Jamais dans l’histoire humaine l’escalade vers une certaine idée de la perfection n’a été aussi effrénée que maintenant.
[Domaine de recherche 304 – Enjeux fondamentaux et finalités de la vie humaine]
Il ne se passe pas une semaine sans que l’idée d’améliorer l’être humain nous soit vantée sous la forme d’une quelconque avancée technique ou médicale. Plus rarement toutefois est-elle remise en question.
Une prothèse de main qui permet de retrouver le sens du toucher, l’atteinte de l’immortalité cybernétique à travers la création d’un avatar, une interface qui rend possible le contrôle de machines par la pensée : les moyens d’améliorer les performances de l’être humain se développent dans tous les sens. Jamais dans l’histoire humaine l’escalade vers une certaine idée de la perfection n’a été aussi effrénée que maintenant.
Un état de choses que Nicolas Le Dévédec déplore. Ce chercheur au Département de sociologie de l’Université de Montréal se sent interpellé par les débats qui entourent ce qu’on appelle l’humain augmenté. « Nous tenons pour acquis que cet idéal d’amélioration de l'humain est une bonne chose pour sa condition », explique-t-il. Cette aspiration est particulièrement marquée au travers du transhumanisme, un mouvement d’envergure mondiale qui prône l’abolition de la finalité biologique humaine par l’usage des sciences et des technologies. Les promoteurs de cette idéologie affirment même qu’elle « incarne les aspirations les plus audacieuses, courageuses, imaginatives et idéalistes de l'humanité ».
Selon Nicolas Le Dévédec, il est impératif de s'interroger sur les aspects fondamentaux de cette quête. « Il faut aller au-delà des considérations pratiques et gestionnaires mises de l’avant et se poser la question : quelle société construit-on à travers tout ça? »
C’est pourquoi il a décidé, dans le cadre de ses travaux doctoraux, de remettre en perspective cette aspiration à la perfectibilité, en remontant le fil du temps jusqu’aux philosophes des Lumières du 18e siècle, c’est-à-dire aux racines mêmes de l’humain augmenté. D’une génération de penseurs à l’autre, il a traqué l’évolution de cet idéal d’hier jusqu’à aujourd’hui.
« L'amélioration de l'humain (...) n’est plus envisagée comme un outil pour changer le monde, mais bien comme une manière de s’y conformer »
Le constat qu’il dresse est frappant : « Si les humanistes d’antan voyaient l’amélioration de l’humain comme un moyen de changer la société et d’en améliorer les conditions de vie, c’est aujourd’hui tout le contraire, affirme-t-il. Elle n’est plus envisagée comme un outil pour changer le monde, mais bien comme une manière de s’y conformer. »
Selon lui, ce passage de l’humain « amélioré » à l'humain « adapté » est le fruit d’une évacuation progressive de la dimension sociale du discours de la perfectibilité au profit d'une dimension plus technique. Ce sociologue de formation voit d’ailleurs dans ce « renversement » une forme de démission politique et sociale.
Cette rupture ne vient pas sans son lot de conséquences, considère Nicolas Le Dévédec. Pour exemple, l’utilisation du Ritalin afin d’accroître les capacités intellectuelles3 ou la stigmatisation croissante des personnes âgées sont des problèmes sociaux découlant directement de notre conception moderne de l’humain.
Par son travail, le jeune chercheur souhaite susciter le débat autour de la question de l’humain augmenté. « Ce dernier est un construit social et historique. Par conséquent, il n’a rien d’inéluctable », soutient-il.
- Maxime Bilodeau
JournalistePrésentation du journalisteMaxime Bilodeau est un jeune journaliste basé dans la région de Québec. Diplômé en 2013 au Baccalauréat en kinésiologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), il a ensuite entamé des études en journalisme à l’Université Laval. En plus d’acquérir les rudiments du métier au sein du média-école l’Exemplaire, il a collaboré dans la dernière année aux médias étudiants lavallois en plus d’effectuer quelques contrats à la pige. Dès l’automne prochain, il dirigera le pupitre des sports d’Impact Campus, le journal étudiant de l’Université Laval. Il arrive au 82e Congrès de l’Acfas assoiffé comme jamais de science.
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