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Anna Zumbansen, Université d'Ottawa

Je m’intéresse au chant depuis très longtemps. D’abord, parce que j’aime chanter, mais ensuite, parce que, en tant que chercheuse dans le domaine de la réadaptation, les effets du chant sur la santé m’intriguent.

Anna Zumbansen présentera une communication au 91e Congrès de l'Acfas tenu à l'Université d'Ottawa, le 17 mai 2024, dans le cadre du colloque Les bienfaits de la musique sur la santé : vers une approche accessible et communautaire.

Anna Zumbansen
Anna Zumbansen est professeure adjointe à l’Université d’Ottawa et codirige l’Institut de recherche en musique et santé (IRMS). Source : Anna Zumbansen,

 

 

 

La musique qui rassemble

« Chanter, c’est bon pour la santé », dit-on régulièrement dans les médias. En effet, dans des enquêtes à grande échelle, les membres de chorales rapportent une variété d’effets bénéfiques tels que l’amélioration de l’humeur, une meilleure gestion du stress et de la respiration, et un sentiment positif d’appartenance sociale. Dans le même sens, des revues systématiques et des méta-analyses de la littérature scientifique concluent que le chant en groupe possède un « potentiel » d'améliorer le bien-être et la qualité de vie, ainsi que certaines conditions de santé.

[...] dans des enquêtes à grande échelle, les membres de chorales rapportent une variété d’effets bénéfiques tels que l’amélioration de l’humeur, une meilleure gestion du stress et de la respiration, et un sentiment positif d’appartenance sociale.

Cependant, des études et un récent rapport d'experts1ont également relevé des limites et des défis importants sur le plan méthodologique dans la recherche sur le chant en groupe, qui nous privent encore de données solides sur les avantages du chant pour la santé.

À l’Institut de recherche en musique et santé (IRMS), nous avons mis sur pied un programme de recherche interdisciplinaire visant à démontrer précisément les effets du chant en groupe sur la santé et le bien-être.

Chanter en groupe, rien de plus naturel

Se rassembler pour chanter, c’est la façon la plus naturelle de transformer nos voix en musique. On chante beaucoup plus souvent en groupe que seul, et ceux et celles qui ne chantent « jamais » vont généralement tout de même se joindre au groupe lors d’anniversaires, à l’église, dans les stades, etc. Le chant promeut le lien social, et dans mes travaux je m’intéresse particulièrement à cette dimension de pratique communautaire, entre autres parce que les avancées de la connaissance dans ce domaine concernent un grand nombre de personnes.

Le chant promeut le lien social, et dans mes travaux je m’intéresse particulièrement à cette dimension de pratique communautaire, entre autres parce que les avancées de la connaissance dans ce domaine concernent un grand nombre de personnes.

Il existe de nombreuses façons de chanter en groupe. Certaines sont informelles et libres; d’autres, extrêmement structurées, telles certaines chorales de compétition. Les approches pédagogiques très variées peuvent aller des plus prescriptives, dans lesquelles le ou la chef de chœur décide de tout, à d’autres plus collaboratives, dans lesquelles les choristes ont largement leur mot à dire, par exemple sur le choix du répertoire. Certains groupes sélectionnent leurs membres alors que d’autres sont ouverts à tous. Dans nos recherches, nous avons constaté que la plupart des chorales ne sont pas conçues ou adaptées pour intégrer une grande diversité de personnes, en particulier ceux et celles ayant des besoins en réadaptation2.

Tous les types de chant en groupe m’intéressent, mais pour étudier les effets bénéfiques sur la santé, je me concentre sur les chorales accueillant une population hétérogène, y compris des personnes sans formation musicale préalable. J’ai fait appel à deux spécialistes, l’un en direction de chœur et l’autre en dynamique de groupe – Ludovic Dubé et Geneviève Hone (voir l’article de Geneviève Hone dans le présent dossier) – pour développer une approche de chorale communautaire inclusive. Cette approche est décrite en détail par les deux expert·es pour qu’elle puisse être utilisée comme protocole en recherche. J’encourage sa mise en pratique même en dehors de projets de recherche. Les membres et amis de l’IRMS, par exemple, ont offert des performances à l’occasion d’événements académiques officiels, tels que la cérémonie des blouses blanches des nouveaux étudiant·es en médecine en 2022 (extrait vidéo).

Démontrer les effets du chant en groupe

Une façon idéale de démontrer les effets du chant en groupe est d’obtenir des résultats statistiquement significatifs dans des essais contrôlés et randomisés avec de grands groupes de participant·es. Ce sont là des études coûteuses qui doivent être minutieusement planifiées. Nous avons donc commencé par mener des études pilotes afin de nous assurer de la faisabilité de l’approche pédagogique de chorale communautaire inclusive et de la pertinence des instruments de mesure retenus.

