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Rabéa Kabbaj, Journaliste
Youtube et autres DailyMotion croulent sous les témoignages filmés par ces réalisateurs autoproclamés qui documentent, souvent sans mise au point, mais rarement sans émotion, ce dont ils viennent d'être les témoins.

[Colloque 323 - Récits d’images. Explorer le social par les artefacts visuels] 

Confronté à une catastrophe, à l'ère du 2.0, le commun des mortels aura le souci de capturer l'événement avec son téléphone intelligent, parfois même avant de songer à sa sécurité. Youtube et autres DailyMotion croulent ainsi sous les témoignages filmés de ces réalisateurs autoproclamés qui documentent, souvent sans mise au point, mais rarement sans émotion, ce dont ils viennent d'être les témoins.

Professeur adjoint au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal, Richard Bégin a présenté au congrès l’étude qu'il mène actuellement sur l'impact de ces images mobiles sur la représentation que se font les internautes des événements rapportés. Selon Richard Bégin, ces «mobilogrammes», comme il les appelle, jouent un rôle prépondérant dans la perception que chacun se forge de ces drames et ce, à plusieurs égards.

«Des documents qui ajoutent du sensible à une réalité difficilement intelligible» 

Pour l’internaute, ces vidéos entraînent, pour un même événement, une multiplication des points de vue. À chaque fois, sans filtre explicatif, elles le plongent dans les émotions vécues par les témoins, sans distanciation possible.

Même le traitement de l'information par les médias traditionnels s’articule de plus en plus autour de ces témoignages. Comme le relève Richard Bégin, dernièrement, la couverture des attentats de Boston par CNN en a été un exemple frappant, puisque la chaîne américaine a reconstruit le fil des événements en recourant largement aux vidéos amateurs.

Souvent mal filmés et rendant surtout compte de la panique et de l'agitation dans laquelle se trouve le vidéaste amateur, ces documents ont néanmoins le mérite pour les médias « [d'] ajouter du sensible à une réalité difficilement intelligible », constate le chercheur.

Des images d'archive

Pour son étude, Richard Bégin est parti du tsunami de Phuket en 2004, premier événement d'envergure filmé par des téléphones portables. Il a ensuite repéré d’autres désastres ou drames, pour lesquels il a demandé à ses auxiliaires de recueillir le plus de vidéos possibles tournées avec des téléphones portables. L'analyse des documents ainsi collectés vise ensuite à étudier l'usage qu'en ont fait les grands médias.

Au final, Richard Bégin souhaiterait créer un site web destiné à archiver ces images vouées autrement à disparaître, alors même qu'elles représentent « une forme de mémoire physique de l'événement ».

Ces vidéos amateurs constituent davantage le témoignage de la présence corporelle du témoin qu'un reportage réellement informatif sur la catastrophe. Mais leur démultiplication et leur circulation effrénée sur la toile n'en sont pas moins riches en enseignements sur l'ambivalence qui caractérise notre perception des événements. « Soit cela nous anesthésie en nous rendant insensibles, par effet d’accumulation, soit au contraire cela fait de nous une communauté traumatique. Ce sont les deux côtés d'une même médaille que je cherche à saisir ».


  • Rabéa Kabbaj
    Journaliste
    Présentation de l’auteure :Actuellement étudiante à la Maîtrise en Journalisme international à l’Université Laval, Rabéa Kabbaj a découvert le journalisme en 2011, année durant laquelle elle a été reporter puis rédactrice en chef de l’hebdomadaire universitaire L’Exemplaire. Passionnée de littérature et de culture, elle envisage cette immersion dans le journalisme scientifique, à l’occasion du Congrès de l’ACFAS, comme une chance d’acquérir de l’expérience dans un domaine qui lui était jusqu’ici moins familier.

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