113 - Le trouble développemental du langage : recherche récente en français et perspectives futures

Les adolescents ayant un trouble développemental du langage (TDL) vivent des défis d’apprentissage et d’intégration sociale. Les habiletés langagières sont centrales à la communication et aux interactions interpersonnelles tout en influençant la connaissance de soi et la motivation. Les enseignants souhaitent soutenir ces jeunes dans leur développement, mais rapportent se sentir peu formés pour le faire. Le programme Escalade vise à répondre à ce besoin de soutien en proposant un programme de 16 activités pour la classe ayant pour objectifs d’améliorer la connaissance de soi ainsi que les habiletés de communication et de socialisation. MÉTHODE Les participants sont 14 intervenants scolaires (enseignantes, orthophonistes) qui œuvrent dans des classes d’adaptation scolaire de secondaire I de 6 écoles secondaires du Québec. À chaque activité, un journal de bord a été complété par les enseignants pour documenter le déroulement et les effets perçus de l’intervention. RÉSULTATS Les enseignants ont apprécié les activités et ont rapporté une meilleure connaissance de soi et de meilleures habiletés de communication chez les jeunes. CONCLUSION Ces résultats prometteurs suggèrent la pertinence de rendre ce type d’intervention disponible pour à plus grande échelle dans des classes d’adolescents vivant avec un TDL âgés de 13 à 15 ans.

Le Trouble développemental du Langage (TDL) est une condition encore méconnue par le grand public bien qu’elle puisse toucher entre 5 et 10% de la population (Thordardottir et Topbas, 2021). Les caractéristiques (forces et spécificités) des adultes ayant un TDL ainsi que leurs besoins ont reçu très peu d’attention, non seulement par le grand public, mais aussi par les spécialistes du domaine (Botting, 2020). Si la littérature internationale ne présente pas beaucoup d’information pour cette tranche d’âge, encore plus rares sont les informations pour des adultes francophones. Dans cette présentation, les résultats préliminaires d’un projet qui collige des informations différentes à l’oral et à l’écrit d’adolescents et adultes avec un TDL seront présentés. Pour cela, des études de cas portant sur les caractéristiques linguistiques, sociocognitives et adaptatives, discursives, pragmatiques seront présentées. Une personne adulte avec TDL contribuera à la préparation de la présentation et proposera un point de vue personnel pour compléter celui des chercheur·e·s. 

Les jeunes adultes ayant un trouble développemental du langage (TDL) sont à risque de rencontrer des difficultés lors de leur recherche d’emploi. Il est donc crucial de promouvoir des comportements de recherche d’emploi efficaces en termes d’effort, d’intensité et d’autorégulation. Sur la base de la théorie de l’autodétermination (TAD), nous avons examiné le rôle des motivations autonome et contrôlée dans le développement de ces comportements. L’étude 1 comprenait 37 jeunes adultes ayant un TDL qui ont terminé leurs études et l’étude 2 comprenait 52 élèves du parcours de formation axée sur l’emploi, ayant un TDL et en transition le marché du travail. Les résultats indiquent que la motivation autonome prédit positivement l’effort, l’intensité et l’autorégulation dans la recherche d’emploi (relations faibles à moyennes dans l’étude 1, et moyennes à fortes dans l’étude 2), tandis que la motivation contrôlée n’est pas liée aux trois comportements. Conformément à la TAD, ces études indiquent que la motivation autonome favorise les comportements positifs de recherche d’emploi chez les jeunes ayant un TDL et qu’il est donc souhaitable de soutenir le développement de cette motivation.

Auparavant, audimutité, trouble primaire du langage et dysphasie étaient des termes utilisés pour définir un trouble de langage sévère. En 2017, 59 experts de la santé ont formé le consensus CATALISE, permettant d’adopter la formulation trouble développemental du langage (TDL) et de définir des critères diagnostiques plus précis. Pourtant, malgré son utilisation par plusieurs équipes de recherche, il demeure méconnu de la population.

Puisque mieux faire connaître ce concept complexe comporte de nombreux défis, il devient alors nécessaire de se demander : Quelles sont les meilleures stratégies pour vulgariser les résultats des projets de recherche abordant le TDL auprès de différents publics cibles ? L’objectif de cette présentation est d’augmenter les habiletés de vulgarisation des équipes de recherche qui étudient le TDL.

Pour ce faire, des outils de formation en vulgarisation tels que des ateliers théoriques et pratiques en plus de livres et de vidéos de référence ont été utilisés. En mobilisant ces compétences ainsi acquises, des conseils de vulgarisation sont proposés, et ce, en fonction de la nature des publics cibles et des finalités espérées.

Il est espéré que cette présentation contribue à un meilleur partage des nouvelles connaissances scientifiques à propos du TDL. La vulgarisation du TDL n’est pas simple mais il est important de s’y attarder afin que la population y soit mieux sensibilisée.

