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L'amélioration des pratiques éducatives est une priorité politique dans les pays développés. Au Québec, une consultation publique a eu lieu en 2017 afin de discuter de la création d'un Institut national d'excellence en éducation (INEÉ) destiné à la synthèse et au transfert des meilleures connaissances dans le domaine de l'éducation. Malgré cette volonté de rendre accessibles les connaissances scientifiques sur les meilleures pratiques éducatives, l'INEÉ soulève au moins deux débats quant à sa légitimité et à sa pertinence, l'un politique et l'autre méthodologique. Sur le plan politique, les fonctions attribuées à l'INEÉ recoupent celles d'autres organisations dédiées à la réussite éducative au Québec, notamment le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) et le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Ainsi, la création de l'INEÉ entraînerait un nouveau partage des responsabilités politiques en éducation au Québec. Sur le plan méthodologique, le document de consultation présentant le projet de création de l'INEÉ recommande une approche dite « basée sur les données probantes » qui privilégie le recours aux données statistiques obtenues à l'aide d'essais randomisés contrôlés et qui minimise le rôle des méthodes qualitatives en recherche en éducation. Cependant, ces deux débats n'évoluent pas indépendamment l'un de l'autre. Je discute dans cette présentation de la dynamique sociologique qui les lie l'un à l'autre.

La temporalité est une expérience fondamentale de l’existence humaine. Elle se confond avec le premier palier d’émergence de la conscience, soit le niveau qu’on appelle en anglais simple awareness (ou conscience immédiate, par opposition à conscience réflexive). Pour représenter le rapport de la personne au déroulement de son vécu, en contexte théorique comme en contexte d'intervention, nous proposons un modèle de la temporalité de la conscience humaine.

Sur la base d’un homomorphisme structurel, nous avons transposé le modèle arborescent de l’univers (développé par le philosophe des sciences, Storrs McCall, A Model of the Universe, 1994) à une conceptualisation opérationnelle de la nature temporelle de la conscience humaine. Cette conceptualisation se fonde dans une description neuropsychologique de l’expérience consciente du temps (Eagleman, Tononi & Edelman, John). Ceci permet de faire le pont entre la neuropsychologie et la représentation formelle de la conscience telle qu’elle apparait chez des théoriciens de la conscience, principalement dans les théorie des Multiple Minds de Robert Ornstein (1991), et que nous contrastons avec la théorie des Multiple Drafts de Daniel Dennett (1991).

Nous montrerons en quoi cette théorie de R. Ornstein est plus adéquate que celle de D. Dennett pour rendre compte de l’expérience humaine de la conscience immédiate et du temps. Nous  conclurons en présentant deux applications de nos résultats, l’une en intervention, l’autre théorique.

Dans le cadre de cette communication, mon objectif est d’esquisser les lignes directrices de l’‘expressivisme herméneutique’ de Charles Taylor en adoptant pour point de départ une brève analyse comparative du concept d’‘authenticité’ chez ce dernier et Heidegger. Cette discussion schématique me permettra de mettre en relief, en deçà des similitudes évidentes, les thèmes « expressivistes » (ex : « sources morales », « ressourcement », « identité », etc.) essentiels à ce qui pourrait être caractérisé comme son ‘hégélianisme modeste’. À l’encontre d’une interprétation influente de sa position (cf. Smith, 1997), je soutiendrai qu’une opposition trop forte entre les structures transcendantales formelles (les « cadres incontournables » ou « existentiaux ») et les identités historiques contingentes (les « ontologies morales » ou situations « existentielles » particulières) risque de rendre inintelligible ce que notre auteur décrit comme son « anthropologie de la liberté située » et sa problématique centrale de l’« individuation expressive ». Loin d’un simple exercice de relativisation historique, le dialogue herméneutique auquel invite toute l’œuvre de Taylor présuppose et exige tout autant l’articulation des limites concrètes de notre capacité de désengagement historique : essence et existence se nouent dans le « phénomène herméneutique » de manière beaucoup plus complexe que ce que pourrait laisser apercevoir une réflexion trop formaliste sur la finitude humaine.

