Un survol des 240 000 textes recensés sur le Web contenant le syntagme « crise de la citoyenneté » laisse entendre l’existence d’une crise des identités territoriales, républicaines et nationales, de représentation, des institutions publiques et du politique qui aliénerait au lieu de rassembler. Les jeunes et leur apathie ou cynisme politique supposé (en raison d’une faible adhésion aux structures politiques traditionnelles) seraient parmi les premiers responsables. Leur formation citoyenne serait déficitaire, ce qui se traduit dans le discours public par un appel « aux autorités publiques pour contrôler une jeunesse qui causerait des problèmes et serait menaçante » (Demers et coll., 2017). Considérant que « le registre de la citoyenneté constitue un des systèmes de représentation des problèmes et des solutions construits par les différents acteurs pour intervenir auprès des enfants, des adolescents et des jeunes » (Becquet, 2018, p. 15), on peut se demander quelle citoyenneté est proposée aux jeunes. Et de fait, quels normes et comportements supposément citoyens leur feraient défaut?
Alors que les programmes d’éducation à la citoyenneté définissent celle-ci par des injonctions consistant à s’identifier comme membre moralement engagé envers sa communauté, à connaître le cadre juridico-légal de sa citoyenneté et à participer aux institutions publiques au sein de ce cadre (Demers et coll., 2017), les réponses des jeunes aux enquêtes portant sur leurs conceptions de la citoyenneté (Lane et Barnett, 2011; Shulz et coll., 2009) placent ces injonctions en rupture avec les représentations qu’ils en ont et les pratiques qu’ils y accolent. D’autres recherches font état d’une mutation dans leur conception de la citoyenneté, des rapports aux institutions publiques et des pratiques citoyennes (Robert-Mazaye et coll., 2016). Dans ces conditions, comment les jeunes arrivent-ils à ces définitions, et par quelles expériences? Quelles actions y associent-ils?