La littérature sur la survie des entreprises est vaste et complexe. Au cours de mes réflexions sur les start-up numériques malgaches, j'ai été marqué par les travaux d'Erik Stam, professeur de stratégie, d'organisation et d'entrepreneuriat à l'Université d'Utrecht. Son article « Entrepreneurial Ecosystems and Regional Policy: A Sympathetic Critique » a bouleversé ma perception de la survie des jeunes pousses innovantes et m'a incité à approfondir les mécanismes complexes qui dictent le destin de ces entreprises.
Si la littérature nous apprend que la survie d'une entreprise dépend de facteurs internes et externes, les facteurs internes varient d'une entreprise à l'autre, alors que les similitudes en matière d'environnement dans lequel elles évoluent sont indéniables.
Ainsi, en partant des travaux d'Erik Stam, nous comprenons que chaque environnement est composé des mêmes éléments, et la question est de savoir si ceux-ci sont suffisamment développés ou non. Concrètement, les entreprises qui évoluent dans des conditions favorables ont de meilleures chances de survie que celles qui évoluent dans des conditions difficiles. La mesure de l'écosystème entrepreneurial permet donc de mieux comprendre les éléments favorables au soutien des activités des entreprises, dans mon cas des start-up numériques. Aussi, elle donne une vue d'ensemble des défis auxquels la majorité des entreprises sont confrontées.
Le texte d'Erik Stam nous apprend que la performance des entreprises dépend de la synergie qui existe au sein de leur écosystème.
Rappelons que les recherches du professeur Erik Stam portent sur les institutions, l'esprit d'entreprise, l'innovation et la relation avec le développement économique aux échelles micro et macro. Il s’est vu décerner le prix Herbert Simon par l'Association européenne d'économie politique évolutionniste.
Les composantes d’un écosystème entrepreneurial
Lorsque nous parlons d'écosystème entrepreneurial, nous faisons référence à un ensemble d'éléments qui interagissent entre eux pour soutenir et stimuler la création de valeur par les entreprises. Cette figure l'illustre avec clarté :
Les conditions-cadres de l’écosystème
Les conditions-cadres sont les éléments fondamentaux qui définissent le fonctionnement d'un écosystème entrepreneurial.
Tout d’abord, les institutions formelles, telles que les lois et les normes, reflètent les règles du jeu de la société où s'inscrit l'entreprise. Des réglementations excessives ou des barrières à l'entrée peuvent entraver la création d'entreprises, et d’un autre côté, la présence de règles fiscales ou environnementales appropriées (où les entreprises sont incitées à collaborer) permettront aux nouvelles entreprises de se développer d’une manière durable. De même, l'intégrité d'un gouvernement, mesurée par des indicateurs tels que la corruption, a un impact significatif sur le développement général d'un écosystème. Ensuite, la culture influencera la perception de l'esprit d'entreprise dans une société donnée. Si un esprit entrepreneurial soucieux de la communauté où il s’inscrit est valorisé et encouragé, il peut stimuler la création d'entreprises et le développement socioéconomique. Concernant les infrastructures physiques, comme les routes, les ports et les aéroports, elles facilitent le transport des biens et des services. Enfin, la demande mesure le potentiel de croissance que les entreprises peuvent atteindre.
En clair, les conditions-cadres nous donnent une image globale de l'environnement d’affaires au sein de l'écosystème.
« L’approche systémique prend en compte l’échelle de l'entrepreneur afin de mieux comprendre le contexte de l'entrepreneurship. Cette approche donne également des indices pour identifier le maillon le plus faible qui limite la performance de l’écosystème entrepreneurial. Une seconde contribution originale est la place prépondérante accordée aux entrepreneurs eux-mêmes pour construire l’écosystème et le maintenir en bonne santé, le tout avec la contribution des autres parties prenantes concernées ». Érik Stam.
Les conditions systémiques de l’écosystème
Les conditions systémiques sont des éléments qui ont un impact direct sur la capacité des entreprises à créer de la valeur.