La forme catégorique impose une structure d'appréhension du monde qui ne rend pas compte du caractère flou et continu de l’expérience humaine – p.ex. les dimensions d'affect ou d'identité, la culture ou la signification. En posant la catégorie comme heuristique sémiotique et la catégorisation comme processus d’acculturation, j'ai adopté une perspective socio-sémiotique pour (dé/re)composer la catégorie. Je présenterai les éléments qui ont contribué à ma composition d’un modèle flouifié de la catégori(e/sation) humaine, en quoi ils sont pertinents et comment ils sont compatibles. La catégorie classique a été déconstruite, ses propriétés formelles réinterprétées en terme de logique floue. J'ai renommé ces catégories flouifiées « anagories » et tenté une modélisation de celles-ci inspirée de la proxémie chez E. T. Hall. Ceci m’a menée à redéfinir le concept comme émergence, reconstruire l’extension comme champ sémantique, et réinterpréter la sémiose et la catégorisation par analogie avec les systèmes dynamiques. Je soumettrai que ce modèle « anagorique » flou est en meilleure adéquation qu’un modèle « catégorique » classique avec les entités socio-construites qui constituent le monde humain. Il rend mieux compte des objets, des événements ou des signes dont le sens est en co-évolution constante avec la société. Il met en évidence plutôt les relations que les distinctions, et une dynamique de proximité/éloignement plutôt que d’inclusion/exclusion.

Afin de pallier au manque d’études de la philosophie morale de Joseph Priestley (1733-1804), nous proposons de montrer en quoi ses écrits métaphysiques publiés entre 1777 et 1780 compromettent son projet de défense du nécessitarisme contre ses détracteurs, qui redoutent les implications morales d’une telle doctrine.

Priestley entame ce projet dans « The Doctrine of Philosophical Necessity Illustrated » (1777), et le poursuit dans sa volumineuse correspondance de 1778 avec Richard Price, dans laquelle il raffine sa doctrine en clarifiant sa distinction entre le nécessitariste « imparfait » et le nécessitariste « parfait », distinction qui met en évidence l’existence de deux stades dans la progression de l’individu vers une pleine compréhension de la nécessité et de ses implications morales et théologiques, dont le stade final correspond à l’identification de la perspective individuelle avec la perspective divine.

Or, si cette distinction est indispensable afin de rendre compte de plusieurs ambiguïtés présentes dans le traité de 1777, nous montrerons qu’elle met en péril le projet initial de Priestley, en affaiblissant considérablement ses arguments en faveur des conséquences morales désirables du nécessitarisme, de l’utilité du remords, de la motivation à agir vertueusement et de la responsabilité morale de l’homme en général. Notre analyse des textes de Priestley montrera que son nécessitarisme demeure exposé aux arguments moraux antidéterministes de ses contemporains.

La pensée de Heidegger propose une nouvelle expérience du langage. Dans le cours d'été de 1934, La logique comme question de l'essence du langage (publié en 2020, Heidegger Gesamtausgabe 38A), Heidegger s'attaque à la conception nominaliste et logiciste du langage. Selon cette conception, le langage serait un outil de communication qui sert d'abord et avant tout à extérioriser (expression) un contenu intérieur (idées, sentiments, etc.). Contre cette conception, Heidegger pense plutôt le langage dans son caractère événementiel. N'étant pas un instrument de la subjectivité humaine, le langage serait alors un événement historique dans lequel émergerait le monde que nous habitons. À la fin de son cours, Heidegger s'intéressera à la poésie dans la mesure où elle révèle les puissances créatrices du langage. À travers la poésie, Heidegger tente de penser la possibilité de construction et de préservation du monde à partir de la puissance évocatrice du langage. Pour éclairer ces idées difficiles du cours de 1934, il est nécessaire de se référer au cours de l'hiver 1934-1935 portant sur la poésie de Friedrich Hölderlin (Heidegger, Gesamtausgabe 39) où la poésie se trouve thématisée pour elle-même. Lire les deux cours de manière conjointe nous permettra de montrer la continuité des questionnements logique et poétique dans la pensée de Heidegger. 

