502 - Oral et didactique de l’oral : un rendez-vous scientifique depuis 20 ans

Dans un contexte où le temps de classe est compté et où le travail des compétences à lire et à écrire est souvent priorisé, plusieurs enseignant·es québécois·es disent ne pas avoir suffisamment de temps à accorder à l’oral (Lafontaine et Messier, 2009; Sénéchal, 2020). Par conséquent, il apparait pertinent de prioriser le travail de certains objets de l’oral en se basant sur les connaissances que les élèves auraient acquises par rapport à leur compétence à communiquer oralement (CCO) à travers leurs diverses expériences de locuteur·rice du français et leur parcours scolaire. Notre projet de recherche de maitrise vise à décrire ce que (re)connaissent des élèves de leur CCO lorsqu’iels l’autoévaluent, à l’issue de leur parcours secondaire. Pour ce faire, 18 élèves de 5e secondaire participeront à une discussion spontanée en triade, suivie d’une autoévaluation de leur CCO à l’aide d’une autoscopie, c’est-à-dire en s’appuyant sur l’enregistrement vidéo de leur prise de parole (Leblanc et Veyrunes, 2011). Ces autoévaluations seront filmées, puis transcrites, et les données ainsi collectées feront l'objet d’une analyse de contenu par traitement déductif (Fortin et Gagnon, 2022). Lors de cette communication, nous présenterons notre projet de recherche ainsi que les constats préliminaires issus de l’analyse des données en cours.

Cette communication portera sur les enjeux entourant la prise de parole d’élèves en classe de français au secondaire, sur le rapport à l’oral ainsi que sur le jeu de rôles comme piste de solution à ces enjeux. Puisque la didactique du français s’appuie sur des pratiques sociales de référence comportant des savoir-faire, des savoir-être, des attitudes et des valeurs qui sont étroitement liés à la culture (Sénéchal, 2021), l’école a pour mission d’aider les élèves à développer une compétence à communiquer oralement qui leur permettra de faire face à des situations de communication diversifiées (Maurer, 2001). Cependant, les prises de parole en classe seraient stressantes et anxiogènes pour beaucoup d’élèves, et ceux-ci éprouveraient des difficultés à gérer leurs émotions dans ces temps de parole (Dumais et al., 2023), rendant nécessaire de se pencher sur le rapport que ceux-ci entretiennent avec l’oral. En ce sens, le jeu de rôles comme activité d’oral permettrait aux élèves d’apprendre à communiquer dans diverses situations tout en jouant, de dédramatiser les erreurs et de protéger leur identité dans un climat de classe non menaçant et propice à l’apprentissage, ce qui aiderait à diminuer l’anxiété (Sanchez, 2024). Dans cette communication, la problématique et le cadre théorique sous-jacent à la recherche doctorale seront présentés, ce qui inclut les théories et les modèles en didactique de l’oral, en plus d’aborder succinctement la méthodologie de recherche envisagée.

Depuis plus de 15 ans, des recherches mettent en lumière le constat suivant : l'oral est peu enseigné dans les classes du primaire et du secondaire au Québec (Lafontaine et Messier, 2009; Soucy et Dumais, 2022). Ce constat est problématique dans la mesure où ces pratiques semblent désavantager certains élèves et sont susceptibles de perpétuer des inégalités sociales (Sénéchal, 2022). Cette situation pourrait notamment être expliquée par les représentations sociales (RS) qu'entretiennent des enseignants : par exemple que l’oral ne s’enseigne pas en contexte scolaire (Colognesi et al., 2023) et que l’oral est moins important que la lecture et que l’écriture (Soucy, 2023). Il est possible que la formation initiale en didactique de l'oral permette d'améliorer ce portrait, mais peu d'informations sont disponibles à cet effet. Cette situation nous a amenés à réaliser une recherche qui a pour objectifs spécifiques de : 1) mesurer des effets de la formation initiale en didactique de l'oral sur les pratiques et les RS d'enseignants québécois du primaire et du secondaire à propos de l'enseignement et de l'évaluation de l'oral; 2) décrire des raisons pouvant expliquer ces effets. Pour ce faire, une recherche par méthodes mixtes basée sur un devis séquentiel explicatif sera mise en place (Creswell et Creswell, 2018). Dans le cadre de cette communication, nous présenterons la problématique et le cadre conceptuel à l’origine de cette recherche ainsi que la méthodologie envisagée. 