Cette recherche à pour objectif d’identifier des tâches fiables qui distingue les adolescents francophones avec un trouble développemental de langage (TDL) de leurs pairs ayant un développement du langage typique (LT).

Nous avons administré 20 tâches évaluant les compétences linguistiques, métalinguistiques et la mémoire de travail à deux groupes : 17 adolescents avec un TDL (M=14;09 [années;mois]) et 20 (pré-)adolescents avec un LT (M=12;21). Nous avons sélectionné les tâches les plus discriminantes entre nos groupes en utilisant des statistiques robustes. Nous avons combiné ces tâches dans un modèle multivarié afin d'identifier les tâches qui contribuaient le plus à l'identification des participants avec un TDL. Les résultats montrent que sept tâches sont discriminantes entre nos groupes, et trois ont montré une précision diagnostique exceptionnelle : la répétition de phrases, une tâche évaluant la lexico-sémantique, et la production de l’accord en nombre des verbes irréguliers. Une fois combinées, nous avons constaté que cette dernière, qui évaluait les compétences morphosyntaxiques, contribuait le plus à notre modèle multivarié.

Cette étude fournit des preuves que les marqueurs les plus pertinents pour identifier le TDL chez les adolescents francophones sont les tâches évaluant les domaines lexico-sémantique et morphosyntaxique, et que la morphosyntaxe devrait être considérée comme un domaine de faiblesse important chez les adolescents francophones atteints de TDL.

Les adultes avec TDL présentent encore des altérations langagières (Botting, 2020). Malgré la persistance de déficits, certains parviennent à suivre un cursus universitaire (McGregor et al., 2013), suggérant la présence de facteurs de compensation (Livingston & Happé, 2017). L’objectif principal est d’étudier les compétences (langage oral, langage écrit et raisonnement non verbal) d’adultes francophones ayant un TDL. Le second objectif est d’identifier les facteurs différenciant les adultes avec TDL ayant mieux compensé leurs troubles. Nous voulons recruter 100 adultes francophones avec TDL, dont 50 ayant un parcours universitaire, et les comparer avec des adultes au développement typique (DT) appariés en âge. L’expérimentation est conduite en ligne et inclut des épreuves de conscience phonologique, lexique, compréhension, lecture, fonctions exécutives et un questionnaire de métacognition. Les résultats préliminaires (90 participants : 56 TDL, 34 DT) révèlent que les adultes avec TDL maintiennent de moins bonnes performances que leurs pairs. Cependant, les adultes universitaires avec TDL (N=27) ont de meilleures performances que leurs pairs avec TDL sans ce parcours (N=29) en vitesse de lecture (p=.007), conscience phonologique (p=.002) et compréhension de lecture (p<.001). Ces résultats confirment une persistance des déficits liés au TDL à l’âge adulte. Toutefois, certaines compétences bien développées des adultes universitaires avec TDL suggèrent des facteurs de compensation.

La Coordination sensorielle et langage du CIUSSS CSMTL et le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) entretiennent depuis 2015 un partenariat dans le cadre de la mission de développement d’approches interdisciplinaires du MBAM où l’art est mis au service de la santé et du bien-être. Ce partenariat a résulté en la co-création du groupe «Intégration Musées Art-thérapie Jeunes adultes » (IMAJ), qui s’adresse aux jeunes adultes avec un trouble de la communication, dont un TDL. IMAJ est basé sur des savoirs, des compétences et une compréhension du monde propres à des champs d'exercice comme la psychologie, l’orthophonie, l’art-thérapie, l’éducation muséale, et l’expertise patient-partenaire. En préparation à une étude des retombées d’IMAJ, nous réalisons une revue de la portée, en partenariat avec les usager.ères, pour faire un état des lieux d’initiatives similaires, leurs retombées sur la participation sociale des usager.èrs, et l’actualisation des rôles de l’orthophoniste en leur sein. 3660 articles ont été identifiés et 52 ont été retenus. Nous présenterons les résultats préliminaires de notre revue de littérature et leur implication pour l’étude d’initiatives telles qu’IMAJ. Nous souhaitons engager une réflexion avec les autres conférencier.ères et le public sur la place de ce type d’intervention dans la trajectoire de soins des personnes avec un trouble de la communication de manière large, et avec un TDL spécifiquement.

Le pronom clitique accusatif (ex. « je LA veux ») est un élément complexe à acquérir en français chez les enfants unilingues, les apprenants du français ayant un développement typique (DT) et les enfants présentant un trouble développemental du langage (TDL). Ils sont acquis plus tardivement  que d’autres types de pronoms. Le statut du clitique accusatif comme marqueur clinique permettant d’identifier un TDL ne fait par contre pas consensus. Pour éclaircir la situation, un examen de la portée a été réalisé pour dégager les principaux stades d’acquisition et les erreurs typiques chez les différentes populations. Les articles ont été répertoriés principalement via la base de données Linguistics and Language Behavior Abstracts. Au total, 329 articles ont été recensés et 18 ont été retenus pour analyse. Les résultats ont permis de dégager des stades d’acquisition en DT : en acquisition chez les enfants de 4-6 ans, augmentation de la fréquence d’utilisation chez les 6-8 ans et performance près de celle de l’adulte à 8-11 ans. Plusieurs types d’erreurs commises par les enfants ont aussi pu être relevées. L’omission apparaît chez toutes les populations et ne serait pas un marqueur clinique du TDL. L’information est pertinente en milieu clinique puisque les orthophonistes pourront s’appuyer sur les stades d’acquisition, ainsi que sur les erreurs commises, pour juger de la performance langagière de populations qui les consultent.