L’infertilité causée par l’absence de l’utérus ou par son dysfonctionnement et connue sous le terme d’infertilité absolue de l’utérus (AUFI) affecte 3-5% de la population. Traditionnellement, la maternité de substitution et l'adoption étaient les seules options disponibles pour les femmes désirant avoir un enfant et qui souffrent d’une infertilité causée par l’AUFI. Cependant, depuis la naissance en 2014 du premier enfant issu d’une transplantation utérine en Suède, la greffe d’utérus se présente comme une alternative médicale potentielle pour ces femmes.

La greffe d’utérus porte des risques importants entre autres médicaux et psychologiques en comparaison avec la maternité de substitution, l’adoption ainsi qu’avec la transplantation d’autres organes. En outre, elle requiert une plus grande justification éthique et médicale parce qu’elle ne vise pas à sauver la vie de la receveuse du transplant mais plutôt à améliorer sa qualité de vie.

Les « critères de Montréal pour la faisabilité éthique de la transplantation utérine », présente un ensemble de critères proposés pour qu'une femme soit considérée, sur le plan éthique, comme une candidate à la transplantation utérine. Cependant, ces critères prennent en considération la donneuse et la receveuse du transplant ainsi que l’équipe de soins tout en laissant « l’enfant potentiel à naître » en dehors de cette discussion.

En reposant sur une revue de la littérature, cette présentation offre un examen de ces critères tout en appelant à l’importance d’intégrer les intérêts de l’enfant à naître ainsi que les risques et les bénéfices potentiels de cette nouvelle technique en progrès.

Un débat important est en train d’émerger en sciences humaines et sociales, au sujet des enjeux éthiques, sociaux et politiques du champ de recherche récent qu’est l'épigénétique. Avec le développement des connaissances de la programmation épigénétique – qu’influencent l’environnement naturel et social – et ses répercussions sur la santé des personnes, l’idée de « responsabilité morale épigénétique » a été proposée, en lien avec les principes de justice environnementale et d’équité intergénérationnelle. Le caractère sensible de telles revendications requiert, comme nous allons le démontrer dans cette présentation, une attention toute spéciale de la part des chercheurs en bioéthique. De façon générale, je ferai valoir qu’avant de tirer des conclusions prescriptives en lien avec ces nouvelles connaissances, il sera primordial d’accorder une attention particulière à la nature hautement complexe des mécanismes épigénétiques. De façon plus spécifique, j’expliquerai pourquoi et comment les notions très ambiguës de « normalité épigénétique » et « plasticité épigénétique » devraient être prises en considération lors de telles discussions. En somme, je m’écarterai de la tendance réductrice qui consiste à faire émerger l’implication des connaissances en épigénétique simplement de la comparaison entre la génétique et l’épigénétique. L’épigénétique possède ses propres contradictions internes, lesquelles doivent être caractérisées avant d’accorder à ce champ d’étude toute force normative.

Il existe bien des cas dans lesquels l’ignorance constitue une entrave à la connaissance : lorsque nous ne tenons pas compte de faits ou de données pertinentes, parce qu’elles ne sont pas en cohérence avec nos croyances déjà acquises, et nous obligeraient à les réviser. Nous avons en ce sens une responsabilité à l’égard de notre ignorance, puisque nos jugements peuvent avoir des conséquences pour nous comme pour autrui, a fortiori lorsqu’on dispose d’une forme d’autorité épistémique. La visée est de clarifier la nature de notre responsabilité, au regard de l’ignorance que nous produisons chez autrui, mais aussi en nous-mêmes. La pertinence et l’utilité de ce projet se comprennent en considérant que nous ne connaissons qu’en superficie l’ignorance alors qu’elle est présente sous plusieurs formes, en plus d’avoir des conséquences concrètes sur divers aspects de nos vies. Avec une conceptualisation sociale de l’ignorance, l’objectif principal est de proposer un volet utile en observant son application à des enjeux contemporains ayant à leurs sources des pratiques d’ignorances. Ce projet propose une analyse critique du privilège et de l’oppression épistémique, permettant une compréhension intégrée du rôle de l’ignorance au sein des injustices sociales et structurelles. Nous observerons l’ignorance comme un phénomène social découlant des dynamiques relationnels et ayant des ramifications sociostructurelles déterminantes quant au partage et à l’acquisition de connaissances.