Jusqu’à présent, en didactique des langues, le « rapport à » a principalement été étudié à travers l’écrit. Documentée dans des écrits scientifiques principalement francophones, la notion de « rapport à l’écrit », sa modélisation et ses dimensions constitutives ont été déterminées de façon théorique, et n'ont pas, à notre connaissance, été mises à l'épreuve à l’aide d'études psychométriques pour valider le construit et sa dimensionnalité. Une telle clarification contribuerait à préciser les référents et à stabiliser le statut de cette notion. Concernant l'oral, il n’existe que très peu de travaux sur la question du « rapport à ».

Cette contribution sera l’occasion de présenter la méthodologie de recherche utilisée pour développer une modélisation et une échelle psychométrique du « rapport à l’oral », baptisée ÉRO (Échelle du Rapport à l’Oral, Colognesi et al., 2023). Il s’agit d’un projet d’envergure qui rassemble des expertises et des investigations provenant de Belgique, de France, du Québec, des Pays-Bas et de la Suisse romande. Ainsi, les grandes étapes du processus seront d’abord décrites, puis les résultats des analyses exploratoires et confirmatoires qui ont été menées auprès de plus de 1000 (futurs) personnes enseignantes de la Belgique francophone. Les dimensions du rapport à l’oral, telles que dégagées à l’issue de ces analyses, seront ainsi présentées. Nous terminerons en annonçant nos perspectives de travail, impliquant les différents pays.

Les approches en didactique de l’oral se sont souvent appuyées sur un certain nombre de notions dichotomiques pour baliser ce champ d’enseignement et d’apprentissage et proposer divers modèles pour construire des séquences d’enseignement, évaluer l’oral, s’intéresser à son rôle dans les différentes disciplines scolaires, etc. Nous avons mené une revue narrative de la littérature (Baumeister et Leary, 1997 ; Efron et Ravid, 2019 ; Nambiema et al., 2021 ; Petticrew et Roberts, 2006) qui, sans passer par une revue systématique de la littérature, « contribue à la mise à jour et à la critique des connaissances sur un sujet donné et a pour objectif de repérer des publications pertinentes » (Nambiema et al., 2021, p. 547). Des livraisons de revues telles que Pratiques, Repères ou Le Français Aujourd’hui entre autres, ont été étudiées. Cette analyse nous a permis de cerner les principales dichotomies qui ont traversé l’histoire de la didactique de l’oral dans la littérature francophone : oral à apprendre / oral pour apprendre ; oral intégré / oral autonome ; communiquer / mettre en discours ; produit (performance oral) /processus (apprentissages oraux) ; vectorisation écrit / oral ; oral / oralité ; norme interne / norme externe (évaluation). L’objectif de cette communication est de faire une brève présentation de ces notions dichotomiques, de montrer comment elles ont pu orienter le champ de la didactique de l’oral et comment certaines d’entre elles ont été dépassées.

Cette communication présente les résultats d’une étude qui analyse le rapport à l’oral des futurs enseignants durant leur formation en enseignement. En didactique du français, le concept de rapport se traduit le plus souvent par les habitudes et les attitudes envers la lecture, l’écriture ou la communication orale. Aussi, la perception de la compétence peut également jouer un rôle dans le rapport à la communication au sens large. Cette perception a été développée dans la théorie de l’auto-efficacité de A. Bandura qui nous sert de cadre de référence. Les données proviennent d’une enquête par questionnaire menée auprès des futurs enseignants du primaire suivie des journaux réflexifs. Les résultats ont permis de décrire les habitudes, les habiletés et les attitudes en communication orale avec des aspects spécifiques au contexte francophone minoritaire. L’inférence statistique a permis de déterminer l’influence de leurs attitudes envers l’oral sur leurs habitudes et aussi de préciser la corrélation entre les habitudes et les habiletés. L’engagement en communication orale des futurs enseignants est un aspect important à considérer dans les cours de didactique du français au primaire en contexte francophone minoritaire où l’apprentissage du français oral représente pour des personnes apprenantes un enjeu qui fait appel à plusieurs défis.