L’une de ces études pilotes3 a été réalisée avec une dizaine de participant·s recrutés dans un grand immeuble d’habitation d’Ottawa. Âgés de 21 à 81 ans et avec un niveau musical allant de débutant à avancé, ils ont participé à 13 séances de 90 minutes deux fois par semaine. Certaines séances étaient des pratiques de chant, d’autres étaient des activités de comparaison (« contrôle ») pendant lesquelles le groupe discutait de sujets reliés au chant, mais sans chanter. Tous les participant·es ont été soumis à des tests avant et après chaque séance, pour mesurer des effets différenciés sur la cognition, le souffle, la voix et l’humeur. Ils ont aussi rempli un questionnaire de cohésion de groupe au début et à la fin de l’étude.

Tous et toutes se sont montrés satisfaits des séances proposées. Un résultat particulièrement intéressant est que tous les sous-scores de cohésion de groupe ont augmenté significativement (p. ex., le sentiment d’appartenance), sauf le celui indiquant à quel point une personne se sentait similaire aux autres membres du groupe. Pour des participant·es, ce sous-score de similarité était même plus bas à la fin qu’au début de l’étude. Nous l’interprétons comme une illustration de la manière dont l’approche de chorale communautaire inclusive fait prendre conscience des différences et offre donc une expérience d’inclusion, ce qui résulte aussi en la promotion de la diversité au sein d’un groupe de personnes.

Comme nous nous y attendions, nous n’avons pas obtenu de résultats statistiquement significatifs avec ce petit nombre de participant·es pour la plupart des mesures. En revanche, nous avons vu qu’il fallait améliorer les protocoles de tests; par exemple, le test de l’humeur utilisé ne s’est pas révélé assez facile à comprendre. C’était donc là une étape essentielle pour la planification d’une plus large étude qui permettra de démontrer de façon statistique les effets bénéfiques du chant en groupe sur la santé.

  • Extraits des résultats de l'étude-pilote
Étude

 

Le mot de la fin

En conclusion, j’énoncerais ce souhait que je dirais réaliste, soit que la pratique du chant en groupe, si simple et si naturelle, soit une option reconnue et soutenue par notre système de santé! À l’IRMS, nous travaillons dans ce sens pour plusieurs approches musicales avec l’objectif de produire un modèle de prescription sociale.

En conclusion, j’énoncerais ce souhait que je dirais réaliste, soit que la pratique du chant en groupe, si simple et si naturelle, soit une option reconnue et soutenue par notre système de santé! À l’IRMS, nous travaillons dans ce sens pour plusieurs approches musicales avec l’objectif de produire un modèle de prescription sociale.


Références
  • Behaghel, E., & Zumbansen, A. (2022). Singing for the Rehabilitation of Acquired Neurogenic Communication Disorders: Continuing the Evidence Dialogue with a Survey of Current Practices in Speech-Language Pathology. Healthcare, 10(6), Article 6. https://doi.org/10.3390/healthcare10061010
  • Dingle, G. A., Clift, S., Finn, S., Gilbert, R., Groarke, J. M., Irons, J. Y., Bartoli, A. J., Lamont, A., Launay, J., Martin, E. S., Moss, H., Sanfilippo, K. R., Shipton, M., Stewart, L., Talbot, S., Tarrant, M., Tip, L., & Williams, E. J. (2019). An Agenda for Best Practice Research on Group Singing, Health, and Well-Being. Music & Science, 2, 2059204319861719. https://doi.org/10.1177/2059204319861719
  • Zumbansen A, Kelly M, Maamir R, Tobin S, Bayat N, Aliniaye Asli P, Shafiyan S, Abnavi F, Frappier E, Hone G. (Mai 2023). Étude expérimentale des effets du chant choral sur la santé et la cohésion de groupe : résultats d’une étude de faisabilité. 90e Congrès de l'Acfas, Colloque 37 - Arts et réadaptation : promesses et défis des approches transdisciplinaires, Montréal, QC. 
  • 1Dingle et coll., 2019
  • 2Behaghel & Zumbansen, 2022
  • 3Zumbansen et coll., 2023

  • Anna Zumbansen
    Université d'Ottawa

    Anna Zumbansen est professeure adjointe à l’Université d’Ottawa et codirige l’Institut de recherche en musique et santé (IRMS). Elle a travaillé pendant 11 ans comme orthophoniste clinicienne en France et au Canada avec une double spécialisation en troubles de la communication d’origine neurologique et en troubles de la voix. Soutenue par le gouvernement du Canada, elle a réalisé sa formation doctorale et postdoctorale à l’Université de Montréal et à l’Université McGill en recherche clinique sur le chant et sur la réadaptation de l’aphasie. Elle dirige actuellement l’Initiative de recherche de l’IRMS sur les pratiques et effets du chant sur la santé et le bien-être et l’essai multicentrique SingWell Canada sur l’aphasie, et examine les bienfaits de programmes d’ateliers innovants de l’Opéra de Montréal pour les personnes ayant des troubles respiratoires chroniques et pour les femmes transgenres.

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