La problématique des relations entre le corps et l'esprit a fait l'objet, au cours de l'histoire de la philosophie, de nombreuses tentatives de résolution de la part d'un nombre relativement grand de philosophes. Malheureusement, la plupart adopte un vocabulaire technique conduisant généralement à les enrégimenter dans une position traditionnelle ou une autre, que l'on songe aux différentes formes de dualisme ou de réductionnisme. Searle récuse ces deux extrêmes et propose, après l'analyse des traits spécifiques à la conscience, une troisième voie, celle du naturalisme biologique. Le sujet de notre présentation sera la position que Searle adopte concernant les relations de la conscience et du cerveau.

Nous retrouvons chez Searle une forme de naturalisme qui est à la fois ontologique et méthodologique, qui admet une version du réductionnisme dite causale et sous-entendant une définition non-événementiel de la causalité, qui rejette toute forme de réduction ontologique des états mentaux subjectifs à des entités ontologiquement objectives mais supporte une survenance des propriétés causales des états mentaux sur les propriétés causales des états neurophysiologiques, et plaide en faveur d’une conception émergentiste des relations entre la conscience et le cerveau. Le but de notre présentation sera de démontrer comment ces différentes caractéristiques de la position de Searle s'articulent et de quelle manière elles le conduisent à redéfinir notre conception de la conscience.





Depuis une dizaine d'années, la Théologie du corps de Jean-Paul II rencontre un succès considérable tant dans les milieux universitaires que populaires. Certains n'hésitent pas à qualifier celle-ci de « tournant, non seulement dans la théologie catholique, mais aussi dans l'histoire de la pensée moderne1 ».

Devant ce succès de plus en plus incontestable, la question s’impose de savoir quelle pertinence a la Théologie du corps en dehors du christianisme. Est-il possible de dégager de la Théologie du corps une philosophie du corps, afin de la mettre en dialogue avec les philosophes contemporains qui ont réfléchi sur la question, entre autres Michel Henry, Michel Foucault et Judith Butler?

À l'opposé des thèses de Butler et Foucault, Jean-Paul II considère le corps comme l’expression de la personne. Le corps a la capacité de manifester les émotions et les intentions les plus profondes. Par son sexe, il a surtout la capacité unique d’exprimer l’amour. C'est par le corps que l’être humain s’extériorise et s’accomplit dans le monde. Pour Jean-Paul II, la masculinité et la féminité ont une signification profonde, soit la capacité d’exprimer le don de soi par lequel l’être humain s’accomplit comme personne. Certains aspects de sa pensée révèlent une proximité étonnante avec la phénoménologie du corps de Henry.

Cette confrontation avec la philosophie révèle sans conteste l'originalité de la Théologie du corps et sa pertinence pour la pensée moderne.

1G. Weigel, Jean Paul II, p. 427.

Cette communication a pour objectif de mettre en lumière la définition du bien mourir dans la culture palliative québécoise actuelle. Plus précisément, nous nous intéresserons au rôle attribué au mourant dans la prise en charge de sa propre mort.

Le paradigme du bien mourir, conçu sous l'angle de la «bonne mort» (Ariès), s’est transformé au cours des dernières décennies. Dans les différents modèles alternatifs actuels de la prise en charge de la fin de vie en Occident, la discipline palliative couvre un espace nouveau et intermédiaire entre les soins curatifs et le décès. Désireuse de prendre en charge le patient dans sa globalité et de répondre à ses souffrances physiques, psychologiques, sociales et spirituelles, la médecine palliative, centrée sur le patient, semble redéfinir les contours de la bonne mort et, par le fait même, le rôle du mourant. Comment le rôle du mourant est-il conçu? La culture palliative véhicule-t-elle des prescriptions ou des normes à ce sujet?

Pour répondre à ces questions, nous proposons d'analyser le rôle du mourant en termes de performance rituelle, en nous basant sur les théories de la sociologie interactionniste (Goffman, Strauss). Notre corpus sera formé d’un échantillon sélectif de documents écrits et visuels émanant de la culture palliative, qui feront l'objet d'une analyse thématique et visuelle.