Les réseaux d'entreprises permettent la circulation de l'information et facilitent l'échange de connaissances, de main-d'œuvre et de capital. Le leadership fournit une orientation et des modèles à l'écosystème entrepreneurial. Les leaders peuvent contribuer à créer un environnement favorable à l'entrepreneuriat en encourageant la collaboration entre les entreprises et en travaillant avec les autorités locales pour créer un cadre réglementaire adéquat. L’accès au financement est crucial pour les investissements dans des projets entrepreneuriaux. En ce sens, les investisseurs qui ont une connaissance approfondie de l'entrepreneuriat peuvent apporter un soutien approprié aux entreprises. Le talent est également essentiel, car il permet de disposer d'une main-d'œuvre qualifiée et diversifiée, nécessaires au développement de nouvelles technologies. Quant aux connaissances acquises au fil du temps, elles permettent de comprendre le monde qui nous entoure et d'identifier des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Elles nous amènent à développer de nouvelles technologies, à créer de nouveaux produits et services et à trouver de nouvelles façons de relever les défis sociaux et environnementaux. Enfin, les services intermédiaires, tels que les incubateurs d'entreprises et les fab labs, elles apportent un soutien pratique aux nouveaux entrepreneurs. Ces services peuvent aider à surmonter des obstacles courants tels que la recherche de financement ou le manque d'équipement.
Associées aux conditions-cadres, ces conditions systémiques constituent un environnement propice au développement des entreprises.
L'importance de l'approche systémique pour comprendre et résoudre les problèmes d'un écosystème
En lisant le chapitre écrit par Erik Stam, nous sommes frappés par l'importance d'une approche systémique. Les différents éléments qui composent un système étant interconnectés, la négligence d'un seul noeud peut avoir des effets négatifs sur l’ensemble. En adoptant cette perspective, nous sommes en mesure de mieux comprendre la complexité d'un environnement, mais aussi de mieux analyser les problèmes spécifiques qui s'y posent. Prenons le cas d'un écosystème comptant un faible nombre d'investisseurs. Cette situation peut être le résultat de multiples dysfonctionnements, tels que la présence de corruption, qui réduit la confiance des investisseurs, ou le manque de culture entrepreneuriale, qui freine la création d'entreprises et limite l'attractivité de l'écosystème, ou encore l'inaccessibilité de l'information et de la connaissance, qui rend les opérations d'investissement complexes.
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'approche systémique proposée par Erik Stam nous permet d'adopter une vision plus large et plus complexe de la manière d'aborder un problème. En utilisant cette approche, les dirigeants sont en mesure de concevoir des politiques et des stratégies plus adéquates pour encourager l'esprit d'entreprise et stimuler le développement socioéconomique dans le respect de l'environnement et ce, d'une manière globale.
« Bien que les relations causales au sein du système et leurs effets sur l’entrepreneuriat et la création de valeur n’aient pas encore été suffisamment étudiés, l’approche écosystémique entrepreneuriale offre des éléments précieux pour une meilleure compréhension de la performance des économies régionales. L'approche met l'accent sur les interdépendances dans le contexte de l'entrepreneuriat et fournit une analyse ascendante de la performance des économies régionales, sans se concentrer sur les entrepreneurs individuels. Cette approche alimente également le changement dans la politique d’entrepreneuriat de la quantité vers la qualité de l’entrepreneuriat. » Érik Stam.
Référence
- Erik Stam (2015). Entrepreneurial Ecosystems and Regional Policy: A Sympathetic Critique, dans European Planning Studies, 23(9), 1759-1769. DOI: 10.1080/09654313.2015.1061484
- Fortunat Rakotoarisoa
Université du Québec à Trois-Rivières
Fortunat Rakotoarisoa, Msc, a récemment obtenu son diplôme de l'École de gestion de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Boursier fédéral du projet Jeunesse Malgache Compétente au Travail, il a mené des recherches sur "L'écosystème des start-ups numériques malgaches", ce qui lui a valu le prix Normand-Pettersen. Actuellement, il accompagne des start-ups numériques via le programme Miary Digital du Pôle Intégré de Croissance, un projet financé par la Banque Mondiale, en partenariat avec la structure d'accompagnement NextA. En parallèle, il partage sa passion en tant qu'enseignant à l'Institut National des Sciences Comptables et de l'Administration d'Entreprises à Madagascar. À noter qu'aujourd'hui, il détient six masters (maitrises) obtenus dans trois pays différents : le Canada, la France et Madagascar.
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