Tromper une douleur sourde par un simple fourmillement issu de pulsions électriques, voilà ce que propose la neurostimulation.
[Colloque 104 - Les techniques de neurostimulation pour évaluer et traiter le système nerveux chez l’humain : où en est la science?]
Pire que la mort, la douleur est la plus grande ennemie de l’homme. Cocktails de pilules, morphines, drogues… désespéré, on est prêt à tout essayer. Toutes ces méthodes entraînent cependant leur lot d’effets secondaires quasi plus dommageables que la douleur elle-même. Et si l’électricité pouvait soulager? Tromper une douleur sourde par un simple fourmillement issu de pulsions électriques, voilà ce que propose la neurostimulation.
Guillaume Léonard, professeur chercheur à l’Université de Sherbrooke, s’intéresse au soulagement de la douleur chronique par l’usage d’un stimulateur électrique transcutané, appelé TENS (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulator). Cet appareil électrique muni d’électrodes déposées sur la zone douloureuse délivre de petites impulsions électriques indolores produisant une faible chaleur, un picotement. Mais surtout, ces impulsions envoient un message de légère douleur à la voie nerveuse.
Déjouer la douleur« Lorsqu’on se cogne l’orteil sur le coin d’une table, notre premier réflexe est de le frotter pour se soulager. Cette action crée une analgésie par contre-irritation », explique le chercheur.
Ce réflexe, bien qu’irréfléchi, est très astucieux. En stimulant une douleur superficielle, on bloque la sensation de douleur plus intense. La voie nerveuse véhiculant la sensation jusqu’au cerveau, passe par la moelle épinière, et il est possible de déjouer le message avant qu’il ne l’atteigne. Comment? En envoyant volontairement un autre message, celui de la petite douleur occasionnée par le frottement. C’est le phénomène d’analgésie par contre-irritation. L’appareil TENS distrait donc le corps à la manière du frottement sur l’orteil endolori.
Par de simples petites pulsions électriques, on pourrait dire au revoir aux maux de dos, de genou, d’épaule? Alors pourquoi tout le monde ne trimbale-t-il pas son TENS à la ceinture?
Pour une raison que le chercheur ignore, le soulagement par TENS diffère selon le type de blessure. Très efficace pour l’arthrose du genou, il l’est cependant beaucoup moins pour les accouchements. Aussi, Léonard soulève trois grands facteurs altérant son efficacité : la caféine, les opiacés et l’âge.
La caféine contient des molécules antagonistes à l’adénosine (celle générée par l’analgésie par vibration), qui contrecarrent les effets de la neurostimulation. Même chose du côté des opiacés (dérivés de l’opium, dont l’héroïne et la morphine); leur consommation vient également neutraliser l’effet du TENS. Le plus mystérieux est cependant le facteur de l’âge; pour une raison encore inconnue, les personnes âgées ne répondent pratiquement pas aux décharges de l’appareil.
À la question « Mais la douleur n’est-elle pas un avertissement nécessaire du corps? », le professeur-chercheur apporte quelques éclaircissements. « Lorsqu’il s’agit d’une douleur aiguë et spontanée, il est important d’en tenir compte. Elle est en effet un message émis en prévention d’un dommage. Cependant, pour les douleurs sourdes et chroniques, c’est différent. La sensation désagréable n’est pas nécessaire. Elle gêne la personne dans sa vie quotidienne, l’empêche de faire des activités qui lui font plaisir. »
Guillaume Léonard conclut avec les effets psychologiques positifs du TENS. « On a de nombreux préjugés. Lorsqu’il est apparu sur le marché, dans les années 1970, on en a fait une mauvaise utilisation. On croyait qu’il guérirait. Aujourd’hui, le monde de la médecine a conscience que ce n’est pas un moyen de guérison, mais bien un outil de soulagement, qui permet de redonner aux gens le contrôle de leur vie, de briser le cercle vicieux de la douleur. »
- Anne-Marie Duquette
JournalistePrésentation de l’auteureAprès une technique en travail social au Cégep de Sherbrooke, plusieurs contrats en intervention sociale au Québec et à l’étranger, Anne-Marie Duquette poursuit ses études en littérature à l’Université du Québec à Rimouski. Conjuguer écrire et être en société, voilà son défi. Elle écrit pour plusieurs journaux locaux tels que le journal indépendant Le mouton Noir, la revue culturelle Le Girafe, le journal étudiant Le Soufflet et bon nombre de revues littéraires. Elle est également l’auteure d’un roman jeunesse intitulé Contre-temps, paru en 2009 aux éditions G.G.C.
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