Le problème du mal occupe une place importante dans les écrits du pasteur, théologien et philosophe Joseph Priestley (1733-1804), de même que l’entreprise d’expliquer comment l’existence du Dieu chrétien parfaitement bon et juste est compatible avec la présence du mal dans le monde. Or, contrairement à ses contemporains, Priestley met en place une métaphysique qui l’amène à rejeter la distinction entre mal moral et mal naturel, ainsi que la distinction entre la permission du mal et la volonté divine de le produire, ce qui le mène à faire de Dieu l’auteur du péché, une conclusion étonnante pour un homme d’Église soucieux de préserver la perfection morale divine.

Par une étude des textes philosophiques de Priestley écrits entre 1765 et 1787, nous montrerons comment il est possible de considérer son traitement inusité du problème du mal comme étant une forme de théodicée, et ce même si elle se démarque de manière importante de théodicées classiques comme celles d’Augustin et de Leibniz. Notre analyse proposera du même coup une réflexion sur ce que nous devrions considérer comme étant les éléments constitutifs essentiels d’un discours de théodicée, et la forme que ce discours peut prendre dans un système nécessitariste comme celui de Joseph Priestley.

Notre communication porte sur un aspect particulièrement important et peu abordé de la pensée postcoloniale de l'essayiste tunisien Albert Memmi (1920-2020). De ce fait, notre objectif ici est d'analyser les enjeux du racisme dans nos sociétés modernes, mais aussi d'aborder les différents aspects de la discrimination raciale à travers les perspectives de Memmi. Notre problématique de référence gravite autour d'une réflexion précise. Nous nous questionnons donc à savoir comment Memmi aborde la phénoménologie et les enjeux du racisme, soit de ses fondements, mais aussi de ses impacts dans les relations humaines et sociétales.

Pour Memmi, le racisme se forme au moment où il y a une interprétation des différences individuelles, c'est-à-dire des premières perceptions des évidences physiques comme la couleur de peau, les pratiques religieuses ou les habitudes comportementales. Nous considérons que c'est dans la signification et les interprétations de ces différences, et ce dans l'optique de stigmatiser les certains individus ou groupes, que se caractérise l'essence même du racisme. C’est dans cette optique que nous analysons les fondements du racisme selon Memmi, pour nous pencher ensuite sur sa notion des rapports de pouvoirs qui permettent aux individus de l'exercer à travers un discours qui valorise les différences à leur profit. Nous appuierons notre réflexion par le croisement de trois études de Memmi, soit La terre intérieure (1976), La Dépendance (1979) et Le Racisme (1982).

La Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec en décembre 2015. Cette étude porte sur un aspect peu abordé au sein du débat essentiellement médical et légal en amont de l’adoption de la loi et se questionne sur la place du soutien psychosocial dans la pratique de l’aide médicale à mourir au Québec. Cette étude comporte un devis mixte (qualitatif et quantitatif). L’analyse documentaire a permis d’étudier les 273 mémoires qui ont été déposés à l’Assemblée nationale du Québec lors du mandat «Consultation générale sur la question de mourir dans la dignité». L’approche par questionnement analytique (Paillé) a permis d’analyser en profondeur les 26 mémoires qui ont été sélectionnés pour notre échantillon, selon une grille de questions pré établie. Cette étude a fait ressortir que la place du soutien psychosocial a été abordée dans les mémoires, bien que dans des perspectives fort différentes, tant par des ordres professionnels dans le domaine de la santé et des services sociaux, que par des organismes communautaires ou des individus. Plusieurs constats et recommandations à cet égard n’ont pas été considérés dans la loi. En conclusion, dans le cas où la Loi devait être révisée ou modifiée, cette étude pourra servir à mettre de l’avant des pistes d’intervention pour redonner au soutien psychosocial la place qui lui revient dans l’accompagnement à l’aide médicale à mourir pour les personnes qui le demandent et pour leur famille.

