Le rite est un "agir corporel commun", qui régule les manières de faire. C’est une "mise en scène d’une identité" qui ne vient pas simplement d’un mythe ou du religieux, et qui doit constamment être recréée et réappropriée.
[Colloque 431 - Interdisciplinarité des rites]
Qu’avez-vous fait pour votre dernier anniversaire ou celui d’un proche? Combien de photos de nouvelles unions et de nouvelles naissances avez-vous vu passer sur Facebook dans la dernière année? À quoi ressemblait le dimanche de vos grands-parents? Et le vôtre?
Ces questions dépareillées ont un élément fort en commun : toutes correspondent à des rites. De génération en pays, les rites varient, mais toujours en s’inscrivant dans une continuité. Martine Roberge, professeure au Département d’histoire de l’Université Laval, aborde cette transformation dans son nouveau livre Rites de passage au XXIe siècle. Elle y parle de la façon dont les rites se recyclent, se redéfinissent au fil du temps en empruntant des éléments du passé pour se fixer à nouveau dans le présent.
Il y a des rites plus quotidiens, de la poignée de main aux manières de célébrer Noël. Il y en a d’autres appelés rites de passage, qui font référence à la naissance, au mariage et à la mort. La chercheuse a interviewé 55 personnes et s’est intéressée à ces rites associés aux passages au Québec sur la période 1998-2012.
«On assiste à l’émergence du fœtus-party où l'on invite les proches pour une petite fête en assistant à la première échographie de la future maman.»
Pour la naissance, de nouveaux rites sont apparus, comme le shower de bébé et les nouveaux symboles comme le coupage du cordon ombilical. On assiste aussi à l’émergence du fœtus-party où l'on invite les proches pour une petite fête en assistant à la première échographie de la future maman. Concernant les unions, c’est l’ère des mariages thématiques, des fiançailles, des pendaisons de crémaillère, où on conserve des éléments symboliques, sans le côté juridique. Enfin, à propos de la mort, on parle plus de « processus de deuil » et de « célébration de la vie » que de décès.
Quand on pense à rite, une image très stéréotypée d’une tribu exotique qui danse autour d’un feu apparaît dans notre tête. Rituel figé. Commémoration intense. Au contraire, tout (ou presque) est rite : éternuer dans son coude, se faire la bise à 1, 2 ou 3 bisous, même notre manière de marcher, de se tenir. Denis Jeffrey de l’Université Laval souligne aussi que le rite a toujours un sens vécu, jamais intellectualisé. C’est un « agir corporel commun », qui régule les manières de faire. C’est une « mise en scène d’une identité » qui ne vient pas simplement d’un mythe ou du religieux, et qui doit constamment être recréée et réappropriée.
Quatre grandes notionsLe rite d’aujourd’hui peut être expliqué en quatre grandes notions, selon Martine Roberge. D’abord, la « désofficialisation », alors que les rites prennent place hors des institutions. Ensuite, le festif. « Le rite est vu plus comme une fête à réussir. Le succès de la fête semble garantir le succès [du rite] », explique Martine Roberge. On assiste aussi à une marchandisation et spectacularisation du rite qui donne naissance à une « économie de l’événement ». Puis la personnalisation, parce que les gens ont le désir de se mettre en scène, rendu possible par les médias sociaux contemporains. Enfin, la nouveauté : on veut rendre son rite unique, se démarquer. Toutefois, même si chacun amène une touche d’originalité, toutes les structures sont communes, et finalement, on retombe dans une logique d’homogénéisation, comme ce qui prévalait dans le temps des rites traditionnels.
Et vous, comment vous démarquerez-vous lors de votre prochaine salutation dans la rue, prochaine Saint-Jean, prochaine fin d'année scolaire, prochain match de hockey...
- Alexandra Nadeau
JournalistePrésentation de la journalsiteAlexandra Nadeau termine tout juste un baccalauréat en géographie urbaine et en environnement à l’Université McGill. Elle complète également un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Elle s’intéresse au journalisme depuis le Cégep, et c’est avec Le Délit, le journal francophone de l’Université McGill, qu’elle viendra concrétiser son projet de devenir journaliste. Elle a travaillé au Délit pendant un an et demi, à titre de secrétaire puis de chef de section aux actualités. Elle a également fait un stage chez GaïaPresse, une plateforme web sur l’environnement au Québec. Alexandra a un intérêt marqué pour l’éducation, les problématiques urbaines et les enjeux environnementaux.
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