En formation à l’enseignement, la maitrise de la langue orale et écrite est au coeur même de l’acte d’enseigner (MEQ, 2020). Au terme de leur formation, les étudiants devraient maitriser les différentes composantes de l’oral et avoir développé une posture réflexive s’appuyant sur une autoévaluation de leurs pratiques orales. Comme l’ont souligné certains chercheurs, l’autoévaluation de l’oral est une tâche complexe. D’abord, parce que l’oral est volatile et l’utilisation de supports est nécessaire à son analyse; ensuite, parce que l’autoévaluation requiert de la part du locuteur la prise en compte de nombreuses dimensions liées à la construction de son identité professionnelle : connaissance des objets de l’oral, adoption d’une posture métacognitive, analyse du sentiment de compétence, etc. (Dumais, 2015; Lavoie et Bouchard, 2017; Messier et al., 2017, Scheepers [dir.], 2023)

Cette communication vise à mettre en lumière les défis rencontrés dans l’élaboration d’un outil d’autoévaluation novateur des conduites explicatives orales d’étudiants à la MQES à l’UQAT. Les conduites discursives orales, qui constituent aux yeux des chercheurs des masses verbales non homogènes s’étendant au-delà de la phrase (Grandaty, 2002), sont relativement complexes à analyser. Nous proposons également des retombées didactiques de cet outil d’autoévaluation.

La population scolaire francophone en milieu minoritaire au Canada se caractérise par une grande diversité linguistique, culturelle et sociale (Bernard, 2018). Les enseignants qui doivent composer avec cette diversité, eux-mêmes provenant de sphères variées, sont susceptibles de se heurter à des difficultés durant leurs interactions avec cette population diverse (Bélanger, 2019). En plus, enseigner le français, langue de scolarisation, en particulier l’oral, demeure un réel défi pour certain(e)s enseignant(e)s (Colognesi et Hanin, 2020 ; Dumais, 2015 ; Dumais et Lafontaine, 2011 ; Lafontaine et Messier, 2009 ; Soucy, 2019). À partir du cadre conceptuel de l’enseignement de l’oral, nous proposons d’analyser les dispositifs créés par 22 étudiants en formation à l’enseignement de l’Université d’Ottawa. À l’aide d’un devis descriptif exploratoire, nous décrivons la préparation et le déroulement de la formation menée avec ces étudiant(e)s. À la suite de ces analyses, nous comptons faire le lien entre les approches pour enseigner l’oral et les affordances du numérique et de la multimodalité (Boultif et Crettenand Pecorini, 2021 ; Lacelle et Boultif, 2016 ; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2013 ; Thamin et al., 2023) qui se combinent dans la baladodiffusion. Les résultats de ces analyses pourraient aider les enseignant(e)s en formation à innover, afin de développer des pratiques d’enseignement de l’oral motivantes et en phase avec les pratiques sociales effectives des élèves.

Soutenir le développement du langage des enfants passe par une interaction soutenante entre la personne enseignante et les enfants. Pourtant, l’étayage dans les interactions de classe demeure une pratique langagière difficile à changer. Cette recherche participative a été menée en collaboration avec 12 personnes étudiantes en 2e, 3e et 4e année d’étude en enseignement au préscolaire et au primaire ainsi qu’en adaptation scolaire, qui ont participé à deux groupes focalisés. L’étude vise d’abord à mieux comprendre leurs perceptions et leurs savoirs expérientiels quant à la communication et les interactions de classe. Ensuite, en s’appuyant sur ces perceptions et savoirs expérientiels, elle vise à codévelopper, en collaboration avec ces personnes étudiantes, des activités de formation pratique interprofessionnelle qui cibleront le développement de la compétence à communiquer oralement des futures personnes enseignantes. Les résultats feront état du processus de codéveloppement de ces activités de formation qui feront l’objet d’une étude pilote dans une phase ultérieure. Cette présentation illustrera donc comment les perceptions et savoirs expérientiels des personnes étudiantes peuvent servir d’assise pour orienter et développer la formation initiale qui leur est offerte.