Dans les dernières années, la Cour Suprême du Canada a eu à réévaluer, pour la première fois de son histoire, certaines décisions rendue durant les premières années de la Charte canadienne des droits et libertés. Que ce soit dans l’affaire Bedford sur la prostitution ou dans l’affaire Carter sur le suicide assisté, la cour s’est vue confronter à un nouveau dilemme; quel poids doit-on donner aux précédents face à de nouveaux faits sociaux ou à des consensus moraux qui ont évolués? À première vue, la réponse de la cour est désarmante tellement elle est désinvolte. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, la désinvolture dont fait preuve la cour face à ses propres précédents s’inscrit dans un mouvement plus général de repositionnement dans la structure constitutionnelle accompagné d’un changement de paradigme en matière d’interprétation constitutionnelle. En adoptant la théorie du dialogue entre le judiciaire et le législatif à titre de récit constitutionnel, la Cour Suprême ne faisait qu’officialiser ce repositionnement. Dans cette perspective, l’autorité déchue des précédents constitutionnels n’apparaît plus comme un phénomène singulier et surprenant mais plutôt comme la dernière manifestation de ce repositionnement institutionnel et du rejet d’une conception positiviste du droit qui l’a accompagné.

Les personnes en situation d’itinérance qui le sont durant de nombreuses années vont vivre plusieurs deuils, souvent associés à des morts violentes : surdose, suicide, accident, meurtre, etc. Or, malgré le nombre grandissant de ces mortalités « yet little is known about the experiences and needs of those who are bereaved by such deaths » (Templeton et al., 2017). Encore moins, par rapport aux rituels dont disposent ces endeuillés (Wright et al., 1999).

Ce projet présenté vise notamment à éclaircir la question des deuilleurs de la rue à travers une compréhension de la profondeur des relations qu’ils tissent et qui les relient les uns aux autres jusque dans la mort. Les données préliminaires qui seront présenté émanent d'observations et d'entrevues réalisées en 2021-2022 au près de personnes concernées par les "morts de la rue". Ces données sont mises en relation pour l'analyse avec le contexte particulier de la mort dans le monde contemporain. 

Le concept de «résonance» est  abondamment utilisé par les chercheurs des sciences sociales et humaines autant que les spécialistes des sciences physiques. Sa polyvalence étonne. Cette qualité n'en fait-elle pas en même temps un formidable outil de dialogue entre les différents champs du savoir. Mais qu'est-ce que la résonance ? Quelle réalité recouvre-t-elle? Qu'est-ce qui explique son pouvoir de séduction-évocation auprès des penseurs ? La biologie a montré que le corps est une immense caisse de résonance. La «nouvelle» physique avec sa théorie des cordes bouleverse déjà notre conception de la matière, de l'espace et du temps. Elle propose un modèle de particules semblables à d'infinis bouts de ficelles qui entrent en résonance. La géographie doit intégrer ces nouveaux développements dans ses modèles.

Quiconque se penche sur la question conservatrice se bute à quelques embûches, dont a) le peu de littérature savante consacrée à la circonscription conceptuelle du mouvement conservateur et b) la proposition répandue voulant que les dispositions conservatrices ne se théorisent pas. Il apparaît ainsi difficile de définir le rôle que le conservateur canadien confère à la raison, comme dispositif capable de discriminer le bien du mal, et tout aussi laborieux de circonscrire les formes de justice disponibles à l’esprit conservateur. De cette tension se dégage une question fondamentale : à travers l’histoire canadienne, quel rôle les conservateurs ont-ils octroyé à la raison et quelle forme de justice s’en est trouvée instituée? Pour répondre à cette question symptomatique du rapport ambigu des conservateurs à l’éternelle distinction « bien/mal » et au mécanisme capable de les départager, nous procèderons à une analyse du discours conservateur dans l’histoire canadienne depuis la Confédération jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Diefenbaker. Nous défendrons l’hypothèse selon laquelle le conservatisme s’assoit sur une épistémologie particulariste incapable de séparer le bon grain de l’ivraie avec méthode et système, mais que les formes de justice promues par elle ne s’en trouvent étonnamment pas moins définies. Nous en tirerons quelques conclusions pour la philosophie politique canadienne à partir du travail conceptuel entamé par Oakeshott (1962), Freeden (1996) et Dart (2004).

