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Jean-Éric Ghia, Ici Radio Canada Première

Jean-Éric Ghia, Université du Manitoba
Chronique à la radio : Des éprouvettes et des hommes
Chronique à la télévision : Qu'est-ce qu'on cherche?
Rubrique : Tribune
16 février 2017

Le partage de ses résultats scientifiques avec la société qui l'entoure fait partie intégrante de la vie d’un chercheur. Dans mon cas, la formidable liberté d’expression et tribune de communication offerte, entre autres, par la radio a été une source et une occasion de grand bonheur!

Tout au long de mon parcours, aussi bien en France qu’au Canada, je suis allé à la rencontre de multiples communautés, francophones comme anglophones, et parmi elles, j'ai croisé beaucoup de jeunes. J’ai eu le privilège, ainsi, d’intervenir dans des écoles, en Ontario et au Manitoba, et de participer à des foires des sciences. Aujourd’hui, entre autres, au Département d’immunologie de l’Université du Manitoba, je suis le coordinateur du Camp d’été biomédical : des jeunes de 8 à 15 ans viennent réaliser des expériences journalières dans nos laboratoires. Parallèlement, dès 2006, j’ai été amené à discuter de mes travaux dans les médias radiophoniques et télévisuels. 

À travers ces activités de communication, je me suis vite rendu compte que les communautés étaient très peu au courant des avancées scientifiques menées dans leur propre pays, province ou ville. Par exemple, en 2015, ici à Winnipeg, parmi les gens que je rencontrais, presque personne ne pouvait relater des éléments d’information concernant Ebola et la fabrication d’un potentiel vaccin à la suite de recherches menées à deux pas de chez eux, au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg!  

Ghia
Martine Bordeleau et jean-Éric Ghia lors de l'enregistrement de la chronique Des éprouvettes et des hommes, Radio-Canda Manitoba. Source : Jean-Éric Ghia.

Un désert scientifique

Face à ce que je qualifie de quasi « désert scientifique », je pense qu’il y a un défi énorme à relever quotidiennement. Les médias grand public, on le sait, s’intéressent peu aux avancées scientifiques. Mais nous, comme chercheurs, faisons-nous notre part? Agissons-nous de façon à disséminer nos résultats hors du circuit de nos pairs immédiats? 

Une introduction à la vulgarisation scientifique dès les études supérieures serait déjà, selon moi, un bon point de départ. D’autant que chaque chercheur devra un jour communiquer son expertise à des acteurs sociaux n'appartenant pas à sa communauté scientifique (gouvernements, entreprises, groupes communautaires, grand public, médias, etc.). Il devra alors chaque fois adapter son message, le principal écueil de la vulgarisation, pour un scientifique, étant de savoir se détacher de l’approche langagière propre à son domaine. Si j'en juge par ma propre expérience, je dirais que le pilier fondamental de la vulgarisation scientifique est d’écouter avant de parler. 

La grande majorité des scientifiques non initiés à la vulgarisation craignent aussi que le contenu de leur message soit déformé par les journalistes, qui ont besoin, il faut le reconnaitre, de trouver un angle « accrocheur », après tout, c’est leur métier… À qui donc attribuer la responsabilité de la faible présence de la science dans l’espace public? Cette responsabilité se partage, selon moi, entre médias et scientifiques, deux mondes qui souvent ont du mal à s’entendre.

À la suite de mes différentes interventions publiques dans le domaine de la neuro-gastroentérologie, les commentaires du public par courriel ou téléphone allaient tous dans le même conclusion : « C’est rare d’entendre parler des résultats de recherches en cours… » ; « Ça nous donne de l’espoir… ». Le public est aussi composé de patients atteints de différentes maladies sur lesquelles les laboratoires de recherche travaillent, et pour lesquelles de nombreuses avancées scientifiques sont réalisées chaque semaine. Or, comment rejoindre le plus efficacement cette population? Très certainement par la voie d’un diffuseur à large audience.

Une chronique scientifique

C’est avec ces réflexions et après des discussions avec Louis-Philippe Leblanc (présentateur du Téléjournal Manitoba), Martine Bordeleau (présentatrice du 6 à 9), Joëlle Morgan (productrice du 6 à 9) et Patrick Rey (premier chef des contenus), que l’idée d’une capsule scientifique à l'intention des auditeurs franco-manitobains a germé. L’intention initiale était de diffuser une fois par mois un segment qui prendrait le format d’une conversation de cinq à sept minutes. On y parlerait de deux ou trois évènements ou avancées scientifiques qui avaient eu lieu au cours du mois, en choisissant en priorité ceux issus du Manitoba, puis du Canada, puis du reste du monde. Les sujets seraient traités d’un point de vue scientifique tout en étant communiqués dans un langage accessible. Après discussion avec de nombreux chercheurs de l’Université du Manitoba et de Winnipeg, tous se sont dits favorables à une présentation radiophonique de leurs résultats de travaux à la communauté franco-manitobaine vus à travers l’œil d’un scientifique.

