Ces deux brûlots naissent en pleine agitation politique. Le Macaque paraît pendant les débats entourant l’indépendance du Brésil en 1822 alors que Le Fantasque sévit durant les rébellions des Patriotes en 1837-38. Frondeurs, ils choisissent l’humour engagé et moqueur pour faire entendre leur voix.
[Colloque 316 - Représentations mémorielles individuelles et collectives dans les récits fictionnels québécois et brésiliens]
Lorsque Bernard Andrès et Daniela da Silva Prado ont exploré les points de convergence littéraire entre le Québec et le Brésil, ce qui a retenu leur attention, c’est... la presse satirique du 19e siècle. Ces chercheurs du Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal ont trouvé dans deux journaux, la revue pro-patriote Le Fantasque et l’irrévérencieux O Macaco Brasileiro (Le Macaque brésilien), un nombre étonnant de points communs. Des alter ego en quelque sorte, malgré les 8 000 kilomètres qui séparent Québec et Rio de Janeiro.
Ces deux brûlots naissent en pleine agitation politique. Le Macaque paraît pendant les débats entourant l’indépendance du Brésil en 1822, alors que Le Fantasque sévit durant les rébellions des Patriotes en 1837-38. Frondeurs, ils choisissent l’humour engagé et moqueur pour faire entendre leur voix.
La commedia dell'arte au Bas-CanadaLes deux journaux s'expriment derrière le masque d'un personnage emblématique. À travers Arlequin, Napoléon Aubin commente l’actualité politique avec humour et sarcasme. Ce journaliste, savant et touche-à-tout prend parti pour les Patriotes, même s’il juge Louis-Joseph Papineau et sa bande trop radicaux à son goût, souligne Bernard Andrès. L’homme derrière Le Fantasque n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à annoncer dans la rubrique des objets perdus « la tête des éditeurs du Libéral », un journal concurrent. Sous sa plume, Lord Durham est rebaptisé « lord du rhum » et son successeur Charles Edward Poulett Thomson est affectueusement surnommé « poulet ». Il ne faut pas oublier que le Bas-Canada est alors frappé par la censure militaire. Les journaux patriotes tels que Le Canadien sont interdits par les autorités britanniques, rappelle Bernard Andrès. Napoléon Aubin séjournera d’ailleurs 53 jours en prison.
Dans O Macaco Brasileiro, les auteurs Manuel Zuzarte et Pedro da Silva Porto sont, littéralement, le macaque. Le pamphlet présente en effet « un singe qui écrit et émet des opinions en se moquant des conventions », explique Daniela da Silva Prado. Symbole de malice et d’ironie, la figure du singe est d’ailleurs soigneusement choisie, puisqu'elle comporte aussi une signification raciale au Brésil. « C’est une manière de s’approprier cette figure en disant : « Voilà un singe, mais un singe qui s’exprime encore mieux que les humains », commente Bernard Andrès, rappelant le niveau de langage soutenu de cette publication. Impossible de ne pas faire un lien avec l'actualité et la banane du footballeur brésilien Dani Alves, qui a initié un mouvement antiraciste autoproclamé « Somos todos macacos » (nous sommes tous des singes).
À travers ses monologues sarcastiques, O Macaco traite surtout de la politique nationale brésilienne en prônant clairement son émancipation du joug portugais. Il s’engage aussi dans la lutte contre le despotisme et pour la liberté d’expression.
Pour Bernard Andrès, ces deux publications éphémères « menaient un même combat contre la métropole coloniale », respectivement l’Angleterre et le Portugal. Leur lutte pour l’affirmation nationale n’a toutefois pas eu le même résultat. Si l’affirmation nationale s’est concrétisée au Brésil en 1822, la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada de 1838 n’a, elle, jamais abouti.
- Rémi Léonard
JournalistePrésentation du journalisteRémi Léonard est étudiant en journalisme à l’Université du Québec à Montréal. Originaire de la Montérégie, il collabore depuis deux ans dans différents journaux étudiants et au Journal des Alternatives, un média indépendant montréalais. Il a également complété des études en sciences humaines avant de se joindre à Découvrir pour ce "spécial congrès".
Vous aimez cet article?
Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.
Devenir membre