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Hubert Rioux, École nationale d’administration publique

Les articles du dossier sont réunis et publiés sous le titre Penser l'après-COVID-19 [PDF].

[Tous les articles du présent dossier, coordonné par Catherine Girard, Isabelle Laforest-Lapointe et Félix Mathieu, ont été publiés initialement dans le journal La Presse, du 4 au 20 mai 2020, sous le titre La relève pense le Québec de l'après-COVID-19]

Dans la foulée de la crise financière de 2008, les économies avancées avaient déjà renoué avec les subventions industrielles, l’investissement public dans les secteurs de pointe, la protection des sièges sociaux et autres « champions nationaux », bref, avec un certain nationalisme économique. Ce nationalisme ne s’est effectivement pas incarné prioritairement sous la forme de tarifs commerciaux, mais par le biais de la finance entrepreneuriale et industrielle. 

Entre 2007 et 2015, par exemple, les actifs des fonds souverains du monde entier sont passés de 3000 à 7000 milliards de dollars US. Une multitude de banques publiques d’investissement ont également été mises sur pied depuis, tant par les économies occidentales que chez les dragons asiatiques. La reprise économique qu’il incombera aux États d’initier, d’orienter et surtout de financer dès maintenant aura pour effet d’accentuer ces tendances, puisque la recherche d’autarcie agroalimentaire et industrielle s’accompagnera des impératifs de la transition énergétique. 

Cette dernière, pour laquelle la conjoncture actuelle offre une opportunité en or, devra pourtant faire face à la frilosité du secteur financier privé et aux prix historiquement bas des énergies fossiles. C’est pourquoi le capital de développement public québécois devra soutenir activement les ambitieux chantiers qui nous attendent, tout comme il a permis les modernisations énergétique et industrielle rapides ayant marqué la Révolution tranquille. 

Le Québec jouit d’une longueur d’avance grâce à l’hydroélectricité, mais fait néanmoins face à d’immenses défis : électrification des transports, efficacité énergétique, revitalisation industrielle des régions périphériques, déclin démographique. La transition énergétique et le développement régional devront donc être au cœur de la prochaine politique industrielle québécoise. Pour peu qu’on s’en donne l’ambition, l’écosystème financier du Québec saura nous en fournir les moyens. 

La réforme d’Investissement Québec (IQ) devra d’abord accoucher d’un volontarisme accru, pour en faire notre véritable banque nationale (et verte) d’investissement. Les fonds de travailleurs, le mouvement Desjardins puis la Caisse de dépôt et placement devront également mettre l’épaule à la roue. À cet égard, un éventuel « comité stratégique commun » permettrait de coordonner l’action de tous ces acteurs publics et parapublics. 

Ce comité pourrait par exemple élaborer notre première doctrine de protection des champions nationaux et des sièges sociaux, puis organiser, en concertation avec le gouvernement, les minorités de blocage1 nécessaires à cette fin. La gestion du nouveau « Fonds pour la croissance des entreprises québécoises et la protection des sièges sociaux » pourrait contribuer à cet effort. 

Si le développement industriel et régional doit d’ailleurs être au cœur de la réforme d’IQ, la transition énergétique y apparaît d’une manière plus marginale. Il est impératif que cela change. Les plus importantes banques publiques d’investissement du monde l’ont bien compris et priorisent désormais le développement régional, la relève entrepreneuriale, la protection de la propriété nationale des filières industrielles stratégiques, mais aussi la transition verte. 

Si le développement industriel et régional doit d’ailleurs être au cœur de la réforme d’IQ, la transition énergétique y apparaît d’une manière plus marginale. Il est impératif que cela change. Les plus importantes banques publiques d’investissement du monde l’ont bien compris et priorisent désormais le développement régional, la relève entrepreneuriale, la protection de la propriété nationale des filières industrielles stratégiques, mais aussi la transition verte. 

C’est le cas de la fameuse KfW allemande, de la jeune Banque publique d’investissement française, ou même de la Banque nationale d’investissement écossaise en devenir. À l’image de celles-ci, on pourrait songer à augmenter les moyens d’IQ au-delà de la capitalisation supplémentaire prévue d’un milliard, en lui permettant par exemple d’émettre des obligations vertes garanties par l’État. Celles-ci faciliteraient la mobilisation du capital institutionnel et bancaire, générant un effet levier au bénéfice de la transition énergétique.

IQ devrait ensuite se fixer d’ambitieuses cibles d’investissement vert et régional, voire même procéder à des appels d’offres visant le développement de secteurs stratégiques. Le financement de circuits courts de production énergétique, de même que des filières éolienne, de la biomasse et des biocarburants, de la géothermie et de l’hydrogène devrait être priorisé. L’appui à l’organisation de réseaux régionaux de production, de transformation puis de distribution des produits agroalimentaires et forestiers devra aussi être intensifié. 

La capitalisation par IQ de fonds de capitaux de risque privés, qui concentrent actuellement l’investissement dans les zones urbaines, devrait par ailleurs céder la place aux participations directes. De nouveaux fonds publics régionaux et locaux co-capitalisés par IQ ou par le Fonds du développement économique pourraient être créés à cette fin. 

Les incubateurs régionaux d’entreprises, y compris agricoles, devront également être multipliés, tout comme les interventions en soutien à la relève entrepreneuriale et à la reprise collective des entreprises. Les nouveaux « comités régionaux » sur lesquels siégera IQ devront pour leur part permettre une coordination beaucoup plus soutenue avec les caisses populaires, les pôles d’économie sociale, les MRC et autres parties prenantes. 

À moyen terme, toutefois, il faudra bien finir par soulever à nouveau la question qui fâche : celle des contradictions inhérentes à notre relation à l’État fédéral canadien, qui continuera pour sa part de subventionner l’industrie pétrolière et gazière à coup de dizaines de milliards, dont un cinquième provient de l’assiette fiscale québécoise.

Les incubateurs régionaux d’entreprises, y compris agricoles, devront également être multipliés, tout comme les interventions en soutien à la relève entrepreneuriale et à la reprise collective des entreprises. Les nouveaux « comités régionaux » sur lesquels siégera Investissement Québec devront pour leur part permettre une coordination beaucoup plus soutenue avec les caisses populaires, les pôles d’économie sociale, les MRC et autres parties prenantes. 


  • Hubert Rioux
    École nationale d’administration publique

    Hubert Rioux est chercheur à l’École nationale d’administration publique et à l’Institut de recherche en économie contemporaine.
     

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