Après presque de 18 mois d’antenne, le bilan du segment nommé Des éprouvettes et des hommes est plus que positif. Tous les quinze jours, nous présentons un article scientifique manitobain ou canadien produit par des chercheurs anglophones ou francophones. Nous travaillons de nombreuses heures chaque semaine afin de livrer une information crédible, pertinente et facilement accessible au plus large public. Avec l'aide des auteurs des articles, nous préparons des chroniques d’une durée oscillant entre 8 et 11 minutes. De plus, je conduis régulièrement des entrevues en français avec des personnalités scientifiques de renommée mondiale, par exemple les professeurs Gary Kobinger (découvreur du vaccin contre EBOLA et ZIKA, directeur du Centre de recherche en infectiologie de l'Université Laval, Québec), Elena Verdu (Université de McMaster, Hamilton, présidente de l’Association nord-américaine des maladies cœliaques), Michel Raymond (directeur de recherche au CNRS, Institut des sciences de l'évolution de Montpellier en France). Les passages les plus pertinents de ces entrevues sont adaptés au format de ma chronique. Enfin, l’utilisation des médias sociaux tels Twitter et Facebook joue un rôle important : une capsule de présentation tournée en studio avec la présentatrice du 6 à 9, Martine Bordeleau, est mise en ligne le lundi sur Twitter avant la diffusion  en direct de la chronique Des éprouvettes et des hommes les mardis matins à 7 h 35. Une fois passées en ondes, les chroniques sont disponibles dans les archives de Ici Radio Canada Première Manitoba sur le site du 6-9 Manitoba sous l’onglet Des éprouvettes et des hommes, avec des liens supplémentaires ainsi qu’une photo du chercheur de la semaine. Dans certains cas, l’entrevue complète est diffusée dans l’émission ouest-canadienne Les samedis du monde le samedi matin. 

Non seulement nous décrivons dans les chroniques des résultats de recherche scientifique, mais nous montrons aussi l’importance du rôle de la vulgarisation scientifique. J’ai ainsi réalisé très récemment une entrevue avec l’acteur français Thierry Lhermitte, qui s’investit dans la vulgarisation médicale française en effectuant des visites de laboratoire et en participant à des émissions de radio et télévision françaises. Afin d’étendre ce lien à la communauté francophone ouest-canadienne, une version télévisuelle sera présentée dès la fin du mois de janvier 2017 au cours du Téléjournal diffusé dans les provinces de l'Ouest.

Mon expertise dans le domaine des sciences, combinée à mon cursus universitaire, m’a ainsi donné l'occasion d’établir des liens entre les chercheurs anglophones ou francophones, d'une part, et la communauté franco-manitobaine, d'autre part. La vulgarisation scientifique ne sert pas qu’à la transmission d’un contenu scientifique, mais elle joue aussi un rôle primordial en éducation en construisant une vision du monde plus globale. Et tout comme l'éducation, l’information et l’accès aux nouvelles connaissances en sciences sont des droits, et ils devraient être exercés largement dans l’espace public.


  • Jean-Éric Ghia
    Ici Radio Canada Première

    Le parcours scientifique de Jean-Éric Ghia l’a conduit à l’obtention d’un doctorat en  neurosciences traitant du syndrome de l’intestin irritable et à un diplôme d’investigateur aux essais cliniques de médicaments, tous deux à l’Université de Strasbourg, France. Par la suite, il a rejoint, pendant six ans, le laboratoire du professeur Stephen M. Collins à l’Université de McMaster, à Hamilton, en Ontario. Fin 2010, il été recruté par le Département d’immunologie et de médecine interne, section de gastroentérologie, de l’Université du Manitoba, pour établir un laboratoire de recherche en neuro-immuno-gastroentérologie. Aujourd’hui, son laboratoire se focalise sur la recherche de nouvelles pistes thérapeutiques pour la maladie de Crohn et la recto-colite hémorragique. Il est aussi directeur de la recherche fondamentale en biologie gastro-intestinale au sein du Inflammatory bowel disease clinical and research Centre, dirigé par le professeur Charles Bernstein, et chercheur à l’Institut de recherche de l’Hôpital pour enfants du Manitoba. Il a obtenu un certificat en enseignement et éducation, puis s'est joint à l’International network for educational development and scholarship in bioscience, dirigé par le professeur Amara. Depuis la rentrée 2015, toutes les deux semaines, le mardi à 7 h 35, il anime la chronique Des éprouvettes et des hommes, à l’émission le 6-9 Manitoba, diffusée sur Ici Radio Canada Première Manitoba.

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