L’instauration des frontières en Afrique permet l’appropriation, la transformation des ressources naturelles et des hommes des territoires africains au bénéfice de l’Europe. La délimitation des frontières coloniales ne débouche-t-elle pas sur un genre nouveau? Les problèmes africains ne proviennent-ils pas des difficultés suscitées par les frontières? 

Cette étude tente de montrer par des méthodologies sociocritique et historique que l’imposition des frontières coloniales en Afrique détruit les communautés ethno-tribales. Sa spécificité tient au fait que ces frontières sont les principales détentrices de la puissance technique et politique dont le rôle est de maintenir l’exploitation. Comme résultats, les contradictions présentes en Afrique résultent de l’impossible dépassement des conséquences du découpage des frontières coloniales produit par l’Europe. La première conséquence de cette délimitation est la partition européocentrique déterminant toutes les relations entre les communautés ethno-tribales et les sociétés européennes. La seconde conséquence de cette délimitation relève du fait que les États africains sont totalement soumis à la société techno-économique d’Europe et ont créé une société dans laquelle les rapports hérités du passé colonial sont des rapports politiques. Du coup, ces États africains sont illégitimes. Ils ne peuvent pas surmonter les crises politiques qui les minent, ni les conflictuelles relations de dépendance qu’ils entretiennent avec l’Europe.

Qu’est-ce qu’une raison d’agir ? Comment doit-on concevoir sa nature et sa fonction ? Le débat quant à la nature des raisons oppose les théories mentalistes, selon lesquelles les raisons sont constituées de croyances et de désirs, aux théories factualistes, qui considèrent qu’elles sont constituées par des faits. Maria Alvarez (2010) a récemment défendu une version du factualisme qui soulève plusieurs problèmes, d’ailleurs susceptibles d’affecter les théories factualistes en général. Le débat quant à la nature des raisons soulève des questions plus spécifiques sur leur fonction. On admet généralement que les raisons peuvent jouer trois rôles : elles peuvent être motivantes, explicatives ou normatives. La conception mentaliste s’accomode plutôt bien de cette tripartition. Mais qu’advient-il, au sein d’un modèle factualiste, de cette tripartition ? Pour Alvarez, celle-ci demeure pertinente puisque les faits peuvent être à la fois motivants, explicatifs et normatifs. Or, le cas des fausses croyances, non factuelles, pose un problème majeur : celles-ci sont suspectibles de motiver et d’expliquer les gestes de l’agent, sans pour autant être des raisons. Il y a manifestement discordance entre la théorie factualiste quant à la nature des raisons et la tripartition classique quant à leur fonction. Laquelle doit céder le pas à l’autre ? J’entends suggérer que c’est l’usage fonctionnel que l’on fait des raisons qui doit guider toute théorisation métaphysique quant à leur nature.

Les données relatives à la division des hémisphères cérébraux sont l'apport scientifique le plus pertinent pour le débat philosophique sur l'identité personnelle. Dans les années 60-70, des chercheurs ont observé que, lorsqu'on procédait à l'ablation du corps calleux assurant le transfert d'information entre les hémisphères, chaque hémisphère semblait avoir ses propres perceptions et intentions indépendantes. La division du cerveau donnerait donc lieu à une division de la conscience et de la personne. Derek Parfit, notamment, s'est appuyé sur cette apparente divisibilité de la personne pour défendre que nous sommes des êtres distincts de l'organisme vivant, n'ayant qu'une existence conceptuelle. Cependant, des expérimentations récentes contestent les résultats précédents, concluant que malgré que la division cérébrale donne effectivement lieu à une division de l'information perceptuelle accessible à chaque hémisphère, elle ne porte pas atteinte à l'unité de la conscience (Pinto 2017). La division des hémisphères ne fournirait donc pas de raison suffisante pour distinguer la personne de l'organisme et justifier le réductionnisme de Parfit. Pour cette présentation, nous proposons d'examiner les résultats de ces expérimentations, leurs implications philosophiques, de sorte à rétablir la possibilité que la conscience et la personne soient profondément rattachées à l'organisme vivant. Nous défenderons que nous sommes des animaux, ayant une existence réelle plutôt que conceptuelle.

