Un fait indéniable et deux questions subséquentes. Internet a révolutionné les manières d’accéder à l’information pour les chercheurs. Première question : les congrès comme occasions uniques d’accéder en un instant à une quantité massive de nouvelles données, sont-ils alors encore nécessaires à l’heure du tout numérique et des visioconférences? Deuxième question : que comprendre au fait que j’assiste encore à des congrès en 2018 alors que je peux avoir accès à tout moment aux toutes dernières données depuis le banc de mon laboratoire?
Parce que ça se passe ici et maintenant
Premier argument : éviter le syndrome de « l’abonnement annuel au gym ». Je m’explique. Lorsqu’on peut aller faire son sport tout le temps et à toute heure, on finit par ne jamais y aller puisqu’après tout on pourra s’y rendre plus tard, ou demain. Par contre, si notre cours de Pilates hebdomadaire est programmé le jeudi soir à 18 h 30, on mettra un point d’honneur à y assister puisque c’est « maintenant ou jamais ». C’est la même chose pour les congrès. C’est un concentré d’innovation dans un laps de temps très court, une formation accélérée qui a lieu ici et maintenant.
Parce que le non verbal dit beaucoup
Chaque année, je retourne avec grand plaisir au même symposium international du cancer du sein. Au début, on se sent petit dans cette masse de près de 7 500 participants. Mais quelle chance d’assister à la réunion des grands noms du domaine! Non seulement c’est un concentré de données et d’idées fraîches, mais cela permet aussi de prendre le pouls de notre domaine de recherche. En effet, malgré notre attachement aux données, aux chiffres et aux graphiques, nous sommes avant tout des êtres humains sociaux. Qu’on le veuille ou non, le non verbal occupe une place fondamentale dans notre manière de communiquer; y compris lorsqu’on pratique la communication scientifique auprès de nos pairs. Qui n’a pas fait l’expérience du quiproquo en lisant un courriel parce qu’on avait mal « lu » l’intonation de l’expéditeur? La manière dont un récit de recherche est raconté a presque autant d’importance que son contenu.
Parce que l’informel du resto est propice à la naissance de nouvelles collaborations
Pour les spécialistes de notre domaine, le congrès annuel est l’occasion idéale pour se rencontrer à un endroit et à une date précise. J’y retrouve ainsi, comme un rendez-vous attendu, mes collaborateurs venus du monde entier. Un chercheur expérimenté m’a déjà fait la réflexion suivante : « C’est le soir, au bar avec les autres congressistes que se racontent les vraies informations inédites et intéressantes du congrès ». J’y pense à chaque fois que je vais à un congrès pour me pousser à sortir de ma zone de confort.
Les participants occupent le centre des congrès pendant la journée, mais aussi tous les restaurants et les cafés environnants le soir venu. Cette omniprésence de la science et de la recherche facilite les rencontres et la socialisation entre chercheurs. Un simple : « Vous travaillez sur quel sujet? », et la conversation est lancée.
Un dîner ou un souper avec des spécialistes des quatre coins du globe est une occasion formidable pour initier un contact avec de nouveaux chercheurs, discuter en petit comité des dernières avancées de nos recherches et de mettre en œuvre davantage de collaborations. Pour nouer des relations professionnelles de confiance, ces échanges informels sont plus efficaces, parce que plus chaleureux, que les courriels ou les communications virtuelles. En plus de solidifier des collaborations existantes, les congrès permettent de croiser des expertises variées, intéressées par un objectif commun. Alors que je travaille en oncologie, j’ai pu, grâce à un congrès, rencontrer un physicien théorique avec nous collaborons activement depuis deux ans. , Et nous sommes, eh oui, sur le point de soumettre un article de recherche cosigné par nos deux laboratoires.
Parce que la rencontre est au cœur de la recherche
Pour toutes ces raisons, j’espère que les congrès, internationaux ou non, vont se poursuivre, car ils sont bien plus qu’un cours intensif à la pointe de la connaissance actuelle d’un domaine. Ils représentent aussi une fabuleuse occasion de réseautage permettant de nuancer les données publiées et d’entreprendre de nouvelles collaborations, de nouvelles amitiés.
- Tina Gruosso
Université McGill
Après un doctorat en oncologie à l’institut Curie à Paris, Tina rejoint l’Université McGill fin 2013 en tant que postdoctorante où elle étudie comment le micro-environnement des tumeurs du sein influence la réponse des patients au traitement. Tina est vice-présidente de l'organisme Dialogue Sciences & Politiques, au sein duquel elle défend l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes, l'innovation, la diplomatie scientifique, la communication scientifique et la diversité.
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