Je suis présentement étudiante au doctorat en psychologie à l’Université de Sherbrooke. Je m’intéresse au sentiment d’efficacité parental des parents d’enfants doués avec un TDAH ( trouble du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité). J'approche ce sentiment d'efficacité comme un levier d’action pour les parents dans leur gestion du stress. J’occupe également le poste de coordonnatrice à la vulgarisation scientifique à Sciences 101, ainsi que le rôle d’éditrice en chef de la revue La Fibre. De plus, je suis cofondatrice de Vérité ou Quoi?, un organisme de vulgarisation où l’on aborde des questions scientifiques taboues. L’ensemble de mes implications en communication scientifique m’ont permis de développer une expertise sur les bases de la vulgarisation spécifique à l’écrit.
Qu’est-ce qui vous motive dans le geste de transmission des savoirs de recherche?
À mon sens, la vulgarisation scientifique va bien au-delà de la simple transmission de connaissances. Quand on y pense, tous les enseignant.es peuplant notre parcours scolaire ont eu comme mission de nous communiquer des savoirs. Cependant, si certain.es ont su rendre « l’accord du participe passé avec avoir » palpitant, d’autres ont rendu étonnamment ennuyant tout ce qu’ils.elles abordaient. Ainsi, je considère que la vulgarisation scientifique constitue, avant toute chose, un acte de transmission de la passion pour la science. Ici, ce que j’entends par science est tous les savoirs issus de l’approche scientifique (rigueur, analyse, méthode), peu importe l’objet.
Avez-vous déjà entendu Laurent Turcot parler d’histoire dans l’un des épisodes de sa série L'histoire nous le dira sur YouTube? C’est ce que je veux dire par « transmettre la passion pour la science », et c’est exactement ce qui me motive.
Par ailleurs, à l’ère des réseaux sociaux, susciter la curiosité des lecteurs pour les contenus scientifiques peut mener à l’ouverture d’un dialogue intéressant avec ceux-ci. Par exemple, les articles de La Fibre déposés sur le blogue de Sciences 101 offrent la possibilité d’interagir directement avec les auteurs. Dans ce contexte, la vulgarisation devient un échange bidirectionnel où le savoir empirique et le savoir expérientiel se rencontrent, offrant ainsi l’occasion d’entamer une réelle réflexion collective. En d’autres mots, la vulgarisation scientifique est un geste pour, mais surtout avec le public, ce qui constitue, en soi, ma plus grande motivation.
...la vulgarisation scientifique est un geste pour, mais surtout avec le public, ce qui constitue en soi, ma plus grande motivation.
Quelle part pour votre subjectivité, pour vos valeurs, pour vos passions dans votre pratique de transmission?
Il m’arrive d’observer à l’édition d’articles de vulgarisation scientifique pour La Fibre que certains auteurs et autrices s’accrochent impétueusement au respect des grands principes en transfert des connaissances au détriment de la transmission d’une subjectivité qui rendrait leur texte plus vivant. Comme le dit si bien Sophie Malavoy dans son Guide pratique de vulgarisation scientifique, la mission première est d’intéresser le lecteur à l’information que nous voulons partager. Une manière de l’intéresser est sans équivoque en le touchant. Mais, à bien y penser, qu’est-ce qui nous affecte plus que la subjectivité d’une autre personne?
Pour illustrer ce propos, rappeler-vous la fois où vous avez appelé un centre gouvernemental et qu’après de longues minutes en ligne avec cette voix automatisée, vous souhaitiez désespérément parler à une « vraie » personne. L’humain a besoin d’être en contact avec l’authenticité des autres. Pour ma part, cette authenticité passe généralement par l’humour. En effet, dès que je compte m’adresser à un plus large public, elle me vient sans trop de difficulté. Bien qu’il y ait eu un temps où je mettais mon humour de côté puisque ma conception de la science ne l’accueillait pas, j’embrasse aujourd’hui pleinement cette force et en constate les effets auprès des gens à qui je m’adresse. En dégageant de la sympathie et du dynamisme, elle est propice à susciter l’intérêt envers mes propos.
Mais, à bien y penser, qu’est-ce qui nous affecte plus que la subjectivité d’une autre personne?
À la lumière de votre parcours, d’où vient cette envie de transmettre ?
À l’époque, comme plusieurs adolescents et adolescentes, la science équivalait à mathématiques, biologie, physique et chimie. Ainsi, je ne percevais pas l'existence des savoirs « scientifiques » du côté humain ou social. Quand on me parlait de scientifiques comme Albert Einstein, je ne m’identifiais pas. Je me disais qu’il fallait probablement être doté d’une intelligence extraordinaire pour tout comprendre du premier coup. C’est lors de mes études au baccalauréat en psychologie que j’ai découvert les sciences sociales et humaines, et la recherche. J’ai réellement eu la piqûre! Je me suis rendu compte qu’avant d’être une question d’intelligence, la recherche scientifique est une question de motivation, de persévérance et de curiosité, et j’avais ces qualités!
Avec ce revirement de situation, j’ai voulu intéresser mon entourage aux connaissances issues de la démarche scientifique, que ce soit par des découvertes récentes ou bien par des faits surprenants tels que « saviez-vous qu’au cours de sa vie, l’humain produit l’équivalent de deux piscines olympiques de salive? ». Aujourd’hui, en tant qu’éditrice en chef de La Fibre, je continue de transmettre ma passion pour la science et la vulgarisation scientifique. En effet, j’encadre et outille les auteurs et autrices afin qu’un dialogue puisse s’ouvrir avec le public. La science n’appartient pas qu’aux scientifiques, elle est un réel bien public.
Je me suis rendu compte qu’avant d’être une question d’intelligence, la recherche scientifique est une question de motivation, de persévérance et de curiosité...
- Juliette François-Sévigny
Université de Sherbrooke
Doctorante en psychologie
Vous aimez cet article?
Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.
Devenir membreVous pourriez aimer aussi
Commentaires
Articles suggérés
Infolettre