Toute vie humaine est complexe, les expériences diverses; comment aborder le récit autobiographique quand le sujet construit lui-même sa propre version, et que l’intervieweur, en plus d’écouter attentivement, a la responsabilité de l’interprétation? Face à l’illusion, fausse, que le récit autobiographique se génère de façon quasi spontanée, et que l’analyse est univoque, surgissent l’obligation d’un enrichissement théorique, le recours à la méthodologie, l’appui de disciplines. La communication fait état des dilemmes affrontés lors de l’analyse des récits autobiographies de sept étudiants sortis de conditions de vie sociale très défavorables pour acquérir une formation universitaire. Un garçon travaillant aux champs; une fille d’ouvrière; un jeune vendeur dans un débit d’alcool; une maman adolescente; une fille d’un père acholique; l’ainée de neuf frères et sœurs, à soigner au détriment de son éducation; une fille avec une incapacité congénital. Seuls points communs entre eux, la vulnérabilité et le succès. Objectivité? Subjectivité ou intersubjectivité? Analyser la narration par fragments ou encore recomposer l’expérience de vie phénoménologiquement? Univocité? Plurivocité? Équivocité? Appartenance de classe, sujet, personne, individu, avec sa réalité propre, ses choix, ou bien produit social? Culture acquise, incorporée, assimilée, exprimée? La sociologie, l’anthropologie et la psychologie s’imbriquent quand il s’agit d’élucider le sens d’une vie humaine. 

La thèse que nous défendons analyse l’agentivité spécifique des systèmes intelligents, comme agent moral, afin de déterminer quelles seraient les conditions de possibilité d’un comportement vertueux de leur part. L’autonomie de ces systèmes se développe rapidement, entraînant une complexification de leur agentivité et intensifiant leur impact sur la société. Or, pour le moment, bien que ces machines soient capables de prendre des décisions, ils ne font pas appel à un raisonnement moral, lorsqu’ils effectuent une tâche. Par exemple, les voitures autonomes fonctionnent et agissent pour la protection des individus. Mais elles ne connaissent pas encore, la portée morale de leurs gestes. Pourtant, elles font des choix de vie et de mort et sont donc confrontées à des dilemmes moraux. Par ailleurs, les capacités sensorielles de ces systèmes ne sont pas encore adaptées à ce qui relève de l’éthique humaine. Pour contrer ces impasses, nous émettons l’hypothèse selon laquelle, il existe une analogie entre l’apprentissage moral de la vertu et l’apprentissage profond des machines, de telle sorte qu’il serait possible de développer un apprentissage moral de l’intelligence artificielle. Sous forme d’essais et d’erreurs et avec plus ou moins de supervision, les couches neuronales artificielles parviendraient à une reconnaissance du bien et du mal, dans le but de forger un caractère vertueux. On conçoit alors la perfectibilité morale des machines, grâce à l’apprentissage profond.

Si l'entreprise philosophique de Martin Heidegger se caractérise majoritairement par la tentative de destruction et dépassement de la pensée métaphysique telle que l'a connue l'histoire de la philosophie occidentale, son rapport à une certaine tradition médiévale est en vérité plus complexe qu'on ne peut généralement le croire. Bien que le paradigme aristotélico-thomasien  se trouve largement critiqué par Heidegger, une certaine orientation néo-platonisante à tendance mystique du penser médiéval incarnée principalement par Saint Augustin et Maître Eckhart  a su influencer abondamment l'ontologie heideggérienne, autant dans ses premiers développements qu'au cours du tournant entrepris après la publication d'Être et temps. Prenant pour ligne directrice de notre lecture la thèse soutenue dans l'ouvrage du philosophe américain John D. Caputo The mystical element in Heidegger's thought, nous exposerons quel rôle a pu jouer dans la pensée heideggérienne la notion de néant et quel type de filiation cette importance du néant dans le discours ontologique instaure entre les pensées de Heidegger et de Maître Eckhart. Notre objectif sera de comparer le traitement qu'il est fait du néant et l'importance accordée à la néantification de l'étant au sein de la construction de l'expérience spirituelle dans certains ouvrages-clés du corpus heideggérien tels que Être et temps, "Introduction à la métaphysique" et Le principe de raison ainsi et dans les Traités et sermons de Maître Eckhart.