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Lucie Hotte, Université d'Ottawa

En 1958, quatre professeurs de français de l’Université d’Ottawa - Bernard Julien, Jean Ménard, Réjean Robidoux et Paul Wyczynski - demandent au recteur, le père Henri Légaré, la permission de fonder un Centre de recherches sur la littérature canadienne-française, premier du genre au Canada. Ces visionnaires œuvraient sur ce projet depuis six ans. Au cœur de cette « imprévisible et magnifique rêverie », selon l’expression de Bernard Julien, se trouve Paul Wyczynski qui dirigera le centre de recherche de sa fondation à 1973. 

Paul Wyczynski
Paul Wyczynski. Source: Université d'Ottawa.

L'engagement de Paul Wyczynski

Le rôle de Paul Wyczynski dans la fondation puis l’établissement du Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) est magistral. Né à Zelgoszcz en Pologne, le 29 juin 1921, Wyczynski a un sens de l’engagement social très développé. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fonde une cellule de résistance appelée Jaszczurka. Après la guerre, il se rend en France où il obtient une licence ès lettres en 1949 et un diplôme d’études supérieures en 1951. Cette même année, il émigre au Canada et entre en poste à l’Université d’Ottawa tout en y poursuivant son doctorat sur l’œuvre d’Émile Nelligan. Au cours de ses recherches doctorales, il se lie d’amitié avec la famille du poète et devient le dépositaire de ses archives. Il s’intéresse aussi à l’École littéraire de Montréal et accumule de nombreux documents à son sujet. En 1957, Wyczynski est l’un des premiers chercheurs à déposer une thèse en littérature québécoise. Son amour des lettres canadiennes-françaises, de même que l’intérêt des documents qu’il a entre les mains, le mènent à mettre sur pied un espace dédié à la recherche dans ce domaine et à préserver les archives des plus importants acteurs du milieu littéraire. 

Rapidement, le Centre de recherche en littérature canadienne-française acquiert une forte réputation dans le milieu littéraire. L’éminent critique québécois, Gilles Marcotte, souvent intransigeant face aux recherches de Wyczynski, reconnaissait néanmoins l’importance des travaux réalisés par le Centre de recherches sur la littérature canadienne-française (CRLCF) étant donné le peu de cas qu’on faisait généralement de la littérature d’ici dans le milieu universitaire au Québec : « La seule université canadienne de langue française qui accorde à notre littérature une attention soutenue est celle d’Ottawa, où l’on créait il y a quelques années un Centre de recherche en littérature canadienne-française. Ce Centre vient de publier coup sur coup un ouvrage de son directeur Paul Wyczynski sur Émile Nelligan dans la collection “Visages des lettres francophones”, et un recueil d’études sur quelques écrivains du Mouvement littéraire de Québec. Au total, environ six cents pages de texte serré sur la littérature canadienne. On est sérieux et travailleur, à Ottawa  »1

De la littérature à la civilisation canadienne-française

Rapidement, le CRLCF devient un lieu d’échanges pour les chercheurs s’intéressant au Canada français, puis à l’Ontario français. La diversité disciplinaire des chercheurs s’y réunissant mène à une redéfinition du mandat en 1969, et il devient le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF). C’est également à ce moment, avec la montée de la prise de parole identitaire franco-ontarienne au début des années 1970, que le CRCCF consacre davantage ses énergies à l’étude et à la préservation du patrimoine francophone ontarien. En 1973, c’est d’ailleurs un historien, Pierre Savard, qui prendra la direction du centre de recherche.

Pendant son mandat de directeur, Wyczynski fonde deux collections de livres afin d’encourager et diffuser la recherche sur le Canada français : les « Archives des lettres canadiennes », créée en 1960 publiera son XVIIe tome cette année et, en 1968, les Cahiers du CRCCF, remplacés depuis par la collection Amérique française. 

Au fil des ans, les moyens de diffusion mis sur pied au CRCCF se diversifient. Outre les outils de recherche pour ses fonds d’archives, aujourd’hui disponibles en ligne pour la plupart, le Centre publie deux revues savantes : Francophonies d’Amériques depuis sa fondation en 1991 et Mens : Revue d’histoire intellectuelle et culturelle

Aujourd’hui, le CRCCF encourage toujours la recherche sur la francophonie canadienne en accueillant des chercheurs en résidence et en offrant, avec ses partenaires, des Bourses de recherche sur les francophonies canadienne et nord-américaine pour les étudiants à la maîtrise et au doctorat de l’Université d’Ottawa. Ses fonds d’archives, qui couvrent tous les aspects de la vie en français en Ontario, au Québec et dans tout le Canada, comptent près de 600 fonds, soit plus de 2,5 km linéaires de documents. Pour ses 60 ans, le CRCCF lance de nouvelles séries d’activités de diffusion de la recherche. À ses célèbres « Rendez-vous du CRCCF » et « Archives à voix haute », s’ajoutent des rencontres avec des auteurs d’articles ou d’ouvrages parus dans ses revues ou collections, « À livre ouvert », ainsi que des expositions de documents d’archives. La première qui portera sur les archives éditoriales sera lancée, le 28 mai au CRCCF, à l’occasion du prochain congrès de l’Acfas.

En 1957, [le chercheur polonais installé au Canada] Paul Wyczynski est l’un des premiers chercheurs à déposer une thèse en littérature québécoise. Son amour des lettres canadiennes-françaises, de même que l’intérêt des documents qu’il a entre les mains, le mènent à mettre sur pied un espace dédié à la recherche dans ce domaine et à préserver les archives des plus importants acteurs du milieu littéraire. 

 

Lancement de l’exposition de documents d’archives éditoriales
Centre de recherche en civilisation canadienne-française
040 pavillon Morisset, Université d’Ottawa
28 mai 2019
Infos : crccf@uOttawa.ca

 

Poursuivez votre lecture en consultant les autres articles du dossier.

  • 1Marcotte, G. (1961). « Littérature : critique universitaire ». Liberté, 3, (3-4), 648–649.

  • Lucie Hotte
    Professeur·e d’université
    Université d'Ottawa

    Lucie Hotte est professeure titulaire au Département de français de l'Université d'Ottawa, directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-française et titulaire de la Chaire de recherche sur les cultures et les littératures francophones du Canada. Ses recherches portent sur ses trois principaux champs d’intérêt : les théories de la lecture, les littératures minoritaires et l’écriture des femmes. Elle s’intéresse aussi à la réception critique des œuvres d’écrivains marginaux. Elle a beaucoup publié sur les littératures franco-canadiennes et les enjeux institutionnels propres aux littératures minoritaires. En 2017, elle a reçu la médaille commémorative du 150e anniversaire de la Confédération du Sénat canadien en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la promotion de la culture franco-ontarienne. Madame Hotte est également membre de la Société royale du Canada.

     

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