...les municipalités performent déjà en regard des défis qui se dressent devant nous. Or, c’est toute la population qui gagnerait à ce que les villes puissent maximiser leur pouvoir d’agir par une réelle réévaluation de leurs champs de compétence et des moyens qui leur sont associés.
Dans la longue liste des services municipaux offerts par la Ville de Longueuil, selon un sondage Léger1 mené en octobre dernier, seule la satisfaction citoyenne à l’égard du déneigement des trottoirs se situe en deçà de la barre des 70 %, à tout juste 69 %. Mais encore, on obtient largement la note de passage :
Satisfaction citoyenne à Longueuil :
- Parcs et espaces verts, 91 %
- Bibliothèques, 88 %
- Activités de loisirs, 84 %
- Réseau de pistes cyclables, 83 %
- Collecte des ordures, 83 %
- Sécurité de la ville, 79 %
- Déneigement des rues, 77 %
À quelques variations près (en comparaison des citoyens des autres villes, les Longueuillois semblent particulièrement satisfaits de la propreté de leur quartier – eux qui accordent une note de 7,2/10 contre 6,4/10 en moyenne au Québec – et même du fastidieux déneigement des trottoirs – à 6,4/10 contre 6/10 en moyenne), ces données se comparent à celles de l’indicateur Léger, qui mesure chaque année les notes moyennes (sur 10) accordées par les citoyens à leur municipalité.
Il y a évidemment toujours place à l’amélioration et nos organisations sont dédiées à innover en ce sens, mais avouons que les résultats sont beaucoup plus élevés que ce qu’on aurait tendance à imaginer.
En tout cas, je vous assure qu’ils le sont davantage que ce qu’anticipaient les conseillers municipaux et les employés du Centre de services aux citoyens (le 311), habitués à recevoir les plaintes des mécontents. Vous comprendrez qu’il est plus rare qu’on nous écrive pour nous féliciter pour les services rendus (quoique ça arrive probablement aussi plus souvent que vous ne le croyez).
Si les municipalités réussissent bien au chapitre de leurs responsabilités dites « traditionnelles », tout le monde s’entend pour admettre que le champ d’intervention des villes s’est accru avec les années. Entre les évènements météorologiques extrêmes qui se multiplient et l’itinérance qui augmente à une vitesse vertigineuse sur nos territoires, les villes répliquent avec sensibilité, créativité et proactivité.
Climat et habitation
Prenons justement les plus importantes crises auxquelles nous faisons face actuellement : celle du climat et celle de l’habitation.
Dès les lendemains de l’élection municipale de 2021, les 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) se sont engagées vers l’adoption d’un règlement de contrôle intérimaire (RCI), le temps de nous doter de plans de protection des milieux naturels locaux, meilleur outil pour lutter contre les changements climatiques. J’ai présenté celui de la Ville de Longueuil à l’automne 2023, lequel ne prévoit rien de moins que la conservation à perpétuité d’une ambitieuse proportion de 21 % de notre territoire.
Devant des sommes astronomiques à débourser en frais juridiques et compensations aux propriétaires privés, les villes se sont alliées, notamment par l’intermédiaire de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), pour créer le rapport de force suffisant dans le but d’obtenir des changements législatifs permettant de faire évoluer le régime de droit afin d’éviter des recours en expropriation déguisée à gros prix pour les contribuables.
Ce fut mission accomplie en décembre 2023 avec la collaboration de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.
Durant la dernière campagne électorale, l’actuel maire de Laval Stéphane Boyer et moi-même avons porté la voix de notre génération qui peine à accéder à la propriété avec l’explosion des prix de l’immobilier en proposant la tenue d’un grand Sommet de l’habitation, visant à réunir l’ensemble des partenaires de la société civile. Cet évènement d’envergure fut finalement tenu à l’été 2022 et les réflexions se multiplient depuis, avec la riche contribution du monde municipal, qui se prend en main et agit de façon responsable en traitant de front la question de la réduction des délais d’émission des permis de construction, entre autres solutions. Notons d’ailleurs que des villes comme Longueuil et Laval ont toutes les deux connu un résultat record2 de mises en chantier l’an dernier.
Le principe de subsidiarité
Depuis quelques mois, j’ai la chance de faire partie de la cohorte 2024-2025 de la Bloomberg Harvard City Leadership Initiative, me donnant l’occasion d’être en contact quasi quotidien avec plus de 35 autres mairesses et maires à travers le monde. Si les villes réussissent à prendre à bras-le-corps les enjeux contemporains les plus criants en apportant une réponse plus souple et plus adaptée aux différents milieux en comparaison des gouvernements dits « supérieurs », c’est grâce au principe de subsidiarité, qui veut que les actions soient entreprises au niveau le plus près possible du citoyen.
La plupart des autres pays l’ont mieux compris que nous, alors qu’ailleurs, les villes agissent au moins partiellement en santé, en services sociaux et en éducation, en s’appuyant sur des leviers financiers nettement plus importants que les nôtres. Nous sommes pourtant déjà trop loin de l’époque où les municipalités ne fournissaient que des « services à la propriété » pour que les villes québécoises et canadiennes demeurent aussi dépendantes de l’impôt foncier.
On l’a vu, les municipalités performent déjà en regard des défis qui se dressent devant nous. Or, c’est toute la population qui gagnerait à ce que les villes puissent maximiser leur pouvoir d’agir par une réelle réévaluation de leurs champs de compétence et des moyens qui leur sont associés. Pour cela, nous aurons d’abord besoin d’une révision de fond en comble de la fiscalité municipale. Les gouvernements doivent nous aider à les aider, au bénéfice de l’ensemble de la société.
- Catherine Fournier
Mairesse de Longueuil
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