La perchaude gagne à tolérer de petites quantités de contaminants. Ainsi, elle minimise les dépenses d’énergie dédiées à sa "désintox". Fûtée...
[Colloque 34 - Du superpétrolier à la nanoparticule : 30 ans d’écotoxicologie marine, hommage au professeur Émilien Pelletier]
Dans le domaine de l’écotoxicologie, il est traditionnellement admis qu’un micropolluant s’accumule dans un organisme quand sa concentration excède une valeur seuil. Pourtant, le chercheur Peter Campbell a relevé des traces de micropolluants métalliques chez certaines perchaudes même lorsque ces contaminants étaient présents en faible quantité dans l’eau. Ces résultats viennent ébranler ce qui était considéré comme un acquis dans le milieu.Chimiste et écotoxicologue à l’INRS - Eau Terre Environnement, Peter Campbell démontre que les micropolluants métalliques, présents dans certains lacs contaminés par les fonderies de l’Ouest du Québec, s’accumulent dans le foie de la perchaude et ce même dans les lacs peu pollués. Le poisson n’évacue donc pas la totalité des métaux toxiques, même lorsque ledit métal n’est présent qu’en faible quantité, et « cela, vous ne le lirez dans aucun livre d’écotoxicologie » soutient le chercheur. Ce dernier hypothétise que le poisson, exposé régulièrement au micropolluant, adopterait un compromis entre réactions métaboliques essentielles et détoxication, processus coûteux en énergie. La perchaude gagnerait donc à tolérer de petites quantités du contaminant, lui permettant alors de minimiser les dépenses d’énergie dédiées à la neutralisation de ce dernier.« Les métaux sont toxiques au niveau cellulaire quand ils font des liaisons inappropriées avec d’autres protéines », expose M. Campbell lors de sa présentation. Il ajoute que ce sont surtout les métaux non essentiels qui représentent une menace pour l’organisme : « par exemple, le mercure agit comme une neurotoxine, il influence le comportement et l’impulsion nerveuse ».
«Les polluants organiques sont introduits par l’humain, il est donc plus simple de les détecter en tant que contaminants. Les métaux, eux, sont naturellement présents dans les écosystèmes. Il est alors difficile de distinguer les apports d’origine humaine de ce "bruit de fond naturel" ».
L’écotoxicologie émerge au début des années 1960, comme « la science qui cherche à prédire les impacts des substances potentiellement toxiques sur l’écosystème », selon la définition de l'écotoxicologue, dans un article scientifique dont il est co-auteur. En presque soixante ans, cette discipline a pris son essor en se basant principalement sur les polluants organiques, de sorte que les techniques traditionnelles de détection et de quantification des micropolluants dans l’environnement ne sont pas toujours adaptées aux cas des métaux.
Par exemple, les polluants organiques comme les insecticides ou les goudrons sont introduits par l’homme dans l’environnement, il est donc plus simple de les détecter en tant que contaminants et d’évaluer leur toxicité. Au contraire, les métaux sont naturellement présents dans les écosystèmes. Il est alors difficile de distinguer les apports d’origine humaine de ce « bruit de fond naturel », d’autant plus que les organismes vivants ont appris à vivre en présence des métaux, à en profiter même, jusqu'à les incorporer dans leur métabolisme. C’est entre autres le cas du fer, qui permet aux molécules d’hémoglobine du sang de capturer l’oxygène et de le distribuer aux différents organes de notre corps. Cependant, il n’en va pas de même pour les micropolluants organiques dont la bioaccumulation représente un risque pour l’organisme.
Même si les perchaudes ont été fortement touchées par le rejet des métaux issus des fonderies, la situation s’améliore m’explique Peter Campbell en entrevue : « Dans les années 1990, les fonderies ont commencé à filtrer les poussières rejetées dans l’atmosphère par les cheminées d’usine, et depuis une trentaine d’années la qualité de l’eau des lacs à proximité s’est beaucoup améliorée ».
On a un peu plus d’inquiétude cependant pour l’avenir de l’écotoxicologie au Canada. Après les importantes coupures imposées par le gouvernement fédéral, cette discipline peine à trouver du financement : « on ne peut pas aller voir le secteur privé en leur disant ‘financez-nous pour voir si vous polluez’ » plaisantait ce matin Richard Saint-Louis, co-organisateur du colloque.
- Rachel Hussherr
JournalistePrésentation de l’auteureFérue d’écriture, c’est son grand-père qui a transmis à Rachel Hussherr le goût des belles phrases et la folie des mots. Étudiante à la maîtrise en biologie à l’Université Laval, elle est originaire de France, et elle a précédemment complété un baccalauréat en biologie à l’Université de Lausanne, en Suisse. Au travers de ses études en sciences, elle tente de trouver du temps pour rassasier sa soif de vulgarisation et son goût pour l’écriture.
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