancouver. Précédemment, M. LeBlanc a été directeur adjoint de l’Institut Donald J. Savoie et conseiller principal au cabinet du recteur de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick. Gestionnaire accompli dans le secteur public depuis 25 ans, M. LeBlanc possède une vaste expérience universitaire et communautaire dans le domaine des politiques publiques au Canada et une connaissance approfondie de la Loi sur les langues officielles et du système d’éducation au sein des communautés en situation minoritaire. Son parcours professionnel recoupe l’administration en milieu universitaire, l’enseignement et la recherche dans le domaine des politiques linguistiques. Il est diplômé de l’Université de Moncton, l’Université d’Ottawa et l’École des hautes études en sciences sociales de Paris.

Vous aimez cet article?

Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.

Devenir membre Logo de l'Acfas stylisé

Commentaires