La résolution de problèmes mathématiques à énoncé verbal est un défi pour les enfants au développement typique qui est d’autant plus importantes pour les enfants avec un trouble développemental du langage oral (TDL ; Cross et al., 2018). Toutefois, il n’existe pas de littérature décrivant leurs difficultés spécifiques. L’objectif de notre recherche est d’investiguer les facteurs cognitifs et instructionnels intervenant dans la résolution de problèmes des enfants avec TDL. Nous décrirons la première de nos deux études dont le but est de documenter les défis qu’ils éprouvent lors de la résolution de problèmes. Des enfants scolarisés en 3^e primaire seront recrutés : 15 ayant un développement typique et 15 ayant un TDL. Chaque enfant sera amené à résoudre 12 problèmes au maximum (avec crayons et jetons au besoin). Les problèmes seront proposés sous forme d’évaluation dynamique. Chaque enfant se verra présenter un problème, puis, selon les réponses obtenues, trois simplifications pourront être données successivement : une simplification contextuelle, une simplification syntaxique et une simplification lexicale. Chaque étape ne sera proposée que si la précédente est échouée. Les stratégies seront codées. Les résultats nous permettront d’identifier les défis rencontrés ainsi que les simplifications facilitantes à la résolution de problèmes et d’élaborer une intervention, objet de notre seconde étude, visant à améliorer la résolution de problèmes des enfants ayant un TDL.

La plupart des enfants ayant un trouble développemental du langage (TDL) sont à risque d’avoir des difficultés dans leurs interactions sociales (Conti-Ramsden et Botting, 2004; Norbury et al., 2016). Certaines études documentent les liens entre les habiletés pragmatiques et les compétences sociales (Durkin et Conti‐Ramsden, 2007), mais ces relations demeurent peu étudiées. L’objectif de cette étude est d’étudier quelles habiletés langagières sont associées à la compétence sociale chez les enfants francophones d’âge préscolaire et d’identifier les difficultés de compétence sociale des enfants ayant un TDL. Le vocabulaire, la morphosyntaxe, la pragmatique et le discours ont été mesurés chez 18 enfants qui ont entre 36 et 59 mois, dont cinq à risque de présenter un TDL. L’éducatrice en milieu de garde à rempli un questionnaire évaluant la compétence sociale. Trois sous-échelles de la compétence sociale sont associées à au moins une mesure langagière, plus particulièrement le vocabulaire ou la pragmatique : dépendant – autonome, déprimé – joyeux, isolé – intégré. Les enfants à risque de présenter un TDL ont plus de caractéristiques liées à la dépendance à l’adulte comparativement aux enfants sans difficulté. Aucune différence de groupe n’est notée pour les autres composantes. Ces résultats soulignent mieux les liens entre le langage, la pragmatique et la compétence sociale à l’âge préscolaire. Ceci peut aider à établir des cibles d’intervention plus adaptées à leurs besoins.

L’étude de l‘acquisition (a)typique de la syntaxe est au centre de ce projet. Bien que la syntaxe s’inscrive dans l’ensemble des déficits liés au TDL, l’origine de ces difficultés ne fait pas consensus. Réside-t-elle dans la structure syntaxique (H1 : van der Lely et Pinker, 2014), ou serait-elle plutôt causée par la complexité liée à l’interprétation de cette structure (H2 : Jakubowicz et Roulet, 2017)? Pour répondre à cette question, les compétences structurelles et la performance à l’interface syntaxe-sémantique d’enfants avec ou sans TDL de 6-12 ans seront évaluées distinctement à partir de tâches de répétition, d’élicitation et de compréhension. La discontinuité du quantificateur tous se prête bien à ce type de recherche : les déplacements sont structurellement optionnels, mais sémantiquement motivés. Par exemple, tous peut se trouver en position contiguë (a) ou éloignée (b) du nom qu’il quantifie : (a) Tous les enfants ont reçu deux livres ; (b) Les enfants ont tous reçu deux livres. Ces deux structures sont grammaticales, mais une nuance sémantique les distingue (interprétation collective/distributive). La distribution des résultats et l’analyse des erreurs permettront de départager H1 de H2 (dominance de productions contiguës dans tous les contextes (H1) ou dans les contextes impliquant une interprétation sémantique (H2)). Les retombées de ce projet sont de natures théorique et clinique.